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Stop à l’offensive réactionnaire !

Polémique contre la non-mixité : une attaque contre le mouvement anti-raciste et les droits démocratiques

La cabale réactionnaire continue avec l’adoption par le sénat d’un amendement dans la loi séparatisme visant à la dissolution d’associations organisant des réunions non-mixtes. C’est une attaque d’ampleur contre l’antiracisme, le mouvement étudiant, le mouvement ouvrier ainsi que l’ensemble de ceux qui cherchent à s’organiser contre les oppressions.

Louisa Eshgham

3 avril 2021

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Crédits photo : AFP

La polémique autour des réunions en non-mixité organisées par l’UNEF ne cesse d’enfler. Le 18 mars, plusieurs parlementaires des Républicains ont annoncé porter plainte contre le syndicat étudiant, pour « discrimination contre les blancs ». Depuis, l’UNEF est violemment attaquée par de nombreuses personnalités politiques, accusé de se « séparer de la République » par Eric Ciotti – député LR - qui demande la dissolution du syndicat, ou encore par Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, qui parle même de « pente fasciste ».

Lorsque Audrey Pulvar – candidate PS aux régionales – a affirmé ne pas être choquée par le fait que des personnes discriminées puissent « sentir la nécessité de se réunir entre elles pour en discuter », et qu’ « on peut demander à une personne blanche de se taire lors d’un groupe de travail consacré aux discriminations dont sont l’objet les personnes noires ou métisses » elle a à son tour fait l’objet d’un acharnement médiatique.

L’offensive a franchit un nouveau cap jeudi 2 avril, avec l’adoption d’un « amendement UNEF » par le Sénat dans la loi séparatisme, avec l’appui d’élus de droite, d’extrême-droite, mais aussi de secteurs de la gauche institutionnelle comme le Parti Socialiste, le PCF et EELV. Quelles que soient les suites de cette offensive – sachant que l’Assemblée nationale doit encore valider l’amendement pour qu’il soit promulgué – cette prise de position est le fruit d’une offensive liberticide et réactionnaire poussant toutes les organisations de la droite du régime (de LREM à l’extrême droite en passant par LR) à la surenchère. Derrière l’UNEF, c’est l’ensemble des organisations antiracistes, étudiantes et du mouvement ouvrier qui sont attaquées dans l’un de leurs droits fondamentaux : le droit à l’organisation et à la réunion politique.

Pourquoi cette pratique fait-elle tant parler d’elle ? Qu’est-ce qui dérange tant dans le fait que des personnes subissant le racisme se réunissent pour parler de cette oppression ?

La non-mixité est une méthode d’organisation courante, à la fois dans le mouvement antiraciste, mais aussi dans le mouvement féministe et LGBT. Cet instrument de lutte a par exemple été redécouvert par le mouvement américain des droits civiques dès les années 1960. Le Black Panthers Party revendiquait cette méthode, puisqu’il considérait que l’auto-organisation des noirs était une nécessité et le préalable à leur émancipation, même s’il avait une réelle logique d’union avec le prolétariat blanc.

Ce 25 mars sur France 5, la journaliste Laure Adler, qui a participé à des réunions non-mixtes du MLF décrivait l’importance de ce type de réunions dans le mouvement féministe : « Quand on se retrouvait entre femmes uniquement, une autre parole surgissait, totalement inattendue. On ne parlait pas du tout de la même manière », ces cadres sont « une étape assez révolutionnaire pour se comprendre soi-même et pouvoir articuler des principes de combat ».

Aujourd’hui ce sont les réunions en non-mixité de personnes racisées qui sont particulièrement ciblées et instrumentalisées à des fins racistes, davantage que le principe de non-mixité en tant que tel.

Une offensive profondément réactionnaire et raciste, alimentée par la droite et par une partie de la gauche

La droite et l’extrême-droite ont évidemment été les premières à attaquer violemment l’UNEF, qualifiant l’organisation de cadres non-mixtes entre personnes racisées de « racisme anti-blanc » et en dénonçant des pratiques qui porteraient atteinte à « l’universalisme » qu’ils opposent au « communautarisme » des militants antiracistes.

Ces thèses, issues de l’extrême-droite qui les utilise pour justifier sa politique xénophobe, sont aujourd’hui largement reprises par la droite et par une partie de la gauche. Elles nient le caractère structurel et institutionnel du racisme, dont les incarnations les plus flagrantes sont par exemple les discriminations à l’embauche, au logement, les contrôles au faciès, ou encore la répression policière systématique dans les quartiers populaires.

Cette rhétorique n’est pas nouvelle et est au contraire l’apanage de celles et ceux qui veulent délégitimer les luttes antiracistes : accuser les victimes de racisme de racisme anti-blanc, leur faisant porter la responsabilité de leur propre oppression et des discriminations qui en découlent, les réduire au silence lorsqu’elles s’organisent. C’est une rhétorique que reprend aujourd’hui le gouvernement, en affirmant que les racisés qui souhaitent se réunir en non-mixité sont des racistes qui construisent le chemin vers le fascisme, et que la république lutte contre cette dérive. En criminalisant l’action politique des opprimés et exploités, l’objectif est de stigmatiser leur auto-organisation, d’empêcher qu’ils émergent en tant que sujets politiques en capacité d’analyser et combattre les structures du racisme, du patriarcat et du capitalisme.

Mais la droite est loin d’être la seule à s’insurger face à la non-mixité des personnes racisées : toute une partie de la gauche dénonce aussi ces pratiques. Le parti communiste a par exemple dénoncé l’offensive contre l’UNEF mais tout en critiquant les cadres non-mixtes : « Si le PCF dénonce ces attaques, il ne saurait se reconnaître pour autant dans des pratiques qui excluent, dans des enfermements identitaires. Ceux-ci vont à l’encontre des valeurs universalistes et rassembleuses défendues depuis toujours par la gauche et le syndicalisme. » De la même manière, Dominique Sopo, président de SOS racisme, a déclaré : « En tant qu’ancien de l’UNEF, je voudrais dire qu’aucun syndicaliste étudiant ne devrait jamais troquer, fût-ce inconsciemment, son ambition de transformation sociale contre l’introspection de son nombril, quels qu’en soient le genre ou la couleur. »

Toute une partie de la gauche traditionnelle se range donc derrière un prétendu « universalisme » et dénonce des « enfermements identitaires ». Or, parler « d’universalisme », c’est refuser de voir que la société est traversée par des oppressions, que notre classe l’est tout autant, et que les oppressions façonnent aussi la manière dont nous sommes exploités dans le système capitaliste. Voir dans la non-mixité un « enfermement identitaire », c’est se réapproprier la rhétorique de la droite en prétendant que s’organiser pour faire face à une oppression subie revient à « s’enfermer », « s’exclure », au lieu de dénoncer qui sont réellement les responsables de l’exclusion et de l’enfermement des personnes racisées, et au lieu de reconnaître qu’à l’inverse, le mouvement antiraciste vise à combattre cette exclusion.

D’ailleurs, le Comité Justice et Vérité pour Adama, qui est aujourd’hui un acteur central du mouvement antiraciste en France, se bat depuis le début pour une stratégie d’alliance avec les différents mouvements sociaux, à l’inverse d’un « enfermement identitaire » supposé. C’est dans cette logique que les membres du Comité Adama avaient par exemple manifesté aux côtés des Gilets jaunes et des cheminots.

Refuser la possibilité aux personnes subissant une même oppression de s’organiser en non-mixité revient aussi à nier que les organisations syndicales et politiques sont perméables à ces oppressions qui traversent la société, et que les personnes qui les subissent doivent se placer en première ligne du combat pour élaborer et porter un programme qui s’adresse à ces franges opprimées de la société.

Derrière cette revendication de « l’universalisme » au sein de la gauche, il y a l’idée que parler des oppressions de race ou de genre contribue à « accentuer les divisions au sein des classes populaires », et que donc ces questions seraient secondaires, qu’elles ne devraient pas être prises en charge par les organisations politiques, qu’il s’agirait d’avantage de questions individuelles et non sociales. Dans un article publié par Mediapart en réponse à Stéphane Beaud et Gérard Noiriel qui parlent « d’impasse des politiques identitaires », Norman Ajari explique : « On voit ici la race conçue comme idéologie, c’est-à-dire comme un rapport imaginaire qu’entretiennent les individus à leurs propres conditions d’existence » mais pas comme une question d’appartenance à un groupe social opprimé.

Pourtant, l’absence de prise en charge de ces questions par les organisations du mouvement ouvrier a conduit à d’importantes ruptures entre celui-ci et le mouvement antiraciste, ou féministe. Ce sont ces conceptions politiques qui conduisent des partis politiques de gauche comme le Parti Communiste à ne pas rejeter en bloc l’ensemble de la loi séparatisme comme un tout profondément islamophobe, tournant le dos à la génération qui s’est soulevée après la mort de George Floyd et d’Adama Traoré contre le racisme d’État et les violences policières.

Ce refus des organisations traditionnelles du mouvement ouvrier de prendre en charge le combat contre les oppressions se traduit par une absence de dialogue totale entre les directions syndicales et les mouvements antiracistes et féministes qui ont émergé ces dernières années. La lutte contre le racisme et le patriarcat, considérés comme des questions qui divisent notre camp social, s’organise en dehors des organisations ouvrières, alors même que le prolétariat est aujourd’hui composé d’une majorité de personnes subissant ces oppressions. En témoigne par exemple l’absence de réaction des directions syndicales à la vague féministe qui a émergé après #MeToo, alors même que beaucoup de violences sexistes prennent racines sur les lieux de travail et sont renforcées par la précarité matérielle.

Derrière l’offensive contre la non-mixité des racisé.e.s, la crainte du mouvement antiraciste

Cette polémique s’inscrit dans un contexte d’offensive sécuritaire et islamophobe, marqué notamment par l’adoption de la loi « confortant les principes républicains », loi profondément islamophobe qui ne se cache pas de viser avant tout la communauté musulmane, mais aussi la loi Sécurité Globale. Cette offensive vise à désigner un ennemi intérieur, que la République devrait combattre à l’aide de lois répressives et de dissolutions d’associations, et permet au gouvernement de draguer l’électorat de la droite et de l’extrême-droite, tout en renforçant considérablement son arsenal répressif en vue de potentielles explosions sociales.

Cette polémique autour de la non-mixité incarne surtout la crainte du mouvement antiraciste actuel, en ce qu’il présente une certaine radicalité et pourrait s’inscrire dans un vaste mouvement social contre les conséquences de la crise que cherchent à nous faire payer le gouvernement et le patronat. Radicalité, puisque les mobilisations massives et historiques survenues en juin dernier suite au meurtre de George Floyd ont profondément remis en question l’institution policière et son rôle dans la perpétuation des crimes racistes, et questionnent en dernière instance l’État, ses institutions, et le racisme structurel. Ces mobilisations ont réuni des milliers de personnes dont beaucoup de jeunes, avec des profils très différents et qui n’ont pas l’habitude de manifester côte à côte.

En ce sens, ces mobilisations ont marqué un véritable tournant dans la perception de la police par une frange de la population. À titre d’exemple, une enquête de l’institut Opinionway pour 20 minutes révélait récemment que 47% des 18-30 ans « n’ont pas confiance » en la police, contre « 33% dans l’ensemble de la population ». 48% des jeunes la jugent raciste, et 79% reconnaissent que les violences policières sont une réalité. Le discours très réactionnaire actuel est donc aussi une réponse à ces mobilisations.

Cette radicalité résulte aussi du fait que le mouvement antiraciste de ces dernières années s’est exprimé au sein de courants qui se positionnent en rupture avec des organisations antiracistes cooptées par l’État – telles que SOS Racisme ou la LICRA. Le mouvement antiraciste français actuel est politique, il remet en cause l’impérialisme français et son héritage colonial, et c’est bien ça qui pose problème à la classe dirigeante.

La non-mixité est d’ailleurs un mode d’organisation souvent privilégié par ces courants antiracistes non institutionnalisés, tels que le MIB par exemple (Mouvement de l’immigration et des banlieues), qui est une organisation antiraciste fondée en 1995, dont se revendique le Comité Adama. La LICRA et SOS Rracisme, quant à elles, dénoncent logiquement la non-mixité, puisqu’elles sont des relais du gouvernement et cherchent à faire du racisme un problème « interpersonnel », individuel, davantage qu’un problème structurel.

De la même façon, la non-mixité inquiète puisqu’elle pose la question de l’organisation des personnes opprimées en indépendance de l’État, de ses institutions, et des associations qu’il a créées pour tenter de canaliser les luttes antiracistes. Comme nous l’affirmions en 2017 à propos de l’offensive menée contre le festival afro-féministe Nyansapo, « les discussions qui ont lieu en non-mixité ont vocation également à poser la question de l’auto-organisation des opprimés, à poser la question d’une politique vers l’extérieure, à se préparer à de prochaines mobilisations. » Et c’est ça qui effraie.

De plus, la classe ouvrière est aujourd’hui largement racisée, et cette frange de notre classe est souvent la plus paupérisée et précaire. En plus de subir des conditions de travail misérables, elle subit la violence institutionnelle et policière lorsqu’elle vit dans les quartiers populaires. Dans un contexte de crise économique d’ampleur, le gouvernement a tout à fait conscience que ce sont ces secteurs, qui subissent à la fois le racisme institutionnel et des conditions de travail déplorables, qui risquent de se mettre en lutte et de trancher avec l’atonie qui existe aujourd’hui dans le mouvement ouvrier, à l’image des grévistes SNCF de l’infrapôle Paris Nord.

Cette offensive raciste a donc pour objectif principal de marginaliser et de délégitimer autant que possible les habitants des quartiers populaires, les personnes racisées et le mouvement antiraciste dans son ensemble, niant aux victimes d’une même oppression le droit de s’organiser pour la combattre.

La non-mixité, un outil pour construire la lutte : l’exemple des groupes de femmes à Chronodrive

Comme l’explique Mélanie Luce, les réunions organisées entre personnes racisées avaient pour but de « permettre aux personnes touchées par le racisme de pouvoir exprimer ce qu’elles subissent ». La libération de la parole quant à une oppression subie constitue souvent un point de départ pour s’organiser contre celle-ci.

La lutte menée à Chronodrive, par Rozenn – syndiquée à la CGT – et ses collègues, en est un bon exemple. Face aux violences sexistes et sexuelles qui étaient largement répandues dans l’entreprise, elles ont décidé de s’organiser entre femmes. Au vu du climat profondément sexiste qui règne dans l’entreprise, se traduisant par des cas d’agressions et de harcèlement sexuel les salariées de Chronodrive ont pu constater que les directions d’entreprises ne fermaient pas seulement les yeux quand au harcèlement sur le lieu de travail mais en étaient complices. En témoigne notamment le directeur du magasin où travaille Rozenn, qui a affirmé à cette dernière qu’on ne pouvait « pas faire quelque chose pour chaque main au cul ». Convaincues de la nécessité de construire un espace qui puisse permettre de discuter plus en profondeur entre collègues de la situation de sexisme quotidien dans l’entreprise, elles ont choisi de s’organiser en non-mixité, créant une commission de femmes qui a joué un rôle central par la suite dans la lutte contre les violences de genre et dans la remise en question des conditions de travail. Si cette forme d’organisation est un outil partiel dans la bataille contre la direction qui s’est menée aux côtés de l’ensemble des salariés, et ne constitue pas pour nous une fin en soi, elle a joué un rôle central dans l’organisation des salariées de Chronodrive. 

Ces cadres étaient d’abord nécessaires parce qu’aucun espace ne permettait aux travailleuses de discuter de ces faits, de prendre conscience qu’elles n’étaient pas des cas isolés, que ce qu’elles vivaient était aussi vécu par leurs collègues ici ou dans d’autres structures, autrement dit, de prendre conscience du caractère systémique de l’oppression subie. Rozenn explique : « Ça a été bien plus simple de s’exprimer sur le sexisme et les agressions qu’on subissait dans des cadres sans hommes, on aurait été plus mal à l’aise d’en parler avec eux dans un premier temps puisqu’ils participaient aussi au sexisme ambiant, on avait ce besoin d’en parler entre nous. »

Elles ont aussi pu se rendre compte du rôle joué par la direction, qui était au courant des faits mais ne faisait rien, puisqu’elle n’avait en réalité aucun intérêt particulier à ce que ces faits cessent, préférant au contraire maintenir l’omerta pour préserver leur image de marque et leurs profits. Les salariées de Chronodrive ont lancé une importante campagne de témoignages et elles ont pu se mettre avec d’autres travailleuses de la grande distribution – en tissant par exemple des liens avec les travailleuses du collectif McDroits qui a été à l’initiative d’une tribune dénonçant le sexisme à McDonald’s, mais aussi avec des travailleuses d’autres magasins Chronodrive.

Si cette libération de la parole et cette prise de conscience de l’oppression sont indispensables, elles ne suffisent pas pour lutter effectivement contre ces oppressions. Les cadres de réunions non-mixtes doivent être penses non comme une fin en soi, mais comme un moyen pour que les femmes opprimées, ou les personnes victimes de racisme, puissent se placer en première ligne du combat pour l’émancipation.

« C’est dans ces cadres qu’on a pu réfléchir à ce qu’on voulait obtenir face à ce sexisme, dans l’immédiat en fonction de ce que les victimes voulaient, mais aussi dans un plus long terme, explique Rozenn. Pour vous donner quelques exemples, on a revendiqué que les victimes n’aient plus à travailler au côté de leurs agresseurs, on les a accompagnées dans leur démarches. Mais au-delà, on a revendiqué que la direction nous paye des heures de délégation pour s’organiser dans ces cadres, la mise en place d’une commission de médiation, des formations payées par l’entreprise et dispensées par les personnes que la commission aurait choisies. Mais on a très vite compris que tout cela on ne l’obtiendra que par le rapport de force, parce que la direction n’a aucun intérêt à accepter tout ça, et d’ailleurs elle a tout fait pour briser ces cadres et pour nous monter les uns contre les autres, pour nous diviser. »

C’est en ce sens que les salariées de Chronodrive se sont organisées, pour briser l’omerta et penser une réponse par en bas face au sexisme dans l’entreprise, mais qu’elles se sont aussi adressées à l’ensemble de leurs collègues, pour combattre ensemble les conditions de travail de misère et la précarité qui les frappe en tant qu’étudiants et construire un rapport de force face à la direction. D’ailleurs, lors des réunions de la section CGT Chronodrive, ouvertes aux syndiqués et non syndiqués, aux hommes comme aux femmes, les femmes faisaient des retours aux autres collègues sur les discussions qui avaient été menées dans les cadres non mixtes : « On leur expliquait ce qui en était ressorti, raconte Rozenn. Je me rappelle que ça impactait beaucoup de collègues hommes, qui prenaient conscience du sexisme et qui se demandaient s’ils avaient eu des comportements problématiques, comment faire pour nous soutenir… Ils voyaient clairement l’intérêt qu’ils avaient de lutter à nos côtés contre la direction qui banalisait complètement ce sexisme et qui cherchaient à nous mettre sous silence », « et de voir qu’aujourd’hui une vingtaine de salariés, dont beaucoup d’hommes, se mettent en grève en soutien à une collègue qui a lutté contre le sexisme, je trouve ça très puissant ».

Ce n’est donc pas pour demander de plus grandes sanctions, voire plus de répression aux collègues par les patrons, que ces femmes s’organisent au sein de ces commissions non-mixtes. Ces cadres, du fait des coordonnées de la situation à Chronodrive, permettaient aux femmes de l’entreprise de s’organiser en indépendance des patrons afin de choisir d’elles mêmes quelles solutions elles souhaitaient appliquer au problème des violences sexistes et sexuelles dans l’entreprise, tout comme par exemple le déplacement sur d’autres horaires voire la suspension temporaire d’un salarié, concerné par des accusations de harcèlement, avec maintien de salaire.

La réponse a donc été pensée en lien avec les collègues hommes de l’entreprise, dans le but de créer un rapport de force contre la direction : « On savait que le problème du sexisme n’allait pas se résoudre entre femmes, qu’il s’agissait de construire un rapport de force avec nos collègues hommes, à la fois contre les violences sexistes et sexuelles mais aussi contre les conditions de travail misérables dans lesquelles on doit travailler, face à des patrons qui n’ont pas hésité à sucrer les primes Covid des salariés par exemple ».

La nécessité de construire des alliances pour élaborer un plan de bataille à la hauteur

Comme le résumait Gaëtan Gracia, ouvrier dans l’aéronautique et militant au NPA - Révolution Permanente dans un entretien qu’il donnait récemment : « Le rôle que l’on a à jouer en tant que militant révolutionnaire, c’est de faire en sorte que le mouvement ouvrier traditionnel laisse de côté ses préjugés et cherche à faire des alliances concrètes », des alliances qui partent de la classe ouvrière, traversée par de nombreuses oppressions sur lesquelles on ne peut pas fermer les yeux, afin de s’adresser à l’ensemble des exploités et des opprimés.

Le mouvement ouvrier doit être en capacité d’intervenir dans les luttes antiraciste, féministe et LGBT, avec un programme qui s’adresse à ces secteurs, il doit réussir à y « jouer un rôle indépendant pour devenir hégémonique dans le mouvement. »

En ce sens, la campagne que nous menons contre le licenciement de Rozenn est un exemple d’alliance fort entre le mouvement ouvrier, le mouvement étudiant et le mouvement féministe, puisqu’elle a amené des militants qui ne se côtoient quasiment jamais à se solidariser avec une travailleuse qui subit l’exploitation et l’oppression patriarcale, dans une alliance qui fait la force de cette lutte.

A l’échelle d’une bataille – contre le licenciement de Rozenn qui a relevé la tête face aux violences sexistes et sexuelles à Chronodrive – cette lutte permet de tirer plusieurs enseignements sur la meilleure méthode pour lutter contre les oppressions, et démontre le rôle que peuvent jouer des cadre non-mixtes à certains moments de cette bataille.

Il s’agit d’un exemple de la manière dont la lutte contre les oppressions doit être menée : par la lutte des classes et au moyen de la grève, car si le racisme, le sexisme, les LGBTI-phobies structurent l’ensemble de la société et que la lutte pour l’émancipation dépasse les seuls intérêts des travailleurs, il est évident que le patronat, tout comme l’État et ses institutions, ont tout intérêt à la perpétuation des oppressions, dont ils profitent pour mieux nous diviser et nous exploiter, et que nous devons donc nous organiser pour les combattre, en totale indépendance d’eux.


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