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L’Union Européenne a du sang sur les mains !

Myanmar : l’Union Européenne a formé et équipé les policiers qui répriment et tuent les manifestants

Une enquête de Libération révèle que l’Union Européenne a fourni plus de 40 millions d’euros, en équipements et en formation à la police du Myanmar de 2016 à 2021 pour aider Suu Kyi à maîtriser sa population. Aujourd’hui, cet investissement s’avère très utile au gouvernement militaire qui mutile et tue les myanmarais en lutte.

Violette Renée

23 avril 2021

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Crédits photo : AFP

Tandis que le Myanmar est toujours paralysé par une grève générale qui se poursuit face au coup d’État, la répression de la part du gouvernement militaire se fait désormais particulièrement sanglante. Face aux centaines de morts, toute la communauté internationale, de l’Union Européenne jusqu’au aux États-Unis, se sont empressés de dénoncer les “exactions” commises par l’armée au pouvoir et sa police. Pourtant, selon une enquête de Libération, il semblerait que de nombreux pays de l’Union Européenne ait participé à former et à équiper la police myanmaraise.

Un programme de l’UE : 40 millions d’euros pour former et équiper la police birmane

Libération a en effet révélé ce jeudi que le programme européen Mypol (Myanmar - Police), lancé en 2016 à l’arrivée au pouvoir d’Aung San Suu Kyi, aurait enseigné à plus de 4500 policiers du Myanmar « la gestion des foules, l’enquête criminelle, et le dialogue avec les médias et les députés, pour un budget total de près de 40 millions d’euros  », mais aussi que « du matériel de défense avait été donné aux forces de l’ordre birmanes, dont plusieurs milliers de casques, de boucliers et de jambières, durant la phase pilote du programme ».

Bruxelles expliquait alors que, après les décennies marquées par la junte militaire, l’arrivée au pouvoir de la sociale-démocrate Aung San Suu Kyi a fait naître la nécessité d’une « transition démocratique » et que le programme de formation policière Mypol visait donc à soutenir la nouvelle présidente « qui venait d’être libérée, afin de faciliter l’adoption de standards internationaux  » selon les mots d’Éric Tonon, chargé de la phase pilote du programme.

L’Union Européenne a du sang sur les mains

Et alors que depuis le coup d’État le 1er février dernier, le rôle pour lequel a été formée cette police est désormais très clair. En tant que nouvel allié des puissances impérialistes occidentales, Aung San Suu Kyi avait reçu l’aide internationale pour lui permettre de maîtriser sa population à la façon d’une démocratie occidentale, avec des méthodes de “maintien de l’ordre”. Et aujourd’hui, tandis que la population s’organise face au coup d’État et se révolte, ces méthodes et ces millions d’euros de matériel envoyé par les puissances européennes sont des armes supplémentaires qui participent à la répression du mouvement. Mark Farmaner, directeur de l’ONG Burma Campaign UK « redoute que les acquis de la formation ne soient désormais utilisés pour réprimer des militants  ». Mais cela ne fait aucun doute que l’Union Européenne a du sang sur les mains à travers le financement de ce programme.

Dans l’embarras de ce nouveau scandale, l’Union Européenne a suspendu le programme depuis près de 3 mois, a l’arrivée du coup d’État. Elle condamne aujourd’hui, non sans hypocrisie, les violences qui ont suivi et a prononcé des sanctions à l’encontre du nouveau régime militaire. De même, la page Facebook ainsi que le site web du programme Mypol ont été supprimés récemment, comme pour mieux cacher l’affaire.

Aujourd’hui, la police, au côté de l’armée birmane, a déjà tué plus de 700 personnes dont au moins 44 enfants, et en a blessé et enfermé plus de 3000 autres selon les derniers chiffres de l’Association pour l’Assistance aux Prisonniers Politiques (AAPP). Mais l’institution policière en Birmanie n’a pas attendu le coup d’État pour exercer sa violence. Déjà en 2017, sous la présidence complice de Suu Kyi et durant les premiers essais du programme, les forces armées birmanes avaient perpetré le génocide d’une partie de la population myanmaraise, les rohingyas. Mais au-delà de ça, Aung San Suu Kyi dans sa “transition démocratique”, s’est largement servi de sa police pour imposer l’installation des multinationales au Myanmar, venu exploiter les ressources minières et la main d’œuvre à bas coût dans l’industrie textile.

Qu’est ce que cette affaire démontre du point de vue du rôle de la police dans les démocraties libérales ?

Le rôle de la police dans les démocraties libérales au nom des droits de l’Homme

En pompier pyromane, la délégation européenne en Birmanie se défend « une telle conduite va clairement à l’encontre des objectifs de Mypol et relève de la seule responsabilité des personnes impliquées et de leur chaîne de commandement  ». Le programme valorisait dans sa communication une diffusion des « meilleures pratiques internationales et le respect des droits de l’homme  ». Cela en dit long sur ce que sont les pratiques internationales sous couvert de respect des droits de l’homme et de valeurs démocratiques.

En réalité, cet investissement européen montre bien l’intérêt qu’ont les puissances impérialistes à l’instauration des démocraties bourgeoises dans des pays à fort potentiel d’exploitation capitaliste comme le Myanmar. Malgré leurs beaux discours, les démocraties impérialistes ne serviront toujours que leurs intérêts économiques, au côté des multinationales comme Nike et Total qui font des millions sur le dos des travailleurs myanmarais. Et face à la répression féroce qu’ils subissent, les myanmarais mobilisés doivent s’organiser et ne rien attendre des puissances occidentales complices.


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