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De la bulle au bulldozer ?

Pour s’envoler vers les présidentielles, Macron voudrait détruire le PS

Ce que les socialistes et la droite aimaient à décrire comme une « bulle » risque de moins en moins d’éclater et fait tellement d’ombre à gauche comme à droite qu’il est devenu la principale préoccupation de Fillon et des candidats de la primaire à gauche. Un phénomène politique tel que ses soutiens pleuvent : chaque jour, de nouvelles défections viennent renforcer les rangs d’En Marche ! qui a d’ores et déjà refusé toute alliance de partis. Une dynamique qui pose ouvertement la question d’une candidature PS aux présidentielles, et qui surtout en dit long sur l’état de décomposition des appareils traditionnels sur lesquels la Vème République a prospéré. Cependant, quand certains placent leur espoir en Emmanuel Macron, ce dernier ne promet qu’une chose : achever l’œuvre déjà commencée par Hollande, et renvoyer le « modèle social » français aux oubliettes.

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Une « bulle » Macron en pleine cristallisation


Beaucoup parlaient « d’effet de mode », décrivant avant tout l’ex-ministre du gouvernement Valls comme un jeune candidat prétentieux qui allait s’écraser sur un mur. Ils raillaient la création d’En Marche ! et s’étonnaient des 12 000 spectateurs de Macron début décembre. Mais petit à petit, l’oiseau fait son nid, et le candidat aux élections présidentielle est aujourd’hui le candidat de la « gauche » qui a le plus d’intentions de votes (autour de 20%), pour un Mélenchon autour de 15% et des candidats PS entre 7% (Hamon et Montebourg) et 10% (Valls). Certains sondages le mettent même au second tour, devant Marine Le Pen. S’il reste encore quatre mois de campagne présidentielle, on est néanmoins assuré d’avoir du beau spectacle !

Cette dynamique manque cependant aujourd’hui d’une chose, qui rend l’hypothétique présidence d’Emmanuel Macron ingouvernable : sans parti, sans appareil, le candidat d’En Marche ! ne peut espérer constituer une majorité derrière lui. Et évidemment, il s’agit de lorgner à gauche et d’attirer à lui le plus de soutiens du PS. On ne peut nier que la dynamique est bonne : Jean-Marc Ayrault, ex-premier ministre a déclaré « souhaiter voir la gauche au deuxième tour », posant en même temps le problème objectif de la dynamique de la primaire et de son candidat, et rappelant que Macron est « un homme de gauche » ; de là à y voir un adoubement il n’y a qu’un pas. Pierre Moscovici, ex-ministre d’Hollande, a lui souligné le « talent incontestable d’un homme ? ? à suivre avec intérêt ». Par ailleurs, il est de plus en plus reconnu que Royal soutien le jeune candidat en sous main dans l’appareil socialiste. De nombreux ralliements sont d’ailleurs arrivés sur le bureau du banquier : Paul Giacobbi (PRG, Corse) et Philippe Saurel (DVG, Montpellier) ont d’ores et déjà annoncé leur ralliement. Des soutiens qui permettent à ce qui était une « bulle » de se cristalliser réellement, et qui donnent à Macron une assise pour continuer son ascension.

Le candidat est de surcroit largement soutenu par les milieux médiatiques et financiers. Deux journaux font pratiquement officiellement campagne pour lui : L’Obs et Challenges ne cessent de louer l’ex-locataire de Bercy. Par ailleurs, il a des soutiens de poids dans les grandes fortunes, notamment Xavier Niel qui compte parmi ses soutiens les plus importants. Des soutiens qui en disent long sur la nature de celui qui brigue l’Élysée : un candidat des riches, des possédants et d’un patronat qui ne se cache pas de soutenir le programme, que Gattaz dit « intéressant », même s’il lui faut encore « rentrer dans les propositions concrètes et détaillées ». Un chèque en blanc donc, pour celui qui avait déjà donné un CICE sans contreparties au CAC40 et auquel on doit la loi éponyme, la loi Macron.


Un nouveau pacte social pour soutenir le modèle économique du patronat


Mais quel est donc le pari qu’Emmanuel Macron est en train de gagner ? Des trois candidats à l’élection présidentielle, avec le PS et Mélenchon, il y en a un de trop, qu’il faudra faire dégager. Le pari de Macron est bien que les socialistes sautent, pour mieux prendre la place du candidat de centre-gauche, à la place du PS. Mais de fait, ce pari n’a avant tout été rendu possible que par une profonde rupture du « peuple de gauche » avec son parti historique, le Parti Socialiste, né à Epinay en 1971 sur les décombres de la SFIO écrasée en 1968. Entre le mouvement contre la loi travail et la déchéance de nationalité, le PS mitterrandien s’est éloigné de ce qui faisait l’équilibre de sa politique, entre une critique culturelle et sociétale de la société et une logique « défensive » sur le front social, tout en assumant une realpolitik réformatrice. De fait, entre l’état d’urgence et les réformes totalement assumées pro-Medef, le PS est aujourd’hui dépassé et Emmanuel Macron veut incarner ce dépassement. Il s’agit pour lui d’être l’ingénieur de passage de l’appareil de gauche d’une social-démocratie en social-libéralisme assumé.

Le dépassement du PS d’Epinay est depuis longtemps au programme de la bourgeoisie, qui avait particulièrement misé sur tous les réformateurs parmi les socialistes : Manuel Valls, Benoît Hamon ou encore Arnaud Montebourg sont de ces hommes qui cherchent depuis 10 ans à réformer le PS. Cependant, le véritable renouveau est venu de l’extérieur du parti en la personne d’Emmanuel Macron, qui pose aujourd’hui ouvertement la question du ralliement de l’appareil du PS à lui, dans une primaire où tous les « éléphants » (Aubry, Hollande, Royal…) sont absents et n’ont pas donné de réelle consigne. Face au pourrissement du parti de Solferino, le banquier de Rothschild se permet de surcroît d’être particulièrement offensif : même s’il sait que son salut ne peut venir que de l’appareil du PS, il ne veut pas du soutien du PS en tant que tel, refusant tout « accord d’appareil ». On voit donc bien que Macron veut tout simplement détruire le PS en tant que tel pour reconstruire après.


De Macron à Fillon en passant par Le Pen, une seule option : préparer les combats à venir


Macron gagne cependant de très nombreuses voix sur le pari de la gauche d’être le seul candidat capable d’éviter un second tour Fillon-Le Pen, d’être le seul qui puisse proposer un second tour entre cette « nouvelle gauche » et la droite dure de Fillon. Cependant, le programme de Macron reste très clair : il s’agit de continuer les réformes qu’a commencées Hollande avec la loi travail, en allant plus loin, notamment en évacuant les représentants des salariés par la suppression des cotisations chômages et maladie. Le chantage au vote FN reste aujourd’hui la plus grande force de Macron, chantage en grande partie ressassé.

En effet, après les cinq mois de lutte contre la loi travail, c’est une bouffée d’air et un nouveau chapitre de lutte contre le patronat qui s’ouvre. Malgré la défaite de la lutte contre la loi El Khomri, il y a d’ailleurs toujours beaucoup de radicalité et des grèves très déterminées : 35 jours de grève à la Fnac Champs-Elysées, 6 semaines de grèves chez MC Synchro pour l’embauche des intérimaires, une grève victorieuse à la clinique pourtant privée de l’Ormeau. Mais Macron, qui se veut de gauche, ne saurait représenter ces luttes contre un patronat qui en veut toujours plus. Une bataille redémarre d’ailleurs à l’usine de Ford Blanquefort, près de Bordeaux, dans la seule usine qui voit travailler un candidat aux élections présidentielles. Car avec Philippe Poutou, pour 2017, face à des candidats qui veulent tous renvoyer le code du travail à celui du début du XXème siècle, il s’agit bien de préparer les luttes à venir.

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Arthur Nicola

Journaliste pour Révolution Permanente.
Suivi des grèves, des luttes contre les licenciements et les plans sociaux et des occupations d’usine.
Twitter : @ArthurNicola_

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