Si les positions de Marine Le Pen dans le Nord et du FN en France semblent se renforcer, ce n’est évidemment pas sans lien avec la campagne xénophobe et nationaliste qui fait rage en France depuis le 11 janvier et s’est encore aggravée avec la vague des migrants en Europe. Selon l’adage qui veut que « l’on préfère toujours l’original à la copie », le FN risque de rafler la mise dans cette campagne nourrie tous azimuts de Le Pen père à Mélenchon en passant par Valls, Sarkozy, Chevènement ou Dupont Aignan…

La « percée » annoncée de Marine Le Pen, un prétexte à toutes les alliances…

Tels qu’ils sont publiés par plusieurs journaux, les résultats des sondages Ifop et Odoxa donnent Marine le Pen en tête au premier tour des régionales avec 36 à 37% des suffrages exprimés, devant Xavier Bertrand (Les Républicains), crédité de 26%. Une liste PS-PRG conduite par le socialiste Pierre de Saintignon arriverait troisième, avec 21% en cas de liste commune EELV-Front de gauche (9%) et 19% si Front de gauche (6%) et EELV (4%) partent séparément.

On le sait, les sondages ne se contentent pas de refléter l’opinion, ils l’influencent. Au-delà des chiffres et de ce qu’ils donnent à croire, les annonces prophétisant une nouvelle percée du FN - qu’il s’agisse des régionales ou des présidentielles de 2017- présentent des opportunités pour les jeux d’alliance sur l’échiquier politique. En se faisant l’écho d’une « menace d’extrême droite » les médias légitiment par avance toutes les recompositions tactiques à « droite » comme à « gauche » et notamment la pseudo nécessité de s’unir, au premier ou au second tour, pour « faire barrage » aux candidats FN.

Le PS, quasi assuré d’une défaite cinglante aux régionales, cherche comment s’en sortir. Des ballons d’essai sont d’ores et déjà lancés en direction des Républicains. Christophe Caresche, député socialiste de Paris, soutient ouvertement la proposition d’un ministre (jusqu’ici non identifié) d’organiser des fusions des listes PS et Les Républicains entre les deux tours des régionales, en cas de risque de victoire du FN.
A la gauche de la gauche, la menace FN pourrait être le prétexte à des listes reposant sur des grands rassemblements, sans frontière de classe, incluant EELV, ou des « frondeurs » du PS par exemple. Ce qui ne serait pas sans évoquer l’appel à voter Chirac aux présidentielles de 2002 après l’élimination de Lionel Jospin au premier tour, alors même que les chances de victoire de Jean-Marie Le Pen aux présidentielles étaient à l’époque quasi inexistantes et en tout cas inférieures à celles de sa fille aujourd’hui.

A trop chasser sur les terres frontistes on lui ramène des proies

Marine le Pen, n’a en fait que peu de « mérite » dans sa propre progression. Le seul choix essentiel qui lui ait permis de capitaliser des potentiels électoraux a été de mener opiniâtrement une stratégie de dédiabolisation. Elle a réussi de cette manière à créer les conditions pour devenir le réceptacle, sur le terrain électoral, des retombées de la campagne réactionnaire, raciste, xénophobe, souverainiste qui a été déclenchée en France depuis le 11 janvier 2015, à droite mais aussi à gauche. La campagne anti-arabes et musulmans post Charlie, la politique va-t-en guerre de Hollande en Afrique et au Moyen-Orient, au nom de la lutte contre le terrorisme, la différenciation hypocrite entre « réfugiés de guerre » et « migrants économiques », pourtant tous victimes des effets dévastateurs de l’impérialisme, sont autant d’eau apportée au moulin du FN. Comment ne pas considérer également qu’un Mélenchon proclamant, à l’instar de Valls et Sarkozy, que la question n’est pas l’accueil des migrants en France mais le traitement du problème dans leur pays d’origine, fait largement le jeu du FN ?

En dehors de la récupération larmoyante de la dramatique situation des réfugiés et de l’appel à la charité chrétienne des « citoyens », tout le discours véhiculé par le gouvernement et par les ténors de la politique en France convergent dangereusement vers un protectionnisme et une xénophobie exacerbés tandis que les rafles et les expulsions continuent.

Marine le Pen n’avait donc plus qu’à se tenir en embuscade pour guetter le moment opportun et rafler la mise. C’est ce qu’elle a fait à l’occasion de l’UE d’été du FN. Après avoir obtenu que son père rentre plus ou moins dans le rang, elle a repris dans une virulente diatribe des propos anti-immigrés qu’elle avait abandonnés depuis un bon moment. De quoi se mettre en selle pour l’ouverture de la campagne des régionales.

Quel barrage au FN ? Tactiques électorales ou réponses politiques du mouvement ouvrier ?

Des jeux d’alliances électorales, quels qu’en soient les résultats, seront bien incapables de répondre aux questions que pose à la classe ouvrière et à ses organisations, la « montée » du FN. Les médias, notamment de droite, ne manquent pas de souligner que c’est dans le Nord, pays de grande tradition ouvrière, que Marine Le Pen risque de se tailler un franc succès. Manière évidente de sous-entendre que bon nombre d’ouvriers seraient « spontanément » nationalistes, protectionnistes, chauvins, voire racistes.

Outre le bourrage de crâne que la bourgeoisie fait peser, via les médias et les hiérarchies d’entreprise, sur la conscience des travailleurs, la cause principale de ce trouble jeté dans le camp de la classe ouvrière, ce sont les attaques austéritaires du gouvernement. Les lois Macron et leurs avatars de tout poil les précarisent, les fragilisent et les rendent plus perméables au venin injecté par ceux qui veulent les diviser et les opposer. Pris par la crainte du lendemain, certains peuvent prêter une oreille attentive à l’odieux argument de la priorité de logement soi-disant donnée aux migrants, alors que bien des français attendent depuis plusieurs années un logement HLM.

On peut certes entendre ici ou là, dans les entreprises, dans les quartiers, des propos choquants contre les travailleurs étrangers ou les migrants. Il est vrai par ailleurs que les ripostes des organisations ouvrières, partis, syndicats ont été très en-dessous de ce qu’elles auraient dû être.

Il y a donc urgence à débattre, à convaincre, à se mobiliser et à développer la conscience, la solidarité et le combat au sein du mouvement ouvrier. C’est le rôle des syndicats, des partis et des associations du mouvement ouvrier d’en prendre l’initiative. Des actions existent déjà qu’il faudrait amplifier et systématiser. Le soutien des sans-papiers en défense d’un syndicaliste de la poste dans le 78, les soins apportés gratuitement par certains hôpitaux aux migrants, la bagarre que mène le DAL pour le droit au logement des réfugiés, des migrants et des sans-papiers, sans distinction ouvrent la voie. Il faut poursuivre. Les actions unitaires contre la précarité, les politiques d’austérité, les oppressions spécifiques et les discriminations sont les seuls moyens de faire reculer le FN et la menace d’extrême droite.