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Bruno Le Roux montre ses muscles

Opération « anti-terroriste » au Pays Basque Nord. Mensonge d’État et provocation

Cinq personnes ont été arrêtées dans la nuit de vendredi à samedi à Louhossoa, au Pays basque Nord, alors qu’elles s’apprêtaient à démilitariser un stock d’armes appartenant à l’ETA. Le gouvernement était tout à fait au courant de cette opération participant du processus de paix unilatéral décidé par l’organisation de gauche séparatiste basque, mais Bruno Le Roux a voulu frapper un grand coup. Léo Serge

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L’ETA a décidé unilatéralement de détruire ses armes. Elle a confié cette tâche à des personnalités du Pays basque Nord ainsi qu’à la Ligue des droits de l’homme (LdH). L’État français et le gouvernement PS en ont profité pour orchestrer une opération policière et déclarer avoir opéré une belle saisie d’armes sur « l’organisation terroriste ». Un mensonge et une manipulation évidente, dénoncés y compris dans la presse, qui rappelle la dérive toujours plus grossièrement liberticide et bonapartiste du gouvernement. Il s’en est visiblement fallu de peu pour que le président d’honneur de la LDH, Michel Taubiana, présent sur les lieux, ne soit lui aussi conduit en prison pour « terrorisme ».


Un peu d’histoire

Il était une fois une dictature fasciste, issue d’un coup d’État soutenu par Mussolini et Hitler. Cette dictature de Franco, l’ETA, organisation séparatiste de gauche, avait décidé de la combattre par les armes. Dans les années 1980, le régime soi-disant démocratique du PS espagnol avait même créé des escadrons de la mort – les fameux GAL – pour assassiner les membres de l’ETA en territoire français. À l’époque, les GAL recevaient l’appui indirect de Paris.

Leur activité cessa lorsque Charles Pasqua lança la France dans une collaboration anti-ETA qui n’a jamais cessé depuis. L’ETA, de fait, est extrêmement affaiblie en tant qu’organisation et a opté pour la fin de la lutte armée. Cela n’empêche pas Paris et Madrid de continuer à s’acharner contre ses militants, refusant tout dialogue et brutalisant les prisonniers basques incarcérés des deux côtés des Pyrénées. Si Madrid est à la pointe du combat centraliste, dissolvant et mettant hors-la-loi les partis politiques de la gauche séparatiste basque, Paris n’est pas en reste. Dès le retour des « socialistes » au pouvoir en France, Manuel Valls avait autorisé, en 2012, l’extradition d’Aurore Martin, une militante de Batasuna qui n’a jamais participé à la lutte armée, réclamée par Madrid. Valls a donc continué l’œuvre de Pasqua : lutter par tous les moyens, légaux et ultra-légaux contre la gauche séparatiste basque.


Un nouveau pas dans l’infamie

Mais une nouvelle étape qui devrait nous faire réfléchir a été franchie. L’affaire actuelle peut se résumer ainsi : il reste de nombreuses caches d’armes de l’ETA avec armes automatiques et explosifs. L’organisation, ayant opté pour la fin de ses activités militaires et réclamant l’ouverture de négociations avec Paris et Madrid, a décidé d’aller au-delà d’une trêve unilatérale et de neutraliser ses stocks d’armement. Mais ni l’État français, ni l’État espagnol ne veulent négocier.

Pour démilitariser les stocks, l’ETA s’est donc tournée vers des personnalités connues et au-dessus de tout soupçon, comme preuve de bonne foi : Txetx Etcheverry, co-fondateur de Bizi, parti écologiste et altermondialiste, Michel Berhocoirigoin, ancien président du syndicat agricole de gauche Euskal Herriko Laborantza Ganbara, ainsi que quatre autres personnes. Un cameraman était également présent pour filmer la scène. Tous ontété arrêtés par la police française et la garde civile espagnole ce vendredi 16 décembre à Louhossoa, sur les lieux de l’opération de démilitarisation d’un stock d’armes, action dont ils avaient prévenu l’État.

Le président d’honneur de la LDH et avocat Michel Tubiana devait être sur place. Il avait été annoncé parmi les interpellés alors qu’il avait été « retenu » au dernier moment – sans que l’on ne sache pourquoi. Il avait, préalablement, écrit à la presse une lettre commune avec Txetx Etcheverry, Michel Berhocoirigoin, pour expliquer cette destruction d’armes : « Nous nous situons en intermédiaires entre une organisation armée avec laquelle nous n’avons aucun lien ni subordination, et un État que nous voulons amener à réfléchir. (…) Nous avons décidé de prendre nos responsabilités avec la conviction que cela peut être utile à la paix. C’est pourquoi nous avons proposé à l’organisation ETA de transférer à la société civile la responsabilité politique de la destruction de son arsenal militaire. Nous avons choisi de le faire de manière publique et assumée, à l’instar des engagements dont nous sommes porteurs. Ces engagements sont publics et transparents. Ils sont caractérisés par l’implication personnelle, le souci de la démocratie, le choix de la non-violence. »


Le gouverne-ment !

Aucun de ces hommes et femmes ne sont des militants clandestins et l’État le sait. Pourtant, l’État a choisi de les traiter comme des « terroristes ». Le nouveau ministre de l’Intérieur, Bruno Le Roux, a qualifié ces militants de la société civile « d’individus en relation avec l’organisation terroriste ETA ». Le Roux est, rappelons-le, l’ancien président du groupe socialiste à l’Assemblée, et donc l’homme de tous les 49-3, mais surtout le conseiller Sécurité et police du PS depuis Jospin. À ce titre, il est l’artisan de la loi liberticide sur le renseignement de 2015. Bref, il s’y connaît en terrorisme. C’est un exécutant très actif du tournant droitier, bonapartiste et liberticide. Qui aurait pensé un jour qu’un ministre de l’Intérieur « socialiste » s’en prendrait à une action de désarmement menée par un président d’honneur de la LDH ?

Il s’agit donc une provocation de l’État, tout comme l’État sait si bien les faire à tous les échelons : au Pays basque comme à Beaumont, contre la famille Traoré qui ose dénoncer publiquement la mort d’Adama, de la main des gendarmes, ou contre ceux qui osent encore manifester comme les lycéens de Stains la dernière semaine.

On peut même penser que ce gouvernement a plus que jamais besoin de « terroristes » et d’attentats face à une légitimité en berne, et qu’il attise les braises, tout comme Michelle Alliot-Marie avait pu le faire à Tarnac contre un « complot d’ultra-gauche » imaginaire. La dernière provocation en date contre Mikel Irastorza, arrêté à Ascain en novembre, laissait déjà songer à ce genre de scénarios.

Au Pays basque, l’État français ment comme jamais. Mais partout en Euskadi, des deux côtés des Pyrénées, les manifestations de soutien se sont multipliées pour demander la libération des interpellés. Les organisations du mouvement ouvrier et de la jeunesse devraient faire de cet « incident » de plus un « incident » de trop, et exiger, à minima, la libération immédiate des personnes interpellées ainsi que le respect par Paris et Madrid des conventions internationales en matière de droits des détenus pour les prisonnier-e-s politiques basques incarécéré-e-s. Une pétition est en ligne pour réclamer la libération des militants.


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