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Plan répressif

Plan Seine Saint-Denis : du tout répressif pour les quartiers populaires

Retour sur les 23 mesures destinées à la Seine Saint-Denis, le département le plus pauvre d’Île-de-France, présentées jeudi dernier par Matignon lors d’un déplacement officiel de 7 ministres à la préfecture de Bobigny, où les forces de l’ordre sont intervenues contre des manifestants.

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Ce jeudi dernier Edouard Philippe et 6 autres ministres étaient en déplacement officiel à la préfecture de Bobigny pour y présenter les 23 mesures destinées à la Seine Saint-Denis, le département le plus pauvre d’Île-de-France. Le premier ministre y a présenté ses axes pour « accompagner et reconquérir » le 93 à travers des revalorisations sur les primes des fonctionnaires ou des hausses d’effectifs... qui ne concernent dans l’immédiat que la police.

Une vingtaine de manifestants, dont des syndiqués de la CGT et de Force Ouvrière, ont saisi l’occasion pour organiser un rassemblement le jour-même et alerter sur les urgences sociales du département. Mais le gouvernement, qui ne l’entendait pas de cette manière, a envoyé sa police pour charger les manifestants et interpeller le secrétaire général de la CGT 93, Hervé Ossant.

Les axes pour la Seine Saint-Denis : sécurité et division sociale

Le gouvernement met en avant une prime de 10 000 euros pour les fonctionnaires qui resteraient en poste pendant plus de 5 ans dans le département. Or non seulement rien ne garantit que son application, présentée comme une dépense onéreuse, ne sera pas remise en cause sous les prochains gouvernements, mais Edouard Philippe a également annoncé qu’il y aurait des « distinctions » concernant son attribution entre les 39 000 agents concernés.

Par contre l’état compte renforcer son arsenal sécuritaire, en déployant d’emblée 50 policiers entre Saint-Ouen et la Courneuve et en créant 100 postes d’officiers de police judiciaire, 35 postes de greffiers et 12 de magistrats d’ici 2023. Le tribunal de Bobigny sera agrandi d’ici 2026, tandis que les commissariats d’Aulnay-Sous-Bois et d’Epinay-Sur-Seine seront rénovés, pour un coût estimé à 30 millions d’euros. On peut se douter que, loin de répondre aux inégalités et injustices sociales, ces mesures rentrent plutôt dans l’optique d’un quadrillage répressif en vu du grand évènement, politique et économique, des Jeux Olympiques de 2024.

C’est ainsi moins que ce qui est investi dans l’éducation, où le gouvernement a promis de financer la création de classes de CP et CE1 à hauteur de 20 millions d’euros mais sans pour autant répondre aux problèmes de postes. Et de même, les « dispositifs de pré-recrutements » prévus pour 500 enseignants n’auront rien d’efficace, puisqu’il s’agit de financer des étudiants boursiers en échange d’un « engagement » à travailler plus tard dans le département. A côté de cela, les enseignants s’interrogent sur la question de la prime REP, qui, sachant que le statut va fusionner avec celui des REP+, va peut-être sauter avec les 10 000 € de prime prévu.

Et cela est encore moins que dans les hôpitaux, où seulement 10 millions seront alloués notamment pour renforcer les urgences. Or cette mesure ne sort pas de nulle part : c’est sous la pression d’un ensemble de grève inédites qui ont lieu en ce moment dans plus de 200 hôpitaux de France que le gouvernement a daigné faire des propositions. Et leur mobilisation dure depuis parfois plus d’un an malgré les difficultés pour les personnels de faire grève, et même si le gouvernement a déjà tenté de museler leurs revendications grâce à une enveloppe de 70 millions d’euros. Ces secteurs hospitaliers, construits sous les sigles de l’Inter Urgence et de l’Inter-Hôpitaux, ont d’ailleurs convergé aux côtés de nombreux syndicats de sapeurs-pompiers en octobre dernier lors d’une grande manifestation nationale, elle aussi brutalement réprimée.

Enfin, pour lutter contre la précarité, 5 inspecteurs dédiés au contrôle des logements insalubres seront recrutés. Or ce ne seront ni eux, ni quelques milliers d’euros de prime et encore moins 150 policiers qui résorberont les problèmes dans les hôpitaux, l’éducation, les transports, sur le marché du travail ou dans l’accès au logement. En somme, ces propositions font l’effet d’un ridicule sparadrap sur une hémorragie, et ce alors qu’il y a à peine un mois un électrochoc au sein de la communauté de l’enseignement était suscité par le suicide et la lettre d’adieu de Christine Rénon, directrice de collège dans ce même département, à Pantin. Il serait juste à ce titre de rappeler à l’état que, en moyenne, un agent du ministère de l’intérieur reste 2,7 ans en poste en Seine Saint-Denis au vu des difficultés, contre 7 ans dans l’Essonne.

La Seine Saint-Denis, ou le mythe d’un territoire entretenu par des moyens exorbitants

Depuis la création du département en 1956 les paradoxes sociaux n’ont fait que s’y accumuler au point qu’aujourd’hui, même s’il détient le 3ème meilleur taux de TVA national, il est parallèlement le plus précaire de la France métropolitaine avec 30 % de taux de chômage, sur un total de 1,6 millions de résidents. Ainsi, même s’il accueille de nombreux secteurs ultra rentables comme les sièges sociaux de Veolia, Vinci, BNP Paribas, SFR, ou des infrastructures gigantesques comme l’aéroport de Roissy, pas moins de 3 habitants sur 10 y vivent en dessous du seuil de pauvreté. Comme ces contradictions le révèlent avec relief, le problème de fond qui ronge le département n’est donc pas celui des « manque de moyens », mais bien de celui de la répartition inégales des richesses qui y sont générées.

Et rien que cette dernière décennie pas moins de 2 700 politiciens, législateurs, hauts fonctionnaires ou ministres s’y sont rendus en visite officielle pour se dorer d’une étiquette pro-sociale, à l’instar d’Emmanuel Macron qui avait choisi d’annoncer à Bobigny sa candidature aux élections présidentielles. Dans cette même lignée hypocrite, celui-ci avait commandé le « plan Borloo » pour « lutter contre l’assignation à résidence », puis l’avait piteusement entériné en mai 2019. S’il prévoyait au total 49 milliards d’euros de dépenses pour les banlieues, d’une part le gouvernement ne souhaitait évidemment pas dépenser le moindre centime contre la précarité, mais d’autre part il s’agissait de calmer les ardeurs de l’ex-membre du Parti radical Jean-Louis Borloo, qui s’imaginait pouvoir créer un rapport de force en ramassant les insatisfaits des politiques anti-sociales macronistes. Il était ainsi plus économique de se pencher sur un autre rapport « d’évaluation de l’action de la puissance publique » qui ciblait spécifiquement le 93, présenté par deux députés Les Républicains et intitulé « La république en échec » le même mois, et qui avait reçu alors un tout autre soutient au point que leurs rédacteurs se félicitent des « avancées » actuelles.

Voilà de quelle manière la droite comme la gauche ont fait son beurre sur la détresse des classes populaires, notamment en vue des municipales, face au gouvernement ultra-libéral de Macron, soucieux de sauvegarder leurs assises auprès des cadres et des fonctionnaires. Mais ce redoublement de démagogie, le tout sur tentatives de divisions confessionnelles sur l’islam, prouve surtout que l’état redoute les mobilisations, marquées par la spontanéité des Gilets Jaunes, qui l’on contraint aujourd’hui à devoir négocier sur les retraites, à doubler en répression, et on déconstruit ses discours sur les « avantages » des réformes libérales portée par l’état. C’est d’ailleurs sûrement pour quoi, afin d’assurer ses arrières, celui-ci a décrété la suppression de l’Observatoire National de la Pauvreté et de l’Exclusion Sociale, qui a fourni en 20 ans une dizaine de rapports documentés sur de l’ampleur de ces phénomènes en France et en Europe...


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