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Loi Travail XXL

Manif parisienne. Côté enseignants, un cortège dynamique

Comme le reste de la fonction publique, le monde de l’éducation avait été en retrait de la mobilisation contre la « loi El Khomri ». La réforme des rythmes scolaires et l’énième refondation du collège initiée par la ministre Najat Vallaud Belkacem avaient pourtant suscité beaucoup de mécontentement et des mobilisations suivies dans le primaire.

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Au printemps 2016, Hollande l’avait joué finement en dégelant le point d’indice des fonctionnaires au tout début de la mobilisation contre la loi travail, mais cette mesure cosmétique, sans grande incidence sur les fiches de paye ne pouvait expliquer à elle seule l’apparente apathie du monde enseignant, qui depuis la défaite de 2003 peine à jouer un rôle de premier plan dans les mouvements sociaux.

Les motifs de colère ne manquent pas, en particulier dans l’enseignement prioritaire et le mouvement « Touche pas à ma Zep » initié par des collègues de lycée de région parisienne ayant perdu « l’étiquette » Zep et les crédits qui vont avec, incarne l’effort d’une coordination entre des établissements qui sinon seraient contraints de lutter séparément, pour une efficacité et un écho médiatique bien moindre.

Si les causes du retrait -relatif- du monde de l’éducation dans les dernières mobilisations sont plurielles, force est de constater que les conditions de travail et les salaires des enseignants et personnels de l’éducation se sont beaucoup dégradés, ce qui n’incite pas particulièrement à faire grève et contraint les jeunes collègues à accepter des heures supplémentaires, ne serait-ce que pour pouvoir louer un appartement décent en région parisienne, chose pour laquelle un seul salaire enseignant ne suffit pas. Que dire alors d’un salaire d’assistant d’éducation (1200 euros par mois pour 39h semaine) ?

Quant aux dotations des établissements de l’enseignement prioritaire elles ne cessent d’être revues à la baisse, rendant le métier toujours plus difficile, et l’école toujours moins épanouissante pour les élèves. Dans un lycée ex Zep avec 35 élèves ou plus par classe, et avec des demi-groupes cédés au compte-goutte, comment enseigner convenablement ? Comment « créer les conditions concrètes de la réussite de tous les élèves », comme l’enjoint à le faire le président en personne dans la lettre qu’il a envoyé cette semaine à tous les enseignants du pays ?

Si ce geste peu fréquent est dans la droite ligne d’un chef d’Etat qui entend manager directement ceux qu’il conçoit sans doute comme ses propres exécutants, il témoigne également d’une crainte dans l’exécutif d’un regain d’activité du monde enseignant. En salle des profs, cette lettre a semble-t-il suscité plus de perplexité que d’adhésion. Il faut dire que geler à nouveau le point d’indice des fonctionnaires, et poursuivre la politique austéritaire dans l’éducation semble quelque peu contradictoire avec les ambitions affichées de M. Macron, tant en ce qui concerne la « revalorisation » du métier d’enseignant, que la diminution des inégalités scolaires.

Ce qui a également beaucoup pesé ces dernières années, c’est aussi justement ce discours managérial qui s’est diffusé peu à peu dans les établissements, sous la houlette de chefs d’établissement zélés se prenant de plus en plus pour des petits patrons oublieux des profs dont ils étaient, parfois certes, seulement quelques années. Ce discours s’est également diffusé dans les ESPE, les écoles de formations des enseignants nouvelle formule et les stagiaires sont contraints d’en ingurgiter à la pelle lors d’ennuyantes formations obligatoires, où l’appel est fait avec insistance par des « collègues » formateurs - formatés.

En la matière le nouveau ministre de l’Education Nationale, M. Blanquer, bien connu des enseignants de l’Académie de Créteil, dont il fut le recteur, en connaît un rayon et a promis, plus que des discours et des chansons, une refondation d’ampleur, une énième rupture dans une continuité déjà trop bien connue et qui fait que chaque année les enseignants sont toujours plus infantilisés, tandis que les chefs d’établissement sont dotés de nouvelles prérogatives.

Il y a sans doute un moment où l’on sature et le mensonge du discours officiel, non seulement ne parvient plus à masquer une école toujours plus inégalitaire et toujours moins généreuse, mais se transforme lui même en aiguillon pour la mobilisation.

Ce mardi 12 septembre, pour la première manif interprofessionnelle de l’année les chiffres de grève dans les collèges et lycées n’ont pas été mirobolants partout, mais il semble bien que l’ambiance ait quelque peu changé par rapport aux précédentes mobilisations. On peut certainement mettre au crédit de ce subreptice changement d’atmosphère la rentrée qui s’est fait sous le signe de la mobilisation, par exemple à Saint Denis, au nouveau lycée de la Plaine où la présidente de région Valérie Pécresse a été quelque peu chahutée, ou à Suger où lycéens et enseignants sont mobilisés contre la « réaffectation dans l’intérêt du service » de Pascal Stoller, chef des travaux et responsable de la section BTS audiovisuel qu’il a monté sur le lycée.

Lors de la manif, les lycéens de Suger, présents en nombre derrière une grande banderole rouge sur laquelle ont pouvait lire « notre plus beau patrimoine c’est notre jeunesse » ont contribué à l’animation d’un cortège enseignant bien fourni. Sept lycées participants au collectif Touche pas à Ma Zep étaient présents, comme le lycée Jean Zay à Aulnay, où à la rentrée, sur les 19 agents, seuls 6 avaient été nommés, la région ayant « oublié » d’en affecter le bon nombre. Comme Jean Zay, le lycée Mozart du Blanc Mesnil a été en grève plusieurs jours de suite la semaine dernière pour dénoncer le manque de moyens. Des collèges étaient également présents, comme le collège Barbara de Stains, classé Rep + et mobilisé pour le maintien d’un 4e CPE dans l’établissement, affecté à la rentrée « par erreur » par le rectorat. Les établissements de banlieue parisienne mobilisés en cette rentrée constituaient le gros du cortège enseignant lors de la manif, mais des collègues sont venus en ordre dispersés d’établissements où le nombre de grévistes est demeuré assez faible.

S’il est encore tôt pour prédire à Blanquer et Macron un mouvement d’ampleur dans l’Education nationale, l’atmosphère combative de ce premier cortège nous laisse espérer une année aussi dynamique dans la rue que peuvent l’être nos salles de classe.

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