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Urgence Santé

Oui, Airbus peut produire des respirateurs plutôt que des avions !

Alors que le pic de la pandémie devrait être atteint à la mi-avril, les moyens pour lutter contre celle-ci manquent toujours cruellement. Dans cette situation, les travailleurs de l'industrie ont un rôle à jouer pour imposer une réorientation de la production vers la conception de respirateurs artificiels hors des profits des capitalistes.

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Crédits photo : AFP / KENZO TRIBOUILLARD

La semaine dernière, Emmanuel Macron a évoqué dans un discours aux relents souverainistes la mise en place d’un consortium industriel pour produire 10 000 respirateurs artificiels à la mi-mai. C’est à dire dans un mois et demi, alors que le chiffre d’infectés et de victimes du covid-19 en France grandit exponentiellement (les derniers chiffres parlent de 86 334 personnes testées positives dont 30 767 hospitalisées et 12 210 mortes).

Airbus pourrait-il, pour contribuer à la gestion de la crise du coronavirus, réorienter sa production pour produire du matériel médical dont des respirateurs artificiels ? C’est l’une des questions que se posent en ce moment plusieurs équipes syndicales dans le secteur aéronautique. Le dicton dit « à période exceptionnelle, mesures exceptionnelles ». Une pandémie semble bien correspondre à la définition qu’on pourrait faire d’une « période exceptionnelle »…

Respirateurs : qu’est-ce que c’est et pourquoi en avons-nous besoin ?

Un respirateur artificiel (ou ventilateur médical), c’est une machine qui permet aux poumons de fonctionner artificiellement à l’aide de ventilateurs internes à l’appareil et qui est vitale pour les patients atteints de troubles respiratoires graves. Il s’agit alors d’une évidence que dans le cas d’une pandémie, le nombre de respirateurs artificiels que possède et que peut produire un pays est une donnée majeure, même capitale à la survie de milliers de personnes.

La répartition des ventilateurs est terriblement inégale entre les pays du globe. En France, il y a actuellement environ 5000 respirateurs artificiels dans nos hôpitaux selon les derniers chiffres ; plusieurs centaines sont en route mais cela ne suffira pas, quand on sait qu’actuellement, le pays ne se trouve pas encore en haut de la vague de contagion et que le pire reste à venir. Au Mali, pays de plus de 19 millions d’habitants, les hôpitaux ne disposent que de quelques dizaines de respirateurs, alors que le virus commence à peine sa course dans le pays.

L’aéronautique pourrait-elle reconvertir sa production ?

La réponse est oui. Pour revenir un peu en arrière, l’histoire de l’aéronautique française démarre par une reconversion de la production. L’entreprise Latécoère, nom historique de l’aéronautique toulousaine, est née lors de la première guerre mondiale pour répondre à l’effort de guerre impérialiste avec deux usines d’armements et d’équipements d’avions à partir de 1916. Nous ne pouvons pas à proprement parler d’une guerre, mais la période actuelle demande des mesures exceptionnelles et urgentes auxquelles l’industrie française pourrait répondre. Encore faut-il que l’appel du profit ne soit pas plus fort.

L’argument de l’adaptabilité d’une industrie pour produire autre chose que son cœur d’activité peut s’entendre, mais plusieurs cas montrent qu’il est possible de réorienter la production en peu de temps. Par exemple, le modèle Covent, qui va permettre d’augmenter le stock britannique de respirateurs dans les plus brefs délais, a été créé par l’entreprise Dyson en l’espace de 10 jours en mettant toute l’ingénierie interne en ordre de bataille. Un autre exemple est le cas de Seat, qui en une semaine a réorienté une chaîne de montage à Montarell en Catalogne, où la tâche de produire plusieurs milliers de respirateurs été confié à une infime partie de l’entreprise (150 salariés). Il est clair que si l’automobile peut reconvertir une partie de sa production, Airbus, en tant que fleuron de l’industrie française disposant d’une technologie de pointe, devrait avoir ça dans ses cordes.

Produire, oui, mais pour qui ?

Différente initiatives au niveau international émergent de la part de consortiums industriels ou de gros groupes, comme c’est le cas pour Dyson ou Seat, cités précédemment, qui conçoivent leurs propres modèles de respirateurs artificiels. Seulement ces initiatives n’ont rien d’altruiste. En effet, un rapport de la HealthCare Intelligence Markets indique que le marché des respirateurs artificiels va croître entre 2020 et 2026, résultant d’une demande plus importante de ces machines, avec une croissance de 60% rien que pour 2020. Rien de plus normal alors pour des grands groupes capitalistes que de vouloir s’assurer des parts de marché, et mettre en place une concurrence sur la production à faible coût d’un produit de première nécessité.

Tesla, Dyson, Seat, Ford, McLaren ou même Airbus au Royaume-Uni se bousculent pour s’accaparer des parts de marchés. Il est prévisible qu’avec une logique concurrentielle, ce ne sont pas les grands patrons à qui sera demandé un effort de travail, mais bien aux travailleurs qui produisent dans des cadences infernales pour un bas salaire. En outre, cela va entraîner des conséquences dans les pays soumis à l’impérialisme qui devront compter sur les respirateurs occidentaux pour lesquels ils ne seront pas les premiers servis. De quoi renforcer une gestion coloniale de la crise sanitaire.

La réponse ne peut donc pas venir des capitalistes. Si les travailleurs de l’aéronautique se battaient pour imposer la réorientation de la production à leurs directions, les plus de 130 000 salariés du groupe Airbus pourraient s’atteler à la production de respirateurs en nombre suffisant, non seulement pour la France, mais aussi pour tous les pays qui ont été et sont encore pillés par l’impérialisme français.

« On est prêt à travailler avec fierté si c’est pour produire des respirateurs artificiels ! »

De plus, il n’y a pas d’urgence à reprendre la production d’avions pour les patrons de l’aéronautique français ; si cette production continue, c’est uniquement pour grappiller des parts de marché à Boeing et accroître les dividendes versés aux actionnaires. En effet, actuellement, le trafic aérien ne devrait reprendre son cours normal qu’à la mi-2021, et des compagnies aériennes comme Avolon, troisième société mondiale de location d’avion, [commencent à annuler les commandes qu’ils avaient passés aux deux grands avionneurs Airbus et Boeing–>https://www.revolutionpermanente.fr/Marche-de-la-mort-Airbus-se-prepare-a-gagner-des-parts-de-marche-de-Boeing-sur-la-sante-des ].

« On est prêt à travailler avec fierté si c’est pour produire des respirateurs artificiels ! » C’est ce que déclarait Gaëtan Gracia, militant à Révolution Permanente et ouvrier métallo pour un sous-traitant de l’aéronautique, au micro de Cnews mercredi dernier. La résolution de la crise sanitaire est le dernier souci d’Airbus, c’est donc aux travailleurs de l’entreprise et ses sous-traitants de mettre le holà.

La production ne doit reprendre que si c’est pour être mise au service de la gestion de crise, avec une vigilance de la part des travailleurs eux-mêmes sur les conditions sanitaires dans laquelle se fait la reprise, à travers la mise en place d’un comité de contrôle, composé de membres du CSE et de volontaires parmi les salariés.


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