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Politicailleries hexagonales

Pour 2017, Hollande parie sur la « berlusconisation » de Sarkozy

Jean-Patrick Clech Il n’y a pas qu’à l’extrême droite et à droite que l’on a les yeux rivés sur le calendrier électoral, avec en ligne de mire les présidentielles de 2017. A gauche si tant est qu’on peut encore classer le PS à gauche, il en va de même, plus particulièrement à l’Elysée. Et c’est sans vergogne que Hollande se prépare. Sachant que jusque dans son propre camp, on lui a taillé un costume pour l’hiver, au moins pense-t-il que d’autres pourraient jouer le rôle d’épouvantails, et permettre que les voix se reportent sur sa probable candidature dès le premier tour.

5 juin 2015

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Le calcul a été vite fait du côté des conseillers élyséens de Hollande. Quel serait le pire des scénarios, pour 2017, pour un président au plus bas dans les sondages ? Que d’autres candidats plus ou moins présentables, ni trop à droite, ni trop clivants, ne se présentent, lui sciant la branche sur laquelle il est assis. Quitte à avoir un président qui promet d’approfondir ce qui se fait déjà, autant changer de tête, risqueraient de se dire les électeurs, par dépit, y compris au sein de la base électorale socialiste. Autant choisir un Bayrou ou un Juppé, cette fois-ci, plutôt que Hollande dont on a déjà soupé pendant cinq ans. D’où la stratégie en plusieurs temps de Hollande.

Reprendre en main le PS

Le premier pari a consisté à retisser un rapport avec Martine Aubry en vue du Congrès du PS pour assécher complètement les voix des frondeurs. Une fois Jean-Christophe Cambadélis aux commandes avec le soutien de la maire de Lille, la seule qui, sérieusement, aurait pu faire de l’ombre à Hollande, c’est la machine PS qui est reprise en main. Ce que les ténors socialistes reprochent à Nicolas Sarkozy, avec Les Républicains, n’est ni plus, ni moins, que ce qu’ils viennent de réaliser avec leur propre formation.

Pousser en avant la menace lepéniste

Le second moment, qui a commencé il y a déjà plusieurs mois, consiste à dramatiser la montée de Marine Le Pen. Le FN pousse dans les sondages et dans les élections depuis un certain temps, déjà, et ses scores sont imputables non seulement à la politique antisociale et raciste du gouvernement, mais aussi au discours qui est le sien, et qui conforte et légitime les idées frontistes. Il n’en demeure pas moins que l’idée de Hollande semble être de dire à ses électeurs de 2012 : « Vous n’êtes pas d’accord avec ma ligne économique ? Vous pensez que je ne suis pas assez à gauche ? Peut-être. Mon ministre-banquier ne l’est pas spécialement, tout comme mon Premier-ministre-premier-flic. Mais en revanche, au niveau des valeurs fondamentales, nous nous situons dans le même camp face à l’extrême droite et je suis son seul rempart ».

Laisser Sarkozy se « berlusconiser »

Seul rempart dans la mesure où, à droite, la course-poursuite derrière les idées frontistes continue de plus belle. Patrick Buisson, le conseiller ultra-réac des années Sarko a été débarqué, mais le discours a encore subi un tour-de-vis à droite avec la perspective de la primaire, tant du côté des partisans de François Fillon que de Sarkozy.

Le seul qui essaie de se démarquer de cette stratégie, en se présentant en rassembleur et en se posant sur le terrain de la confiance, à savoir sur le terrain que tente d’occuper Hollande, c’est le maire de Bordeaux et ancien Premier ministre, Alain Juppé. D’où l’idée, rue de Solférino et à l’Elysée, non seulement de laisser monter Sarkozy face à ses challengers, de faire le moins possible obstacle à son OPA sur la droite, mais également, ce faisant, de le laisser se « berlusconiser », à savoir verser dans le populisme le plus crasse, d’un côté, et, de l’autre s’enferrer dans de multiples affaires, soigneusement instruites au compte-goutte et qui sont suspendues au-dessus de sa tête comme une épée de Damoclès.

Dans aucun pays la justice bourgeoise n’est réellement indépendante, on le sait. Mais en France plus qu’ailleurs, les prérogatives de l’exécutif sur les juges, via le Parquet, sont écrasantes, rendant toute décision de justice éminemment politique. Dans ce cadre, entre l’affaire des sous-marins vendus au Pakistan (financement de la campagne Balladur de 1995), Bygmalion, le financement de sa propre campagne de 2012 par Kadhafi ou encore l’affaire Bettencourt, dont Eric Woerth vient se sortir « blanchi » (quoi que terni), on comprend mal comment la justice n’a pas encore réussi à coincer Sarkozy. La réponse est assez simple : Hollande ne veut surtout pas le coincer. Plus il a de casseroles, et plus il continue à se poser en leader de la droite, plus Hollande apparaît, à nouveau, comme la seule alternative honnête et crédible.

C’est la stratégie qui a été celle du centre-gauche italien face à Berlusconi au cours de la seconde moitié des années 1990 et des années 2000. Le but était de laisser filer le lièvre de façon à s’en servir comme d’un épouvantail pour mettre en valeur, à l’inverse, si ce n’est les vertus de la gauche gouvernementale, du moins le fait qu’il ne s’agirait pas d’un ramassis de repris de justice populistes et plus ou moins ouvertement racistes.

Un pari qui n’est pas gagné d’avance

Le pari double de Hollande, à la fois vis-à-vis de Le Pen et par rapport à Sarkozy, est néanmoins périlleux, et n’est pas gagnant d’avance. Côté Le Pen, c’est François Mitterrand qui, le premier, avait utilisé le lepénisme comme une arme contre la droite et pour rassembler son propre camp. Le résultat a été sans doute positif pour Mitterrand, réélu en 1988, mais a contribué à enraciner le FN dans le panorama politique hexagonal. De nos jours ce n’est plus seulement d’enracinement qu’il s’agit, le FN étant devenu un acteur central de la vie politique.
Pour ce qui est de laisser Sarkozy se « berlusconiser », le Parti Démocrate italien (et avant lui la coalition électorale de l’Union et auparavant celle de l’Olivier) a fait l’expérience que l’hystrionisation d’un politicien charismatique et personnaliste peut se retourner, y compris, contre le centre-gauche. Autrement, on ne s’explique pas la longue carrière politique du « Cavaliere », qui a fini par chuter non pas tant quand le PD l’a voulu, mais quand les secteurs les plus concentrés de la bourgeoisie italienne ont décidé, avec Mario Monti, qu’il était, définitivement, imprésentable et facteur trop couteux de tensions .
La course de fond de Hollande en vue de 2017, qui relève davantage du billard à trois bandes que de la stratégie politique, pourrait donc s’avérer plus compliquée que prévue. Et contribuer, y compris, à renforcer l’extrême droite et la droite populiste sur l’échiquier politique. Encore une fois, c’est bien le social-libéralisme qui fait le jeu des droites, y compris des plus extrêmes. Et Hollande ne fait pas exception à la règle.

04/06/15


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