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Répression brutale

Manifestant dans le coma, 200 blessés : la mobilisation massive à Sainte-Soline lourdement réprimée

Ce samedi, les 30 000 personnes qui manifestaient contre les méga-bassines à Sainte Soline ont fait face à une répression énorme : 3200 policiers ont blessé plus de 200 personnes. A l’issue de la journée, Darmanin a propagé sa version des faits, visant à criminaliser les manifestants, mais surtout éteindre une radicalité qui commence à infuser massivement.

Seb Nanzhel

26 mars 2023

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Ce samedi, plus de 30 000 personnes ont manifesté à Sainte Soline pour le week-end de mobilisation contre les méga-bassines appelé par le collectif Bassines non merci, les Soulèvements de la Terre et la Confédération Paysanne ainsi que plus de 100 organisations politiques, syndicales et écologistes. Une nouvelle étape importante dans la lutte contre ces installations conçues pour récupérer l’eau par pompage afin d’en assurer la ressource prioritairement pour les grandes exploitations agricoles, au détriment des petits agriculteurs et de la régénération des nappes phréatiques, qui seules permettent un équilibre global des sols et une stabilité à long terme des ressources et des besoins.

3200 policiers déployés, la circulation interdite sur deux communes, un porte-parole placé en garde-à-vue une semaine avant la mobilisation, deux hélicoptères en rotation pour quadriller la zone, des policiers sur des quads pourchassant les manifestants et tirant LBD et grenades lacrymogènes … alors que le précédent rassemblement contre les mégabassines avait déjà été très lourdement réprimé fin octobre, l’État a encore marqué un saut dans la violence qu’il déploie à l’encontre des manifestants ce samedi.

Ce dispositif répressif massif s’est acharné sur les manifestants toute la journée, noyant les cortèges sous un déluge de gaz lacrymogènes, de grenades et de LBD, et blessant lourdement nombre d’entre eux.

Selon un communiqué des Soulèvements de la Terre, plus de 200 manifestants ont été blessés par la police, le décompte étant encore provisoire. L’un d’entre eux est actuellement plongé dans le coma avec son pronostic vital engagé. Deux autres ont leur pronostic fonctionnel engagé. Une dizaine de blessés graves sont actuellement à l’hôpital et une quarantaine souffrent de plaies profondes (la plupart dues à des grenades). Le Media rapporte également qu’un manifestant a été éborgné.

« Le niveau de répression était ahurissant. Autour de moi, les gens disaient qu’il fallait remonter aux Gilets Jaunes, ou aux mobilisations contre le barrage de Sivens (lors desquelles Rémi Fraisse a été tué par une grenade jetée par la police, ndlr), pour revenir à un tel niveau. », explique une manifestante. « Un groupe a réussi à entrer sur le site de la bassine, mais la manifestation a fait demi-tour au final car les medics n’avaient plus assez de matériel pour soigner les blessés tellement il y en avait. Mais surtout, la police bloquait les secours. », poursuit-elle.

En plus de cet acharnement, la police a en effet empêché le Samu d’aller secourir un blessé en urgence vitale pendant plusieurs dizaines de minutes. « Le SAMU a indiqué à un médecin sollicitant des secours d’urgence, lors d’une conversation à laquelle les avocats de la LDH ont assisté, que le commandement sur place leur avait donné l’ordre de ne pas intervenir sur place. », explique ainsi la Ligue des Droits de l’Homme sur twitter. Les forces de répression ont également délibérément pris pour cible des blessés, en jetant des grenades dans leur direction comme l’a dénoncé auprès de l’AFP la secrétaire générale d’EELV Marine Tondelier.

Des éléments qui montrent l’ampleur des mensonges déployés par le gouvernement à la suite de la répression qu’il a orchestrée. Dans une déclaration, Darmanin a ainsi affirmé sans sourciller que « Les gendarmes participant aux évacuations des manifestants blessés ont pour une partie d’entre eux parfois été pris à partie par les éléments les plus radicaux, empêchant ainsi les opérations de secours et complexifiant l’arrivée des médecins sur le site. Je veux évidemment déplorer ces actes absolument inqualifiables ». Un retournement en bonne et due forme des faits, dont la police a le secret. Ce dernier va de pair avec une minimisation consciente du nombre de personnes blessées par les forces de répression, Darmanin en dénombrant 7.

Dans la continuité de cette fiction, et en s’appuyant sur les images de fourgons de police en feu et de cortèges faisant face aux forces de répression tournant en boucle sur les plateaux, Darmanin a condamné « Ce déchainement de violence […] absolument inexcusable, organisé manifestement je l’ai dit par des groupuscules d’extrême gauche ». Un argumentaire qui n’est pas sans rappeler le terme d’ « éco-terroriste », qu’il avait employé en octobre pour criminaliser les opposants aux méga-bassines et justifier leur répression.

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Il en a profité pour enjoindre la classe politique à prendre position contre les violences : « Je veux solennellement appeler l’ensemble des responsables politiques, l’ensemble des élus de la nation, quel que soit leur opinion politique, qu’ils soient pour la réforme des retraites, contre les bassines […] à condamner ces violences extrêmement fortes contre les gendarmes de la République ». Un appel auquel s’est empressé de répondre par exemple Eric Ciotti, le président des LR.

Une tentative de s’appuyer sur un récit gouvernemental créé de toutes pièces autour de Sainte-Soline pour convoquer autour du gouvernement, isolé comme jamais, un « front républicain » contre la radicalité des manifestants. Une tentative également de retourner la population contre les violences lors des manifestations, alors que des rassemblements spontanés et radicaux fleurissent dans de nombreuses villes contre la réforme des retraites. Une radicalisation du mouvement qui va jusqu’à l’affrontement avec les forces de répression et est très largement soutenue : 62% de la population étant favorable à un nouveau durcissement de la mobilisation contre la réforme des retraites, et 70% attribuant la responsabilité des violences en cours au gouvernement. Cette dynamique donne des sueurs froides au gouvernement, qui cherche à la briser par tous les moyens.

Cette surenchère répressive à l’encontre des manifestants de Sainte Soline ainsi que les manœuvres et propos immondes de Darmanin sont un nouveau signe de la fébrilité et de l’isolement d’un gouvernement face à un mouvement de colère profonde. Une surenchère répressive face à laquelle il faut opposer la solidarité la plus large, avec les manifestants de Sainte-Soline comme avec les travailleurs et jeunes réprimés dans les manifestations intersyndicales ou spontanées, ou avec les grévistes réqusitionnés. De ce point de vue, le silence de l’intersyndicale sur la répression en cours est un profond scandale : tous les moyens des confédérations devraient être mis au service de la solidarité contre la répression, essentielle pour consolider le mouvement et élargir la grève. En l’absence d’initiatives, il y a urgence à s’organiser en ce sens.


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