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Vague de témoignages

#MeToo Politique : quand les violences sexuelles font système dans les hautes sphères politiques

Ce lundi, une tribune publiée dans Le Monde, signée par 285 femmes, a mis en lumière la dénonciation de violences sexuelles et sexistes dans la sphère politique, provoquant une vague de témoignages sur les réseaux sociaux autour du hashtag #MeTooPolitique.

Enora Lorita

17 novembre 2021

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Crédits photo : AFP

Alors qu’il y a quelques jours, des milliers de femmes manifestaient dans les rues de Bruxelles autour du hashtag #BalanceTonBar, et que dans de nombreux milieux la parole sur les violences sexistes et sexuelles se libère, c’est la sphère politique qui est cette fois-ci pointée. À l’origine : la publication d’une tribune #MeTooPolitique ce lundi qui a été le point de départ d’une vague de témoignages.

Tribune et vague de témoignages

Ce lundi a été publiée dans Le Monde une tribune signée par 285 femmes du milieu politique et universitaire dénonçant les violences sexuelles et sexistes de la sphère politique. Ces femmes, dont plusieurs sont des députées de plusieurs partis institutionnels de gauche, à l’image de Danièle Obono (FI), Laurence Rossignol (PS) ou encore Karima Delli (EELV), appellent notamment à ce que « le monde politique prenne enfin en compte le mouvement #metoo ». Les signataires dénoncent notamment l’élection d’hommes mis en cause, parfois condamnés pour viol, pour agression sexuelle, pour atteinte sexuelle sur mineur, ou encore pour violences conjugales.

Depuis la publication de la tribune, une vague de témoignages a afflué sur les réseaux sociaux, et notamment sur Twitter. Des femmes y racontent comment, dans le monde politique et militant, elles ont été victimes d’agressions sexistes et sexuelles de la part d’hommes qui sont aujourd’hui au pouvoir. L’une d’elle raconte : « J’ai été victime d’un pervers narcissique. J’ai atterri à l’hôpital. Tout le monde le sait. Il a de nouveau des responsabilités politiques aujourd’hui. #metoopolitique ». Une autre femme, toujours sur Twitter, raconte qu’un homme politique a essayé de l’agresser aux UEPS (Universités d’été du PS), qu’un autre lui a proposé de coucher avec elle pour une place sur une liste municipale, et un autre pour un stage à l’Assemblée Nationale.

Trois candidats à la présidentielle mis en cause

De plus, dans la tribune comme dans les témoignages qui lui ont succédé, est pointé le fait que trois des candidats à la présidentielle de 2022 sont directement mis en cause. Les signataires de la tribune écrivent ainsi : « Trois candidats ou potentiellement candidats à l’Élysée sont déjà cités dans de nombreux témoignages d’agressions sexuelles. »

De même, certaines femmes racontent directement sur Twitter qu’elles ont été victimes des agissements de ces candidats. L’une d’entre elles écrit : « Une fois, un actuel candidat aux présidentielles, m’a dit avec son accent du terroir qu’il avait bien regardé mes fesses, et qu’à n’en pas douter elles rentreraient dans une seule de ses mains ».

Mais certains agissements de plusieurs candidats sont dénoncés depuis plus longtemps, sans qu’ils n’aient jamais semblé être inquiétés pour l’instant. En 2017, quand émerge le hashtag #BalanceTonPorc, la directrice de la communication du PCF avait ainsi raconté que lorsqu’elle était âgée de 25 ans et attachée parlementaire, Jean Lassalle lui avait mis une main aux fesses dans l’hémicycle. Une journaliste avait également témoigné que le candidat avait tenté de l’embrasser sans son consentement. François Asselineau, également candidat à la présidentielle, est mis en examen depuis février pour agressions sexuelles, harcèlement sexuel et moral, ainsi qu’intimidation d’une victime. Ses collaborateurs ont en effet témoigné que celui-ci les aurait aussi embrassés de force. Il est d’ailleurs sous contrôle judiciaire. Quant au dernier candidat visé, il s’agit évidemment d’Éric Zemmour, qui cumule de nombreux témoignages, anonymes ou non, d’agressions sexuelles diverses.

LREM et la droite : grands absents de la tribune

Si la gauche s’est mise d’accord pour faire un front commun au sein de la tribune publiée dans Le Monde, le silence de la droite et de la majorité présidentielle s’est fait remarquer. Annick Billon, présidente UDI de la délégation des droits des femmes au Sénat, a par exemple déclaré auprès de BFMTV : « Je ne me sens pas concernée directement par le sujet ». Quant à LREM, si le gouvernement avait annoncé faire de l’égalité femmes/hommes « la grande cause du quinquennat », l’émergence d’un #Meetoopolitique ne peut que générer le malaise lorsque l’on sait que le ministre de l’Intérieur lui-même a été accusé de viol.

Si ce nouveau #Metoo s’inscrit dans un mouvement de levée de l’omerta dans plusieurs sphères professionnelles et sociales, telles que la culture, le cinéma, mais aussi la famille autour du #MeTooInceste, elle a une résonance particulière dans le monde politique. Le #MeTooPolitique fait d’ailleurs écho à la libération de la parole dans les grandes écoles dans lesquelles sont formés la plupart des ministres et conseillers gouvernementaux autour du #SciencesPorcs, qui avait été engendré par l’affaire Duhamel et qui dressait le portrait d’une dynamique structurante au sein des grandes écoles, où le patriarcat est partie intégrante de la reproduction sociale et idéologique de l’élite. Cette vague de témoignages montre à quel point le problème est systémique, et ne peut être résolu par les hautes sphères de la bourgeoisie et des classes dominantes qui sont directement visées.

D’autant plus que c’est cette même classe politique, qui reproduit en son sein les schémas patriarcaux les plus classiques, qui vote des lois contre les plus précaires et notamment contre les femmes. Entre les réformes austéritaires, qui précarisent davantage les premières de corvée, et les lois autoritaires et islamophobes, qui visent notamment les femmes voilées, il n’y a rien à attendre de cette classe politique qui a tout intérêt à maintenir son système de domination et d’oppression pour nous diviser. Face aux capitalistes, il est indispensable de s’organiser par nous-mêmes, dans la rue, en indépendance des institutions. Le 20 novembre, aura lieu la manifestation annuelle contre les violences sexuelles et sexistes, une occasion pour descendre dans la rue et défendre un féminisme lutte de classe, qui dénonce le patriarcat dans toutes les sphères de la société mais qui s’organise en totale indépendance des institutions bourgeoises.


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