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Chaleur et souffrance au travail

PSA, personnes âgées, hôpitaux... Qu’importe la canicule : marche ou crève !

Vincent Duse et Romain Baron Un « épisode caniculaire précoce et durable » a annoncé Météo-France, avec des températures inédites, pour certaines villes et régions, depuis plus d’un demi-siècle. Mais ayons confiance, Valls n’a-t-il pas dit, emboîtant le pas à Marisol Touraine, que « toutes les dispositions nécessaires sont en place dans les établissements qui accueillent les plus fragiles » ? Quand on sait la politique destructrice de l’hôpital public, dans l’éducation nationale, pour les services d’aide à la personne etc., poursuivie par le gouvernement, Valls recommandant même de faire « jouer la solidarité », façon à peine polie de dire combien lui-même n’a rien fait pour anticiper le pire, on se doute qu’en matière de santé et de conditions de travail, ce sont les travailleurs et la population qui devront imposer, sans attendre rien du gouvernement, les conditions de leur propre survie.

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PSA : se battre pour avoir droit à une bouteille d’eau

Pendant que le patron et sa clique risquent de s’enrhumer avec la clim’, les ouvriers de chez PSA-Mulhouse, eux, doivent encaisser la chaleur de ces derniers jours sans broncher. La direction a même décrété il y a peu une nouvelle règle, afin de s’assurer que la productivité ne serait pas affectée par les oscillations du thermomètre : pour avoir droit à une simple pause de dix minutes supplémentaires par jour, et seulement pour l’équipe de l’après-midi (tant pis pour celles du matin et de nuit) en raison de la chaleur,il faudrait, dorénavant, 33 degrés minimum trois jours de suite, et non simplement un pic journalier. Il faut dire que le code du travail donne là encore aux patrons toute l’impunité dont ils jouissent déjà par ailleurs : les employeurs sont certes tenus de veiller à la santé de leurs salariés en cas de fortes chaleurs… mais le code ne mentionne pas la température au-dessus de laquelle poursuivre le travail est considéré comme dangereux !

Pourtant, à PSA-Mulhouse, après le passage au monoflux depuis la mi-juin, avec à la clé postes supprimés, samedis imposés en enfilade et cadences intensifiées pour ceux qui restent, c’est-à-dire en bonne partie des intérimaires. La tension déjà palpable à PSA-Mulhouse est telle que la colère des ouvriers, face à un tel mépris et une telle inhumanité, s’est rapidement transformée en menace sourde de débrayage chez un certain nombre d’équipes. Avec ces pics de chaleur de nombreux malaises se sont en effet produits, pas moins de sept au ferrage en seulement 2 jours. Des CHSCT extraordinaires vont se tenir suite aux travaux du montage qui se font de plus dans des bruits assourdissants. La direction dans sa grande humanité a ainsi proposé… des bouchons anti-bruit. Et, outre la chaleur et les cadences infernales, pour se protéger des tonnes de poussière, elle a proposé de simples masques. Et pourquoi pas des scaphandres ?

Vraisemblablement consciente du ridicule de ses mesures, la direction a dérogé, par calcul évidemment, à sa propre nouvelle règle hier, en distribuant de l’eau et octroyant cette pause spéciale de dix minutes. Mais soyons tranquilles, qu’un ouvrier faisant le ramadan vienne à se sentir mal, ce ne sont pas les conditions de travail qui seront incriminées par la direction, mais seulement son « choix personnel ». Et qu’ils aillent travailler sur des chantiers du BTP, au plomb du soleil, dans le bruit et la poussière, s’ils ne sont pas contents, voilà ce qu’on leur répondra…

Maisons de retraites, hôpitaux, crèches, écoles…

En 2003 ils sont 15.000, selon l’INSEE et l’INSERM notamment, ayant trouvé la mort, majoritairement des personnes âgées, en bonne part faute de prévention des risques sanitaires induits par des températures durablement au-dessus de la normale. C’est à l’échelle de l’Europe que la canicule du mois d’août avait, cette année-là, induit une véritable crise sanitaire. Mais c’est surtout en France que cela avait conduit à une véritable crise politique.

Et pourtant l’État français s’est bien gardé d’en tirer les leçons. Les coûts moyens de prise en charge dans les maisons de retraite ont augmenté bien plus, faute de personnel médical, d’accompagnement, et d’infrastructures de qualité (en matière d’isolation, de climatisation, etc.) que les capacité d’accueil dans des conditions dignes de ce nom. Et encore cela ne concerne-t-il que les seniors qui peuvent, ou dont leurs familles peuvent, financer cette prise en charge, et dont le nombre est particulièrement bas, les pensions de retraites ridicules d’un côté, les salaires ou allocations chômage de misère de l’autre ne permettant pas à un nombre croissant de familles populaires. Pour les autres, souvent frappés d’isolement, l’incurie des services de l’État atteint des sommets. Hydratez-vous, hydratez-vous qu’ils disaient ! Merci du conseil…

Même chose pour les services d’aides aux personnes dépendantes. Les finances des communes et municipalités étant la plupart du temps exsangues,ce qui d’ailleurs ne va pas s’arranger avec les objectifs de mutualisation de moyens affichés comme volet phare de la réforme de la carte des régions et le primat de l’intercommunalité sur les communes.

Quant aux hôpitaux, les services de gériatrie sont particulièrement emblématiques de la politique immonde des gouvernements qui se sont succédés : suppression par centaines de lits, services d’urgence incommensurablement réduits à peau de chagrin par rapport aux besoins à satisfaire, personnel en nombre chroniquement insuffisant et dans l’incapacité d’assurer leurs missions de service public dans des conditions minimalement correctes, au prix de leur propre santé, comme continuent de le rappeler les grévistes de l’APHP en lutte contre le plan Hirsch.

Et pourtant. Non seulement tout le monde sait que la crise climatique croissante, due avant tout aux émissions de gaz à effet de serre impliqués par la surconsommation industrielle d’énergie fossiles, productivisme court-termiste oblige, peut de plus en plus périodiquement produire des épisodes extrêmes de ce type. Mais sans même parler de ça, il suffit de se rappeler que chaque hivers les médias s’étonnent qu’il neige et que cela puisse provoquer des crises, notamment dans les transports (blocages des réseaux routiers, chemins de fer coupés) faute d’anticipation par les pouvoirs publics. De même sommes-nous vaguement habitués au fait que souvent, l’été, il peut faire assez chaud, et pourtant une fois de plus, rien n’a été envisagé de façon préventive et un tant soit peu sérieuse. Difficile de ne pas se dire que les gouvernements, dans ces conditions, ne fassent en réalité consciemment des choix purement et simplement morbides. Quelques milliers de morts en plus ou en moins, après tout, ne sont rien face aux profits de la bourgeoisie, ou aux économies de l’État, c’est selon, réalisés sur le dos des travailleurs, et des plus fragiles en particulier.

Météo nationale, météo du Capital !

Souvenons-nous qu’en 1947, avant même le début de la grande grève de Renault-Billancourt, des revendications liées aux conditions de travail insupportables en période estivale avaient été émises par les ouvriers. Les toits de l’usine, ces sheds en dents de scie si connus, composés d’un côté de versants vitrés, tuilés de l’autre, laissaient se réverbérer la chaleur jusqu’à des températures intenables. Dès le mois de février des ouvriers et militants, par anticipation, avaient demandé à la direction que ces vitres soient peintes en blanc par avance. Juillet arrivé, rien n’ayant été fait, ils tranchèrent : « puisqu’ils ne bougent pas, on va agir ! ». Et ils enlevèrent les tuiles, forçant la direction à faire intervenir les peintres, afin d’éviter qu’en cas d’orage, les machines ne prennent l’eau.

Une canicule n’est jamais un simple phénomène « naturel » et climatique, c’est avant tout un phénomène social qui révèle à quel point ce sont toujours les mêmes qui payent en premier les désastres écologiques, et en l’occurrence, la hausse du thermomètre. La direction de PSA-Mulhouse, en l’occurrence, a compris que certaines gouttes de sueur pourraient faire déborder le vase. Mais tôt ou tard c’est pour le gouvernement et les patrons que ça va vraiment chauffer. Et alors, ce ne sera pas seulement pour une question de météo.


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