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En vue du 8 mars

« Lutte des femmes et lutte des classes doivent se penser ensemble » Meeting féministe à Tolbiac

Mardi soir, le Comité féministe de Paris 1 organisait un meeting « Les femmes dans la grève et la grève féministe », avec des grévistes de différents secteurs – ESR, SNCF, RATP, lycées. Une échéance pour préparer le 8 mars, et revenir sur la lutte des femmes à l’heure du retour de la lutte de classe.

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« Alors que les femmes constituent prêt de la moitié de la classe ouvrière dans le monde, lutte des femmes et lutte des classes peuvent se penser ensemble, plus que jamais » introduit Josebine, militante du Comité féministe Paris 1 et de Du Pain et des Roses. Le ton de la soirée est donné : comment penser ensemble la lutte des femmes et la grève ? les femmes en grève, et la grève des femmes, à quelques jours d’un 8 mars qui s’inscrit dans un contexte de mouvement contre la réforme des retraites qui précarisera au premier chef les femmes ?

Sarah et Ariane, doctorantes à l’EHESS, ouvrent la discussion en revenant sur leurs mobilisations des derniers mois, contre la réforme des retraites et la LPPR. Dans l’ESR, « les femmes occupent les postes les plus précaires et constituent la majorité des 150 000 vacataires du secteur » note Ariane, qui revient sur l’historique de la mobilisation à l’EHESS.

Une mobilisation qui, comme la lutte contre la réforme des retraites à laquelle les doctorantes ont pris part depuis décembre, est traversée par des rapports de domination. Actives sur les blocages des incinérateurs, elles racontent notamment comment le sexisme est utilisé comme un moyen de décrédibilisation des étudiantes mobilisées. « On s’est rendu compte que le sexisme était utilisé par les patrons pour nous décrédibiliser, dépolitiser notre action. Prendre un de nos tracts c’était comme prendre nos numéros et on a vu clairement comment le patronat utilise le sexisme. » raconte ainsi Sarah.

Un sexisme qui traverse également les mobilisés, et face auquel les doctorantes se sont organisées. « On a ressenti un besoin criant d’organisation en non-mixité pour partager nos expériences face au sexisme dans la mobilisation. Ça a commencé par des discussions informelles sur les violences sexistes, la division du travail militant. » explique ainsi Sarah.

Marianne, enseignante-chercheuse titulaire à Paris 1 revient ensuite sur l’émergence d’une nouvelle génération féministe. « Ma génération est arrivée à l’université par les livres et on a pris le sexisme de l’institution de plein fouet. Or, on n’a pas créé de liens avec la génération d’avant, il y avait un dialogue intellectuel mais pas de lien de mobilisation. Vous êtes en train de réinventer la lutte féministe » note-t-elle, avant de revenir sur les limites de la mobilisation des titulaires à l’université, et la nécessité de trouver des modalités à même de faire gagner la mobilisation contre la réforme des retraites et la LPPR.

Mobilisée sur son lycée contre les E3C, Inès revient sur son parcours de lycéenne d’origine étrangère en France. A la violence des institutions et de ses petits chefs qui « aiment trop montrer leur supériorité », s’ajoute pour cette jeune musulmane l’obligation d’enlever son voile. « Quand on me force à enlever mon voile je ne me sens pas moi-même. En plus je ne comprends pas le rapport, le voile il ne cache pas mon cerveau, il cache que mes cheveux… » raconte-t-elle avec humour. Indignée par les mesures de sélection à l’Université, qui excluent en particulier les lycéens du 93 comme elle, elle insiste ensuite sur le refus de se laisser faire. « On vit dans un système où il faut que tout le monde ait peur. Moi je n’ai pas peur et je ne ferme pas ma bouche » résume-t-elle avec force.

Fermer sa bouche, ce n’est pas non plus le style de Hanane, conductrice sur la ligne 5, qui a fait plus de 50 jours de grève contre la réforme des retraites. « On avait le cliché de la femme à la maison, de l’homme sur le terrain, et ça on l’a brisé pendant cette grève. » note la gréviste, avant de revenir sur le caractère émancipateur de la grève. « Si on m’avait dit il y a deux mois que je serais devant vous, je n’y aurais jamais cru. »

Après avoir évoqué le 8 mars, et la nécessité d’entraîner les hommes dans la rue aux côtés des femmes, Hanane revient sur la situation de la mobilisation et ses perspectives. « Notre plus grand arme c‘est la grève. C’est beau de manifester, c’est beau de faire des actions, mais je suis pas convaincue que c’est ça qui va nous faire gagner. Pour gagner il faut le blocage de l’économie, la grève de masse c’est ça qui nous fera gagner. » martèle la conductrice de métro, insistant en parallèle sur la nécessité de généraliser et d’élargir le mouvement, comme tente de le faire la Coordination RATP-SNCF, dont elle fait partie, avec son appel à une réunion nationale pour la grève générale. « Le transport public ça peut impacter mais c’est pas assez. »

Même son de cloche du côté de Laura, cheminote : « Cette grève nous a transformées. C’est aussi dans ces moments de lutte que nous les femmes on prend conscience de notre force. C’est aussi quelque chose qu’on voit dans d’autres luttes comme celle des salariées d’Onet en 2017 ou plus récemment des femmes de chambre d’Ibis en grève depuis plus de 7 mois. ». Ces luttes indiquent aussi la voie et la nécessité d’une transformation de l’ensemble de la société : « Le mouvement des femmes est à la croisée des chemins. Soit on continue à faire des mobilisations de pression pour arracher des victoires partielles, qui sont nécessaires mais insuffisantes et toujours menacées ; soit on décide de déployer toutes nos forces pour tout remettre en cause, et renverser ce système capitaliste patriarcal qui nous opprime et nous exploite. »

Homa, étudiante à Paris 1, militante de Du Pain et des Roses et participant au comité féministe, conclue le meeting. « Je fais partie de ces jeunes femmes de la quatrième vague féministe, qui voient que malgré les victoires que le mouvement féministe a obtenues, l’égalité en droit, il y a encore 500 femmes qui meurent par jour d’avortements clandestins, des femmes subissent les féminicides, les salaires sont toujours inégaux, les femmes sont toujours la majorité des plus pauvres et précaires. » Des mobilisations massives des derniers 23 novembre aux Gilets jaunes, en passant par les femmes en grève contre la réforme des retraites, elle revient sur les récentes luttes de femmes à la veille du 8 mars.

« Depuis décembre, avec d’autres militantes de DPDR on est souvent allées sur les piquets, on a fait des articles, des portraits de femmes grévistes, aidé à remplir les caisses de grève. Il y a même eu un piquet contre l’homophobie pour dénoncer l’instrumentalisation répressive par l’entreprise de la lutte contre les oppressions. » raconte Homa, qui tire de cette grève un bilan clair, la nécessité de penser et mener ensemble les luttes des travailleurs et travailleuses et les luttes féministes. « Hanane et Loli nous montre ce qu’est le visage de la classe ouvrière aujourd’hui. » note-t-elle à ce propos, contre les clichés véhiculés historiquement par les directions du mouvement ouvrier.

« On veut détruire ce système, mais on veut aussi construire autre chose. On nous a privées du droit de penser qu’il était possible de construire autre chose, que le capitalisme n’était pas la fin de l’histoire. Et ce monde c’est nous qui pouvons le construire, dans l’alliance du mouvement ouvrier et du mouvement des femmes. » explique-t-elle, avant de conclure : « Il faut faire de ce 8 mars une journée de lutte contre les oppressions patriarcales, mais aussi contre l’ensemble des attaques sociales du gouvernement. » et d’inviter à rejoindre le cortège du collectif Du Pain et des Roses.


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