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Hypocrisie des impérialistes

Pour la Ministre de la Défense la France est un « fournisseur modeste d’armes à l’Arabie Saoudite »

Le meurtre récent du journaliste saoudien Khashoggi a médiatisé la nature réactionnaire de l'Arabie Saoudite, notamment la guerre sanglante menée au Yémen, mettant ainsi dans l'embarras les alliés du régime saoudien. A ce titre, Florence Parly, la Ministre de la Défense, a déclaré sur le plateau de Jean-Jacques Bourdin que la France est un « fournisseur modeste d'armes à l'Arabie Saoudite ». Pourtant, en tant que troisième fournisseur du pays, avec plus de 11 milliards d’euros de contrats d’armements entre 2007 et 2011, ainsi qu'un appui logistique direct dans la guerre au Yémen, difficile de parler de la France comme d'un fournisseur« modeste ».

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La France, un fournisseur modeste de l’Arabie Saoudite, vraiment ?

Dans le rapport parlementaire sur les exportations françaises d’armes, on apprend que l’Arabie Saoudite est un client privilégié de la France, avec plus de 11 milliards d’euros de contrats d’armements entre 2007 et 2011. De même, Amnesty International fait part de sommes astronomiques en jeu pour l’industrie de l’armement française, notamment dans la guerre menée au Yémén : « La France a octroyé pour un peu plus de 16 milliards d’euros de licences pour la seule Arabie saoudite en 2015. La France a livré à ce pays pour 900 millions d’euros d’équipements militaires la même année dont 115 véhicules blindés ainsi que plus de 700 fusils de précision. À aucun moment, le gouvernement n’a indiqué ces deux dernières années qu’il avait refusé, révoqué ou suspendu des autorisations d’exportation. Selon le SIPRI (Stockholm International Peace Research Institute), la France aurait fourni des véhicules blindés à l’Arabie saoudite en 2016. "En 2016, des navires intercepteurs auraient été livrés aux gardes côtés saoudiens, dans un contexte de blocus maritime partiel du Yémen. »
Cette guerre, qualifiée de « pire crise humanitaire dans le monde actuellement », par Antonio Guterres, secrétaire-général de l’ONU, représente un business colossal pour l’industrie de l’armement français. Selon le journal en ligne Orient XXI : « En 2016, environ 50 % des prises de commande enregistrées par la France concernaient les pays du Proche-Orient. La monarchie saoudienne est son premier client : elle lui a acheté près de 9 milliards d’armes entre 2010 et 2016, ce qui représente environ 15 à 20 % des exportations d’armes françaises chaque année. » Selon le rapport 2018 de SIFRI, l’Arabie Saoudite est le 5ème client de la France et représente 5,5% de part de marché de l’exportation d’armes françaises.

En plus de cet appui par la vente directe d’armes, la France est aussi logistiquement présente sur le terrain puisqu’elle assure la maintenance des Rafales, chars Leclerc et Mirage. Comme le précise là encore Orient XXI :« La France a également équipé les autres belligérants, l’Égypte, le Qatar, les Émirats arabes unis et le Koweït. Parmi le matériel utilisé au Yémen, des chars Leclerc émiratis – des hauts gradés français se sont vantés sur LCI de la performance inédite du matériel français dans ce conflit — et des Mirage 2000 émiratis et qataris, dont la France continue d’assurer la maintenance, la mise à niveau et l’approvisionnement en obus. Ces avions de chasse sont destinés aux bombardements, les forces émiraties se déclarant insatisfaites de leurs capacités d’emport en munitions, note Air Cosmos. »

Difficile dans ce cas de qualifier de « modeste » la vente d’armes de la France à l’Arabie Saoudite.

Une tentative de dévier la question de la guerre au Yémen

En réalité, il s’agit évidemment d’une tentative du gouvernement de détourner la question de la guerre au Yémen. Le meurtre du journaliste Khashoggi par un commando saoudien, qui pourrait bien être lié directement au prince héritier ben Salmane, a mis en lumière le caractère profondément réactionnaire du régime saoudien, entachant en retour ses alliés les plus proches.

A ce titre, la France, « modeste » fournisseur de l’Arabie Saoudite, est mise dans l’embarras. Interrogé il y a quelques jours au salon Euronaval de la défense au sujet des ventes d’armes de la France envers l’Arabie Saoudite, Macron évitait la question : « Je suis sur un autre sujet. Ça n’a rien à voir avec le sujet que je suis en train de traiter. Rien. Rien. Donc je n’y répondrai pas ». Mais quelques jours plus tard, sous pression de l’opinion publique et de l’Allemagne, qui a décidé d’interrompre ses ventes d’armes à destination de l’Arabie Saoudite, ce dernier faisait marche arrière, se déclarant prêt à prendre des « sanctions internationales » envers « les coupables » du meurtre du journaliste saoudien Jamal Khashoggi.

Aujourd’hui, la France appelle même, conjointement avec les Etats-Unis, à l’ouverture de pourparlers de paix au Yémen. Au vu de la proximité des liens économiques entre les deux pays, ces déclarations sont bien entendu totalement hypocrites, la question d’un embargo sur les ventes d’armes à l’Arabie Saoudite qui mène une guerre totalement barbare n’étant même pas évoquée en France. D’autant que Amnesty International, comme Acat, deux ONG, ont conclu d’après une étude que la France était exposée à « un risque juridiquement élevé » en livrant des armes dans la guerre au Yémen et dont l’utilisation au pouvait violer le droit international humanitaire.

En réalité, il s’agit donc d’une manœuvre des alliés de l’Arabie Saoudite pour s’appuyer sur la fragilisation du prince héritier suite au meurtre de Khashoggi et sortir d’une guerre totalement enlisée qui commence à nuire à leurs intérêts. Loin d’être un fournisseur « modeste », il est à ce titre évident que le gouvernement cherche à euphémiser sur son engagement dans la guerre au Yémen.

Crédits photo : ERIC FEFERBERG / AFP.


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