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Elections européennes

Pourquoi Révolution Permanente appelle à voter pour les candidats de Lutte Ouvrière ?

Les militants du Courant Communiste Révolutionnaire qui animent le quotidien numérique Révolution Permanente, font partie du Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA) connu notamment par les candidatures d'Olivier Besancenot puis de Philippe Poutou aux présidentielles. Pour les élections européennes du 26 mai, le NPA n'a pas réussi à réunir les fonds pour se présenter. Nous avons donc défendu, avec d’autres, la position du NPA qui appelle à voter pour les candidats de Lutte Ouvrière. Dans cet article, nous expliquons pourquoi.

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Quand le mouvement des Gilets jaunes percute les élections européennes

Depuis le 17 novembre 2018, le mouvement des Gilets Jaunes a bouleversé la situation dans le pays. D’abord, il a remis la question sociale au centre du débat politique. Il suffit de repenser aux médias saturés de débats sur l’immigration, la sécurité, le terrorisme, pour remarquer que le mouvement a mis à nouveau au devant de la scène des questions sociales : l’injustice fiscale, la vie chère, les salaires et pensions de retraites trop basses. Fin novembre déjà, l’explosion spontanée s’étendait en un mouvement profond, élargissait ses revendications, et questionnait le caractère antidémocratique des institutions. Le mouvement a permis une large remise en question de l’Etat lui-même, de son Président, son personnel politique et ses forces de répression. Mieux, par sa radicalité, ses méthodes de lutte et ses aspirations, il marquait pour la classe dominante un certain "retour du spectre de la révolution".

Après un premier recul partiel du gouvernement le 10 décembre, le gouvernement a énormément manoeuvré afin de discréditer le mouvement. On assiste à un niveau de répression exceptionnel qui a à son compte un mort et des centaines de mutilés et de blessés graves. Malgré tout, le mouvement des gilets jaunes continue de se maintenir après 22 actes et démontre la profondeur de la colère d’une frange importante de la société, et ce malgré la relative impasse stratégique face à laquelle se retrouve le mouvement.

Le "Grand Débat" représente l’énième tentative du gouvernement pour dévoyer les revendications qui ont émergé ces derniers mois. Mobilisant un secteur minoritaire de la société (plus aisé, âgé et urbain que les gilets jaunes, moins nombreux que prétendu...) et lui faisant dire plus ou moins ce qu’il veut (pas de question sur la suppression de l’ISF, transformation de l’exigence de "justice fiscale" en demande généralisée de "moins d’impôts"...), ce "Grand Enfumage" à une autre utilité pour Macron. En plus d’essayer de sortir enfin, et le moins mal possible, du mouvement des gilets jaunes, Macron voit aussi le "Grand Débat" comme un tremplin pour sa campagne pour les européennes(avec tout de même 12 millions d’euros d’argent public de dépensés, rappelons-le), premier test électoral de son mandat.

La fausse alternative Macron vs Le Pen et l’impasse de la « gauche »

Il est paradoxal que malgré l’impopularité de Macron et la crise de son gouvernement, la liste de La République en Marche se trouve en tête des sondages, suivie de près par celle du Rassemblement National. Elle témoigne d’un fort décalage entre le climat social qui règne dans le pays depuis cinq mois et son expression politique et électorale.

Alors que les revendications et préoccupations exprimées en France depuis plusieurs mois concernent des questions sociales ; le débat porte presque exclusivement, sur la question de la sortie ou non de l’Union Européenne et sur l’immigration.

La question est posée de façon binaire : « Pour ou Contre l’Europe ? », « Pour ou contre l’accueil des migrants ? ». En France, Macron fait le pari de rejouer le scénario du second tour de la présidentielle, d’une polarisation entre le Rassemblement National (les "nationalistes") et La République En Marche (les "progressistes" selon lui). 

La « gauche » a elle aussi sa part de responsabilité. Au-delà du formidable éclatement des listes de "gauche" (et sans entrer dans la question de ce qu’il reste ou non de "gauche" dans des listes comme celles de "Place Publique/PS" ou de "Europe Ecologie Les Verts"), toutes ces listes se sont adaptées d’une façon ou d’une autre à cette polarisation. De Génération au PCF en passant par la France Insoumise, aucune n’a tenté de représenter un troisième pôle, une alternative entre les options réactionnaires proposées. 

Le cas de la France Insoumise mérite de s’y pencher : Aux présidentielles de 2017, Jean-Luc Mélenchon avait représenté un espoir pour presque 20% des électeurs du premier tour, notamment chez les jeunes et les classes populaires. Suite à l’élection de Macron, il s’était hissé au rang de premier opposant au programme libéral du gouvernement, revendiquant les différentes mobilisations, etc... Mais une opposition qui reste dans le cadre des institutions, au service d’une stratégie électorale pour 2022. Au sujet de l’Europe, les concessions de LFI au nationalisme au travers son soi-disant « souverainisme de gauche », l’empêchent d’avoir une position lisible. Après avoir soutenu Syriza en 2015 en Grèce, qui a fait la démonstration de l’impuissance du réformisme à affronter le capitalisme et les institutions européennes ; Mélenchon expliquait qu’il avait manqué un "plan B" à Tsipras de sortie de la zone Euro. Aujourd’hui, pour des questions de visée électorale, LFI tente de jouer sur les deux tableaux : d’un côté, en articulant un plan A de renégociation de l’UE ; de l’autre, avec un hypothétique plan B (moins mis en avant aujourd’hui) de sortie. 

La nécessité d’une expression des travailleurs, internationaliste et révolutionnaire

Dans ce contexte, on a du mal à voir une alternative à la polarisation, une troisième voie qui se place dans l’intérêt des classes populaires, proposant une alternative politique et révolutionnaire aux questions et aspirations qu’ont soulevé les gilets jaunes dans le pays. Aux aspirations à changer le système, on oppose des propositions pour le réformer. A la radicalité de la colère qui a explosé, on oppose les propositions de compromis avec ceux qui nous exploitent. Au retour du spectre de la révolution, on propose des modifications marginales du régime...

Pourtant cette troisième voie existe, c’est celle de l’unité de la classe travailleuse de tous les pays d’Europe, contre "l’Europe du Capital". Les capitalistes de chaque pays européen continuent de se faire concurrence, tout en cherchant à s’allier ponctuellement pour tenter de peser à armes égales avec les grandes puissances comme les Etats-Unis, la Chine ou la Russie. Contrairement à ce que veulent faire croire les capitalistes, qui entretiennent le mythe du « plombier polonais qui vient voler le travail aux français », seules les classes travailleuses des différents pays, qui ont des intérêts en commun, peuvent réaliser l’unité des peuples européens. Ce sont également les seules qui peuvent en finir avec le capitalisme, afin d’organiser la production en fonction des besoins humains et écologiques, et non plus en fonction des profits d’une minorité.

Ce point de vue s’oppose radicalement à tous ceux qui dans ces élections posent la question de l’immigration comme un problème, qu’elle soit présentée d’une part de façon réactionnaire en allant jusqu’à l’assimiler plus ou moins au terrorisme, ou d’autre part sous prétexte de s’attaquer aux "causes" de l’immigration (donc en proposant plus d’investissements de l’impérialisme français en Afrique par exemple). Si ce sont nos frères et sœurs de classe, que nous avons des intérêts et des ennemis communs, alors c’est la liberté totale de circulation et d’installation qu’il faut réclamer, sans aucune distinction entre « réfugiés » et « migrants économiques ».

L’échec d’une liste commune de l’extrême gauche

Ces idées-là, malheureusement il n’y a que l’extrême gauche qui les défend, et ce avec différentes nuances, utilisant les échéances électorales comme une tribune. Les deux principaux partis issus de cette tradition en France, Lutte Ouvrière et le NPA, ont parfois fait liste commune pour se faire entendre davantage. Ce fut le cas aux élections européennes de 1999, où l’alliance entre LO et la LCR (Ligue Communiste Révolutionnaire, ancêtre du NPA) obtenait plus de 5% et envoyait pour la première fois des députés trotskistes au Parlement Européen. Dans le cas concret des Européennes, le coût très élevé de se présenter (environ 1,5 million d’euros) constitue un obstacle anti-démocratique supplémentaire pour que les petites organisations, financées exclusivement par les cotisations de leurs militants. Raison de plus pour joindre les efforts au sein de l’extrême-gauche.

Après que la gauche du NPA (dont les militants de Révolution Permanente) ait réussi à imposer la recherche d’un accord avec Lutte Ouvrière, la direction de cette dernière n’a pas souhaité la constitution d’une liste commune. Résultat des courses : le NPA n’a pas réussi à franchir cette fois-ci le palier financier permettant de se présenter seul. Lutte Ouvrière, elle est présente, mais se retrouve tout de même exclue des deux débats télévisés, sous prétexte de "liberté de la presse".

Voter Lutte ouvrière et s’organiser pour en finir avec Macron et son monde

Malgré cela, et même si pour les révolutionnaires, la participation aux élections n’est pas la question cruciale pour un changement radical de société, nous pensons que le bulletin de vote que nos lecteurs et lectrices vont choisir le 26 mai pour exprimer leur colère n’est pas une question anodine.

Le mécontentement social qui explose aujourd’hui au travers le mouvement des gilets jaunes s’est exprimé, pendant des années, par l’abstention ou pire par un vote pour le Front National (devenu entretemps Rassemblement National), c’est-à-dire pour le pire ennemi des travailleurs.

Au moment où le mouvement des gilets jaunes est en train de questionner les institutions de la 5e République, de parler de révolution ou encore d’éviter de tomber dans le piège du débat sur l’immigration ; il serait nécessaire que cette colère se saisisse d’un projet révolutionnaire, internationaliste, de défense des intérêts des exploités.

Au-delà des quelques désaccords que nous avons, sur lesquels nous reviendrons dans d’autres articles, la liste conduite par Nathalie Arthaud revendique un internationalisme clair, la liberté de circulation et d’installation, la possibilité, pour la classe ouvrière, de s’organiser et de se battre contre les capitalistes dans une perspective révolutionnaire. Contre le sectarisme qui consisterait à ériger nos différences, même importantes, en barrière, nous nous battons pour l’unité des partis se réclamant de la révolution, pour exprimer nos idées largement à chaque fois que c’est possible. Dans le contexte où le NPA n’a pas pu se présenter, nous disons haut et fort : "Travailleuses, travailleurs", le 26 mai, c’est pour Lutte Ouvrière qu’il faut voter et faire voter !


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