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Campagne de comm'

Mesures sécuritaires, effets d’annonce et mépris de classe : à Marseille, Macron prépare 2022

En déplacement à Marseille pendant 3 jours, le président a présenté le plan « Marseille en grand ». Entre mesures sécuritaires et effets d’annonce, celui-ci apparaît surtout comme un artifice visant, à huit mois des élections présidentielles, à lancer la campagne et renouer avec le « en même temps ».

Matteo Falcone

3 septembre 2021

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Crédits photos : AFP

Cette semaine, Macron a réalisé une visite de plusieurs jours à Marseille pour y annoncer son plan « Marseille en grand ». Une tournée très politique et probablement conçue comme un lancement de sa candidature présidentielle pour 2022, lors de laquelle il a cherché à aborder de nombreux thèmes, renouant pour l’occasion avec le « en même temps » et le profil de sa candidature de 2017 mais avec, cette fois, une teneur sécuritaire marquée à droite qui annonce le ton de sa campagne…

150 millions d’euros pour la police : Macron renforce l’arsenal répressif contre les quartiers populaires

Alors que la visite fait suite à plusieurs drames liés à des règlements de comptes à Marseille, Macron a choisi de mettre la sécurité au cœur de sa première journée dans la cité phocéenne. Une occasion pour lui de continuer à occuper le terrain sécuritaire et régalien, que son gouvernement cherche depuis des mois à disputer à ses adversaires politiques des Républicains et du Rassemblement National pour conquérir des franges de l’électorat de droite.

Emmanuel Macron a ainsi annoncé les premières mesures du plan « Marseille en grand » lors de sa visite du commissariat Nord mercredi. Parmi celles-ci, l’accélération de la mise en œuvre des annonces faites par Gérald Darmanin six mois plus tôt : l’arrivé de 300 nouveaux policiers d’ici 2022, et non plus 2023. Un renforcement policier auquel s’ajoute la pérennisation de deux compagnies de CRS présentes depuis mars, la construction d’un nouvel hôtel de police, et enfin la mise en place de 500 caméras dans les quartiers Nord. Des mesures financées par un investissement de 150 millions d’euros dédiés au renforcement de l’arsenal répressif, qui s’ajoute à l’augmentation des moyens judiciaires annoncés par Eric Dupond-Moretti une semaine plus tôt. Elles seront complétées par la mise en place de formations sous encadrement militaire pour les jeunes en plus grandes difficultés. Un moyen de « réapprendre les règles » selon Emmanuel Macron…

En définitive, c’est un renforcement de l’encadrement répressif des quartiers Nord qui a été annoncé, dans la continuité de la lutte contre la drogue dont il appelait à faire « la mère des batailles » en avril dernier. Une offensive que Macron a synthétisé dans une formule violente et explicite : « continuer à pilonner les quartiers qui sinon sont repris par les trafiquants ».

Des mesures qui n’aideront en rien à endiguer la violence et les différents trafics qui se constituent sur la misère sociale, fléau endémique de la cité phocéenne, mais qui ne feront qu’accentuer la stigmatisation et la répression dont les habitants des quartiers populaires sont victimes au quotidien. Contrôles au faciès, violences policières, une répression quotidienne aux conséquences dramatiques, à l’image de la mort de Souheil, jeune homme de 19 ans, habitant de la Belle de Mai, tué par des policiers il y a quelques semaines lors d’un contrôle routier.

« Marseille en grand » : effets d’annonces et mesures néo-libérales

Si Macron a mis la réponse sécuritaire au cœur de sa visite, le candidat présidentiel a également profité de sa tournée pour se positionner sur le terrain social. Un enjeu pour le gouvernement depuis le début du quinquennat, marqué par un renforcement des mesures de sélection sociale, les offensives contre les droits des travailleurs et les cadeaux aux entreprises et aux plus riches.

A 8 mois de la présidentielle, Macron semble avoir vu dans ce déplacement dans la cité phocéenne, frappée par la pauvreté, une opportunité de communiquer et de s’adresser à un électorat de centre-gauche qui l’a délaissé, cherchant à renouer avec l’image du candidat Macron « progressiste » de 2017. La journée de jeudi a ainsi été consacrée à un grand discours politique, introduit par Benoît Payan, maire socialiste de la ville, qui a salué une visite « historique ».

Dans son discours, Macron a annoncé un soutien de l’État à différentes mesures, telles que l’investissement dans les transports publics reliant le Nord et le Sud, la rénovation des écoles qui sont dans un état lamentable depuis des années, ou encore l’allègement d’une partie de la dette des hôpitaux et un plan d’investissement pour leurs rénovations.

Des annonces parmi lesquelles on retrouve de nombreuses mesures floues ou des redites. Ainsi, le projet concernant le transport a été évoqué sans date de début des travaux, tandis que les mesures évoquées telles que la création de lignes de bus de haut service, de lignes de tramway ou l’automatisation du métro sont annoncées depuis 2017 par la métropole et devraient voir le jour d’ici 2025, si elles ne font pas face à de nouveaux retards. De même, le montant exact des aides aux écoles n’a pas été précisé. Concernant le logement, Macron n’a fait que rééditer des mesures déjà énoncées au lendemain du drame de la rue d’Aubagne, la rénovation de 15 000 logements sur une durée de 15 ans, alors que Marseille compte plus de 40 000 logements « indignes ».

En ce sens, les annonces de Macron sont loin d’avoir convaincu les habitants et associations. Surtout, les syndicats ont pointé le danger que comportent certaines mesures, à l’image de l’expérimentation dans 50 écoles des cités éducatives, une liberté pour les directions de recruter leurs professeurs de façon autonome. Dans un communiqué, la CGT Educ’action explique : « On assiste à une expérimentation du démantèlement du service public d’Education et du statut de fonctionnaires par des dispositifs de sélection discrétionnaires » pointe le syndicat. Une mesure qui n’est rien d’autre qu’une vieille lune néo-libérale, qui résonne avec d’autres mesures proposées par le Président.

Travail, précarité, pauvreté : rien à attendre de Macron sur les vrais enjeux

Évidemment, rien dans les annonces de Macron ne permettra de remédier à la misère sociale qui gangrène Marseille, alors que pendant le confinement et encore aujourd’hui des milliers de personnes font la queue pour des colis alimentaires pour pouvoir se nourrir. En ce sens, sur le terrain de la précarité et du chômage, celui qui est l’auteur d’une réforme s’attaquant aux personnes privées d’emploi n’a eu à proposer que des mesurettes néolibérales visant à « développer l’entrepreneuriat ». Le mythe néolibéral du « self-made man » et de la « start-up nation » est une vieille rengaine chez Macron. En 2017 déjà, le candidat Macron n’avait rien d’autre à offrir à la jeunesse des quartiers que des emplois uberisés, dont le statut « d’auto-entrepreneur » ne parvient plus à camoufler la réalités de jobs sous-payés et précaires.

En guise d’adresse aux travailleurs et aux classes populaires, le président s’est par ailleurs illustré par un mépris répété. Après avoir validé la rhétorique anti-pauvre de Blanquer sur les allocations de rentrée qui serviraient à financer des « écrans plats », Macron s’en est pris aux agents municipaux qui luttent pour leurs conditions de travail et plus de moyens (et qui ce faisant font bien plus pour l’école que Macron et son gouvernement). « Vous avez un problème avec vos personnels municipaux et vous avez trop de grèves » a-t-il sereinement expliqué.

Une tournée de trois jours qui se clôture aujourd’hui par une visite dédiée à l’écologie, ou plutôt au capitalisme vert, lors de laquelle Macron inaugurera le Congrès mondial pour la nature et annoncera la création pour 2026 d’un Institut de collaboration scientifique. Une inauguration qui se fait en compagnie de grands représentants de la cause écologique…. Comme le fils de Bernard Arnault (chef de la communication chez LVMH), le chef du MEDEF Geoffroy Roux de Bézieux, de Christine Lagarde, présidente de la BCE ou encore d’une membre de la direction de Total (l’un des principaux pollueurs mondiaux). Le tout sponsorisé par Nutella, qui dans le même temps continue de dévaster des forêts entières pour exploiter de l’huile de palme. En bref, une sortie de Macron sur la thématique écologique avec les principaux responsables de la crise écologique qui ne consiste qu’en une vaste opération de greenwashing. Et ce alors que l’environnement de la cité phocéenne est contaminée par le tourisme de croisière et étouffe dans les embouteillages.

Dans la cité phocéenne, miroir grossissant des problématiques qu’affrontent les habitants des quartiers populaires en France, Macron a ainsi tenté de dessiner les futurs axes de sa campagne. Mais au-delà du spectacle d’un candidat qui tente de renouer avec le « en même temps », Macron a encore une fois montré qu’il continuera d’être un ennemi farouche des classes populaires et des travailleurs, que ce soit au travers de sorties culpabilisant les plus pauvres et ceux qui luttent ou avec des promesses sécuritaires et néo-libérales avancées dans le plan « Marseille en grand ».

Alors que la réforme de l’assurance-chômage entrera en vigueur en octobre prochain, et que le gouvernement réfléchit à une possible nouvelle offensive contre les retraites, il est plus que nécessaire de faire entendre la voix de ceux d’en bas, de celles et ceux qui ont fait tourné la société pendant la crise sanitaire, à l’image de ces personnels de cantine d’écoles marseillaises qui se sont mises en grève pour exiger de meilleurs conditions de travail et exiger des moyens pour l’éducation.


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