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Une information LCI

Macron prépare le retour de la réforme des retraites

Les bruits à son sujet se font de plus en plus consistants. Macron ne désarme pas et se prépare à repasser à l’offensive sur le dossier des retraites après avoir suspendu la réforme, selon LCI. Le monde d’après macronien est bien le monde d’avant, le chômage et les licenciements en plus !

Joachim Bertin

19 juin 2020

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Crédits photo : GONZALO FUENTES / POOL / AFP

Avec l’instauration du confinement, les réformes en cours au début du mois de mars ont été suspendues. C’était le cas de la Loi de Programmation Pluriannuelle de la Recherche (LPPR), du deuxième volet de la réforme du chômage et surtout de la réforme des retraites. Cette réforme a fait exploser pendant trois mois, à partir de 5 décembre 2019, une colère qui grondait depuis longtemps, qui est venue s’ajouter à la séquence ouverte par les Gilets jaunes et qui a été une véritable démonstration de force de la force de la grève, en particulier dans les secteurs du transport (SNCF et RATP) où elle a marqué le record de longévité pour une grève depuis 1968 ! Un mouvement qui a été également soutenu par une large part de l’opinion, opposée au modèle de la retraite par points, attaque mal déguisée en acte de « justice sociale » par le gouvernement.

Et après la période de confinement, l’heure est semble t-il au retour de la réforme des retraites ! Selon une information LCI, le gouvernement est déterminé à faire passer son texte avant la fin du quinquennat Macron. D’après LCI, « pour son retour au Parlement, aucun calendrier n’a été avancé. Mais certains dans les rangs de l’exécutif considèrent qu’il en va de la crédibilité d’Emmanuel Macron de la faire adopter lors de ce quinquennat ».

Des attaques pour obliger à travailler plus vieux, à cotiser plus longtemps pour pouvoir partir avec un taux plein et qui ouvraient la voie à un système de capitalisation en rendant les pensions du système par répartition trop insuffisantes (plus qu’elles ne le sont déjà) : un programme que les assurances comme AXA dévoilaient sans gêne malgré les pirouettes du gouvernement pour le nier. Une loi qui prévoyait également de limiter la part des richesses allouées au système de cotisation impliquant nécessairement (la fameuse règle d’or, limitant le budget des retraites à 14 % du PIB), en cas de récession et donc de chute du PIB, une chute des pensions ! Imaginons les conséquences d’une telle loi si elle avait été appliquée aujourd’hui alors qu’un effondrement du PIB de 8 % est prévu cette année !

Le gouvernement avait fait usage de plusieurs armes pour faire passer sa loi. L’enfumage, médiatique d’abord, les lacrymogènes ensuite. La répression régulière dans les manifestations, sur les piquets de grève. La « négociation » avec les bureaucraties syndicales pour essayer de faire retourner certains secteurs au travail (sans grand succès). Puis, énième rebondissement, l’arsenal anti-démocratique et autoritaire de la Vème République avec le 49-3, utilisé le 29 février. Ce passage en force avait été discuté et acté lors d’un conseil des ministres cette semaine-là qui était consacré... au Covid-19 ! Il n’y avait certes toujours pas de masques, pas de tests, ni de sur-blouses ou de gants en quantité suffisante pour le personnel soignant et la population mais la réforme commençait à être actée... Sur le papier très fin du parlementarisme car la rue n’avait pas encore dit son dernier mot !

Macron avait réclamé la concorde et l’unité nationale pendant le confinement pour mieux envoyer les travailleurs des usines non-essentielles en période de pandémie au boulot et attaquer comme jamais auparavant le Code du Travail. Une unité qu’il n’a jamais pu tout à fait obtenir. Aujourd’hui, il essaye d’avoir un peu de rab’ de complaisance de la part de la population mais les portions sont maigres alors qu’il avalise à coups d’argent magique les licenciements et les accords de performance qui baissent les salaires pour sauver le grand patronat de la crise économique qui frappe en ce moment, comme on a pu le voir récemment à Derichebourg.

Ainsi, la réforme des retraites commence à repointer le bout de son nez. Avec un emballage à moitié rafraîchi : plus d’âge pivot dans l’immédiat (l’âge qui incitait par des malus ou des bonus à partir le plus tard possible à la retraite) et discussion possible sur la durée de cotisation qui pourrait ne pas être forcément rallongée. Ce qui ressort, c’est en fait le débat qui avait agité la bourgeoisie sur le nature de la réforme : systémique (système par point) ou paramétrique (changement de l’âge de départ, de la durée de cotisation pour mettre « les comptes à l’équilibre »). La première position était celle de Macron, la seconde d’Edouard Philippe, quitte à se mettre à dos leur allié de la CFDT Laurent Berger. Comme l’écrit l’éditorialiste aussi libéral que médiatisé Dominique Seux dans les Echos : « Les déficits sont un sujet second -la BCE est là pour cela. Bref, les réformes peuvent coûter un peu d’argent... ». Exit donc (momentanément) le paramétrique (et peut-être même Édouard Philippe selon les bruits qui courent) pour faire passer la « mère des réformes », celle sans laquelle le quinquennat Macron passerait pour un aveu de faiblesse : la fin des régimes spéciaux et la retraite à point. Ce système qui permet, selon les aveux de Fillon, lorsqu’il parlait devant des patrons et pas des juges, « de diminuer le montant des pensions ».

Désormais Macron veut caresser les partenaires sociaux dans le sens du poil. La bourgeoisie dans son ensemble, effrayée par le potentiel explosif des réactions à la crise, veut absolument réhabiliter le « dialogue social » pour contenir la combativité. Les quelques concessions faites ne sont que des carottes pour attirer à la table des négociations et ravir les bureaucraties syndicales qui ne demandent en général pas beaucoup pour être satisfaites. Ici l’abandon de l’âge-pivot laisse donc le soin de trouver les moyens de financer les retraites aux « partenaires sociaux », comme dans la conférence de financement ouverte quelques semaines avant la crise sanitaire. Un moyen de gagner du temps mais de faire passer l’essentiel. Car l’action de Macron est aussi scrutée à l’échelle européenne à l’heure où des plans de relance commun se discutent et pourraient se faire sous condition de réformer les économies des pays bénéficiaires, Macron qui se rêve en champion de l’Union Européenne montre l’exemple à ses voisins.

Jeudi, la majorité gouvernementale a voté une proposition de loi d’André Chassaigne (PCF) pour revaloriser les pensions minimales des agriculteurs de 75 à 85 % du SMIC. Une loi qui traîne au Parlement depuis plus de trois ans et qui met tout le monde d’accord depuis lors mais qui a systématiquement été bloquée par LREM qui voulait attendre la grande réforme des retraites. La loi a finalement été votée jeudi mais il faut encore attendre... 2022 pour la voir appliquer ! Une réforme amoindrie au passage puisque près de 100.000 agriculteurs à la retraite pourraient s’en retrouver exclus s’ils ont eu une autre activité pendant ou après leur carrière. Une entrée en matière qui donne le ton pour aborder à nouveau ce sujet des retraites.

Car si les axes dits paramétriques de la réforme sont écartés pour un temps, ils risquent très vite de revenir. Le « déficit » de la caisse de retraite subit les effets de la récession et s’alourdit, à environ 30 milliards d’euros pour cette année. Les députés se creusent dont la tête sur le meilleur moyen de faire payer l’addition aux travailleurs et aux retraités, une addition plutôt légère si on la rapporte aux milliards d’argent magique qui ont pu être trouvés du jour au lendemain pour voler à la rescousse du CAC40 ! La crise crée un besoin d’argent mais Macron a donné les grandes lignes pour la période dans sa dernière allocution télévisée, il va falloir travailler plus et accepter les licenciements. Sur les bancs de l’hémicycle, on parle même de mettre davantage à contribution les retraités qui ne sont pas touchés comme les salariés par le chômage ou les baisses de salaire. Un modèle de « justice sociale » très macronien qui consiste à aligner ceux qui ont un peu plus sur ceux qui ont un peu moins. Le mot d’ordre qui circule actuellement parmi le patronat aéronautique qui s’apprête à massivement licencier, consiste à essayer au maximum de ne pas « gâcher la crise ». Macron est bien parti pour ne pas la gâcher, cette crise est une aubaine pour appeler les directions syndicales à la responsabilité pour trouver des moyens. Même les centrales les plus combatives, à l’image de la CGT acceptent régulièrement le rôle de caution de round de négociation au prétexte d’apporter des solutions. Mais face aux attaques qui pleuvent sur le temps de travail, sur l’assurance-chômage (qui devrait être temporairement rabotée), et face à la vague de licenciements qui menace, il n’est plus possible de réitérer les plans de bataille qui alternent pressions de la rue une fois par semaine pour aller en réunion à l’Elysée par la suite. Macron devrait annoncer la suite de la réforme des retraites et de l’assurance-chômage d’ici le mois de juillet, un calendrier qui l’avantage, profitant des vacances scolaires.

Dans le contexte social actuel, et aux vues des attaques multipliées qui attendent les travailleurs, les classes populaires et la jeunesse, il apparaît de plus en plus évident que toute forme de dialogue social ne peut être qu’un piège visant à nous faire payer la crise. C’est pourquoi il est vital de préparer une contre-offensive massive, en misant sur la convergence des différents mouvements de ces derniers mois, contre la politique de Macron. A ce titre, la passivité des directions syndicales, voire leur complicité directe comme on a pu le voir dans le cadre de la grève de Derichebourg, sont évidemment un grand frein pour le mouvement ouvrier. Il est indispensable d’exiger que ces directions syndicales coupent toute forme de dialogue social, et proposent un plan de bataille à la hauteur des enjeux. A ce titre, la rentrée sociale de septembre se doit d’être chaude.


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