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Nos vies valent plus que leurs profits

Mort au travail. Un ouvrier meurt écrasé au technocentre Renault Guyancourt

Un travailleur embauché sur un technocentre Renault par une entreprise extérieure a été écrasé par le générateur électrique de 2,5 tonnes qu’il transportait. C'est un énième mort dans le silence, dans un contexte de coronavirus qui a mis en lumière les conditions désastreuses de sécurité et d'hygiène pour de nombreux travailleurs.

Mica Torres

5 août 2020

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Un drame de plus dans le monde du travail

Un travailleur embauché par une entreprise extérieure a été écrasé par le générateur électrique de 2,5 tonnes qu’il transportait. Ce dernier manipulait un transpalette, qui aurait percuté une marche. Une source policière affirme que le «  générateur lui serait tombé dessus lui écrasant les organes internes ». A 45 ans, il succombe sur son lieu de travail, le techno centre Renault de Guyancourt.

Selon le média indépendant « Accident du travail : silence des ouvriers meurent », au premier semestre 2020, ce serait a minima 195 personnes qui seraient mortes au travail et 259 gravement blessées. En l’absence de chiffres officiels précis, le média se sert de la presse quotidienne locale et régionale ainsi que de témoignages pour effectuer ces recensements. Les plus touchés seraient les ouvriers et artisans du BTP, les soignants, les chauffeurs routiers et livreurs ainsi que les agriculteurs et ouvriers agricoles, enfin les ouvriers de l’industrie. Mathieu Lepine son unique rédacteur, évalue plus de 500 morts et 600 000 victimes d’accidents du travail chaque année et estime que les ouvriers y sont 2,5 fois plus exposés que les cadres. Il a également noté dans les dernières données de la CARSAT une augmentation de la sinistralité dans l’intérim, montrant ainsi les conséquences de la précarisation du travail.

Chez Renault, la course au profit met en danger

En début d’année, un intérimaire de l’entreprise Daher, sous-traitant de Renault avait témoigné de l’absence de garanties de sécurité dans l’entreprise : postes pas aux normes, manque de matériel de protection qui occasionne cloques et coupures, Fenwick défectueux conduisant à un accident pourtant signalé à la direction. Ce dernier a également témoigné des pression sur les intérimaires, menacés de ne pas être repris en cas d’accident.

Les accidents du travail ne sont pas une fatalité mais le résultat des rapports de production capitalistes

Or selon Frédérique Daubas-Letourneaux, sociologue : « L’accident du travail est un non-sujet de santé publique. On l’envisage sous l’angle de la fatalité, des « risques du métier ». Cela contribue à une naturalisation du risque professionnel, qui n’est pas interrogé en soi. On ne questionne ni le facteur organisationnel, ni la précarité au travail.  ». Elle ajoute « Si chaque histoire est un drame au plan individuel, elle pourrait être un facteur d’alerte au plan collectif sur les conditions de travail.  ».

La crise du coronavirus a mis en exergue le peu de considération qu’ont les patrons et le ministère du Travail concernant la sécurité des travailleurs. Début mars, alors que des travailleurs de la RATP utilisaient à plusieurs leur droit de retrait face au manque de protection contre le coronavirus, Muriel Pénicaud niait la gravité de la situation. Elle déclarait : « Un droit de retrait n’est jamais collectif. C’est individuel, s’il y a un danger grave ou imminent pour votre vie ou votre santé. Il y a très peu de situations de travail de ce type-là ». Cela fait écho aux déclarations d’Emmanuel Macron affirmant « Moi j’adore pas le mot de pénibilité, parce que ça donne le sentiment que le travail serait pénible ». Quand en octobre dernier, des cheminots exerçaient leur droit du retrait suite à l’accident d’un TER dans les Ardennes, pour dénoncer le danger imminent résultant de la casse des conditions de travail et de sécurité par la direction de la SNCF, le gouvernement et les grands médias avaient unanimement condamné et dénigré cette action.

Attaques sur les conditions de travail des travailleurs et répression

Ces affirmations s’accompagnent d’attaques concrètes et brutales. Pendant la crise du coronavirus, la direction générale du travail avait publié 4 notes restreignant la marge de manœuvre des inspecteurs du travail, notamment la restriction de la sortie sur site de la sorte : «  les interventions sur site doivent être limitées aux situations pour lesquelles un contrôle sur place est indispensable ». Même si ces situations concerneraient les situations d’accident du travail graves ou mortels, d’atteintes aux droits fondamentaux des travailleurs ou encore celles du droit d’alerte par les salariés, selon Celine Verzelett, de la CGT cela aurait pour but de dissuader les inspecteurs de faire les démarches. De plus, les notes précisent aux agents qu’ils doivent informer la hiérarchie de la date et de l’heure à laquelle ils comptent entrer dans l’entreprise pour la contrôler. Or ceci est contraire à la convention N°81 de l’OIT, autorisant les inspecteurs a «  à pénétrer librement, sans avertissement préalable, à toute heure du jour et de la nuit, dans tout établissement assujetti au contrôle de l’inspection ».

Sans compter les multiples pressions reçues par les inspecteurs du travail qui avaient dénoncé les conditions sanitaires pendant la pandémie, notamment la prononciation de mise à pied pour certains.

Chaque semaine, plusieurs travailleurs meurent au travail, faute de mesures de sécurité et de contrôle suffisant. Le système cherche à invisibiliser un phénomène chronique qui n’est pas une fatalité mais le fruit de la course aux profits. La recherche d’un coût du travail le plus bas possible pousse sans cesse à la dégradation des conditions de travail ; l’épuisement ainsi que le manque d’investissement concernant la sécurité des travailleurs se révèle souvent fatal. L’uberisation du travail accentue les risques. Un exemple frappant est celui du travail de coursiers, où les faibles rémunérations poussent les travailleurs à une course contre la montre dangereuse. Egalement l’absence de sécurité sociale a poussé un certain nombre d’entre eux à reprendre le travail contre indication médicale. Dans les cas des intérimaires, la peur de ne pas être repris joue fort dans leur acceptation de conditions de travail dangereuses.

Nous envoyons toutes nos condoléances à la famille de cet ouvrier mort sur le technocentre de Renault.

Crédits photo : LP/Jean-Gabriel Bontinck


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