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Bilan d'étape

Onet-Airbus. Face aux manœuvres de la direction, l’indispensable unité des grévistes

Ce 16 octobre, la grève exemplaire des Onet-Airbus a atteint le seuil de la première semaine. Dans cet article, nous tirons un premier bilan d'étape sur le conflit, et proposons quelques pistes pour arracher une victoire.

Julian Vadis

15 octobre 2020

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Crédits photo : Révolution Permanente

Depuis le 8 octobre, les travailleurs d’Onet, sous-traitant aéronautique d’Airbus à Toulouse, sont en grève reconductible, autour d’une série de revendications offensives. Une véritable bouffée d’air frais, qui détonne clairement dans le climat général de la lutte des classes, où les attaques patronales massives n’ont pas eu comme corollaire des ripostes massives. Les raisons pour expliquer cette atonie relative sont nombreuses : sidération face aux attaques, craintes légitimes face à un avenir incertain, et une série de mécanisme de « contention », comme le chômage partiel et surtout le rôle des bureaucraties syndicales, qui s’enferment dans le dialogue social sans proposer un grand plan de bataille, en sont quelques exemples. Toutefois, tout indique que la situation pourrait rapidement basculer, et que le scénario de multiplications des résistances, voire de grandes explosions sociales, est loin d’être exclu.

Toute fois comme nous l’expliquions dans l’article A quand la rentrée sociale ?, publié le 3 octobre, « on observe également des contre-tendances, même partielles, qui s’expriment dans des secteurs précaires où un certain nombre de luttes combatives se mènent, comme celle des travailleurs de Biocoop, ou encore la grève des vacataires de la BPI à Paris. Des premières réactions qui montrent qu’il existe un espace pour que les précaires jouent un rôle dynamique dans la situation et qu’il convient de suivre de près ». La grève des salariés d’Onet-Airbus est sans aucun doute l’une des pointes avancés de ce processus et pourrait devenir un exemple de lutte venant contrebalancer l’atonie qui règne dans le secteur de l’aéronautique.

Où en est la grève ?

Une semaine après le début du conflit, la détermination des grévistes à gagner, tout comme leur solidarité entre eux, sont sans doute les éléments les plus frappants. Si la présence sur le piquet de grève peut varier, on constate une constance dans le nombre de grévistes effectif, soit 137 travailleurs sur les 160 concernés. Ceci est d’autant plus significatif que, pour une partie d’entre eux, la revendication sur l’égalité des salaires à un taux horaire à 11,6€ de l’heure, qui est la revendication centrale du conflit, ne les « concerne » pas directement puisqu’il s’agit déjà du montant que certains d’entre eux perçoivent. Mais c’est à cause d’un profond sentiment d’injustice que ces travailleurs luttent aux côtés de leur collègue et sont, depuis une semaine, en grève reconductible, avec toute les conséquences que cela implique. Une solidarité exemplaire et rare.

L’autre élément central, c’est la lucidité des grévistes sur les enjeux de cette bataille. L’ensemble des travailleurs a bien conscience que seul la lutte dure, dans la grève reconductible et le rapport de force, leur permettront d’arracher des victoires. Un enseignement précieux de leur victoire d’il y a trois ans, où 8 jours de grève reconductible avaient permis de faire plier ce géant du nettoyage, et son allié Airbus. Au contraire du climat général chez les travailleurs de l’aéronautique, et du mouvement ouvrier plus en général, les grévistes d’Onet-Airbus ont confiance en leurs propres forces pour gagner la bataille, et ont bien conscience que l’issue de ce conflit conditionnera la suite.

Enfin, les grévistes d’Onet-Airbus ont aussi, au fil des jours, cherché de plus en plus à élargir le conflit, pour augmenter le plus possible le rapport de force. Cela passe par des démonstrations de solidarités ouvrières tout à fait exemplaire, comme l’échange vidéo de soutien entre les grévistes de Total Grandpuits et les Onet-Airbus et la participation de ces derniers à la manifestation des soignants ce 15 octobre. Mais ils cherchent aussi à interpeller les travailleurs d’Airbus pour que ces derniers se mettent en droit de retrait, puisque les chaînes de montage ne sont plus désinfectées, et ils appellent l’ensemble des travailleurs Onet dans l’aéronautique à une grande journée de grève le 20 octobre prochain.

L’unité comme arme indispensable pour gagner la bataille !

Face à cette détermination, la direction des sites Onet concernés par la grève multiplie les manœuvres pour décourager, diviser, briser la grève. Cela passe, par exemple, par l’envoi sur les sites mobilisés d’autres travailleurs d’Onet d’autres villes, à qui la direction ment ouvertement en expliquant que les absences sur les sites d’Airbus sont dûes à des maladies. Il est à noter qu’une fois que ces « remplaçants » ont appris qu’en réalité, leurs collègues étaient en grève, ils ont purement et simplement décidé de ne pas jouer le rôle de briseur de grève et ont refusé de les remplacer. La encore, un bel exemple de solidarité !

Cette tentative de division passe aussi par l’envoi de travailleurs non qualifiés pour ces postes et de chefs de site sur les avions en construction, pour remplacer les travailleurs en lutte, ce à quoi les grévistes ont répondu par l’envoi express de l’inspection du travail sur les chaînes. Anecdote qui en dit long sur l’importance des travailleurs pour le bon fonctionnement de la société, l’un de ces chefs d’équipes à fait une « bourde », déclenchant par erreur le toboggan d’urgence d’un avion qui devait sortir des chaînes et être livré dans la journée. Bilan : 50 000€ de perdus dans cette affaire !

Les manœuvres de la direction passent aussi par des propositions qui visent explicitement à diviser l’unité des grévistes, notamment sur la question de l’égalité salariale. En bref, la direction cherche à davantage « individualiser » les cas, et surtout à opérer une distinction entre les travailleurs au sol et les travailleurs sur avion, en proposant des augmentations certes, mais qui ne mettent pas tout le monde à niveau. Une proposition qui fait discuter collectivement sur le piquet de grève, mais dont nous souhaitons souligner le caractère cynique. En effet, les travailleurs au sol qui verraient leur salaire augmenter à hauteur de 10,98€ de l’heure – contrairement à ceux sur avion qui seraient donc à 11,60€ de l’heure – sont pour une grande partie d’entre eux des « anciens », qui n’ont plus la condition physique pour exercer le métier sur avion, qui est objectivement plus dur. Ainsi, ce que la direction propose, c’est de payer moins les plus travailleurs les plus anciens, pour certains présents dans l’entreprise depuis plus de 20 ans, au prétexte qu’ils seraient moins rentables !

Face à ces manœuvres, l’arme la plus affûtée des grévistes est bel et bien leur unité ! C’est elle qui leur a permis, jusqu’à présent, de déjouer les premières manœuvres de la direction.

A ce titre, il est notable que « l’auto-activité » et les initiatives des grévistes, notamment autour de la caisse de grève (à laquelle nous vous appelons à verser et que nous vous invitons à partager le plus largement possible) se développe au fil du conflit. Les grévistes se répartissent les tâches pour aller discuter à l’entrée des sites d’Airbus en faisant tourner la caisse de grève et en distribuant des tracts, pour aller en manifestation comme ce jeudi auprès des soignants, et d’une manière générale se charger de l’activité concrète qu’implique l’organisation d’une grève. Une auto-activité qui permet nous seulement de répondre à un problème qui se pose à toute grève qui se poursuit dans le temps, celui de l’argent, mais aussi de permettre à des grévistes d’être plus actifs, et ainsi de briser la « monotonie » du piquet. Il est donc clair que cette dynamique est à poursuivre et à amplifier dans les prochains jours du conflit.

Le dernier aspect, c’est qu’il est évident que dans un conflit dur comme celui des Onet-Airbus, des difficultés apparaissent, dues principalement à la fatigue accumulée, et qui peuvent ouvrir une brèche au sein de l’unité des grévistes. Ce n’est pas un hasard si la direction mise à la fois sur « le temps » et sur les négociations pour manœuvrer, d’abord en rejetant en bloc les revendications, puis en faisant des propositions pour « grignoter » sur les demandes plus que légitimes des grévistes. Il est donc important, pour la suite du conflit, de contre-attaquer sur ce terrain, en faisant du point fort de la direction (c’est à dire, le cadre de la négociation, qu’elle convoque quand bon lui semble) son point faible. La encore, l’unité est la meilleure des réponses, par le biais d’assemblée générale décisionnaire sur tout les points, sur les questions des revendications bien sur, mais aussi sur le cadre des négociations, par exemple en exigeant que des délégations de grévistes participent à ces réunions, pour ne pas être seul dans la négociation.

Lors de la grève chez Derichebourg, un autre sous-traitant d’Airbus, la mise en place d’assemblées de grévistes regroupant des travailleurs syndiqués et non syndiquées avait permis de franchir un cap dans la lutte. Cette forme d’organisation avait permis aux grévistes de mettre en commun leurs idées et de décider tous ensemble des suites de la lutte mais aussi de multiplier leurs forces. La discussion, la prise de décisions collective et la mise en place des actions décidées ensemble avaient impliqué tout d’un coup un nombre majeur de salariés dans les tâches quotidiennes de la lutte et avait élargi le noyau initial qui avait lancé la grève. C’est par le bais de ces éléments de solidarité, « d’auto-organisation » (aussi présents dans la grève victorieuse des travailleurs d’Onet à Paris) qu’il sera possible d’augmenter la pression, de décupler les forces des grévistes, et ainsi d’entre-ouvrir les portes de la victoire.


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