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Capitalisme vert

Les patrons, champions de l’écologie ?

L'Usine Nouvelle, grand organe de presse patronale, publiait cette semaine, un article dont le titre prétend que « les dirigeants d’entreprises sont prêts à agir pour l’environnement, alors que la population française beaucoup moins ». Une expression sans fard de l'écologie bourgeoise.

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Une enquête biaisée

Le journal ne s’en cache pas, « pour comprendre les enjeux de la transition énergétique (...) L’Usine Nouvelle donne la parole aux industriels ». Chose dite, chose faite. L’article paru dans la rubrique environnement, présente deux études de l’ADEME (Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie) questionnant la « volonté d’agir pour l’environnement ». La première s’intéresse à la population française « moyenne » (1500 personnes), l’autre interroge 505 dirigeants d’entreprises. L’enquête s’appuie sur ce clivage, pour conclure au final que le problème, est un problème de prise de conscience, et le problème de la majorité de la population. Classes laborieuses, classes dangereuses, aussi pour la planète ?

En effet, le questionnaire de l’ADEME est construit de manière binaire et ne pousse pas les conclusions jusqu’au bout. En questionnant le pour ou le contre sur les différentes mesures du développement durable (taxe carbonne , taxe sur les véhicules polluants), il oppose le bon capitalisme vert à la population, trop avare de ses privilèges pour faire des sacrifices pour la planète. Un discours que l’on retrouve sur le terrain social, où il faut se serrer la ceinture pour le pays, pour la croissance, pour la compétitivité etc. Ainsi l’étude affirme que 69 % des dirigeants sont favorables à la taxe carbone alors que la population française se prononce à 46 % contre. L’opposition est construite comme si l’écologie se résumait au développement durable, en d’autres termes, aux solutions proposées dans les limites du cadre capitaliste, dans les limites de la propriété privée des moyens de production. Par cette « pirouette méthodique » l’article en arrive à des conclusions qui frôle le syllogisme : Il existe selon eux, une « fracture entre la moyenne des Français et les décideurs économiques » sur la volonté d’agir pour le climat.

Derrière les fausses conclusions, une idéologie.

Mais si l’on pousse les conclusions un peu plus loin, trois quarts de la population française serait « prête à faire des efforts s’ils sont justes ». L’article se garde bien d’aborder, ce qui apparaît pourtant comme évident : ces chiffres expriment en réalité, un rejet du capitalisme vert et non un rejet de l’écologie.
Le mouvement des gilets jaunes en est d’ailleurs l’illustration parfaite. Ces derniers à leurs débuts, sont descendus dans la rue et sur les ronds points, contre la taxe carbonne symbole des dispositifs injustes du capitalisme vert. Il ont depuis démontré à plusieurs reprises, le lien entre « fin du monde et fin du mois ». Dès l’acte 4, la convergence entre écolos et giles jaunes était faite. Des mois plus tard les gilets jaunes défilaient encore aux cotés de la marche pour le Climat pour l’acte 18. L’article de l’Usine Nouvelle mentionne à deux reprise le mouvement des gilets jaunes mais ignore tout bonnement ce genre de fait.

Les patrons champions de l’écologie ?

Pierre Gattaz, ex-président du MEDEF (syndicat patronal), déclarait déjà en septembre 2013 dans le quotidien Le Monde : « Cessons donc d’opposer l’activité économique, les entreprises et l’écologie ! Les secteurs industriels et de services ont depuis longtemps intégré la dimension écologique dans leurs démarches. ». Dans la continuité de l’enquête précédemment présentée, on retrouve l’idée que les entreprises et les investisseurs doivent « bouger » au même niveau que les citoyens. Avec ce discours déresponsabilisant pour les patrons, la faute est renvoyée à l’ensemble de la population, et comme un problème individuel, Gattaz prétendant que le travail est déjà fait du côté des entreprises.

Mais dans les faits, les solutions que propose le capitalisme se heurte de plus en plus à leur insuffisance. L’accord de Paris signé en 2015 donnait pour objectif de maintenir le réchauffement climatique sous les 2 degrés d’ici 2100. On peut déjà dire que c’est un échec avec la France comme exemple : objectif de diminuer les émissions de gaz à effets de serres de 40 % d’ici 2030 alors même qu’entre 2016 et 2017, elles ont augmenté de 1,7 %. Aussi les recettes engendrées par fiscalité verte ne représentent que 1,8 % du PIB (c’est beaucoup moins que les pourtant timides dépenses faites « pour l’environnement »). Les vrais pollueurs, ceux qui produisent avec le seul profit comme objectif, au mépris de la santé, de la sécurité et de la vie des travailleurs, ne doivent pas donc pas tant payer ! ArcelorMittal a-t-il reçu une taxe pour avoir déversé de l’acide en pleine forêt ? Non, ni sanctionné, ni taxé... Par contre, le salarié qui a ébruité l’affaire a été licencié sur le champ ! Aussi, l’exemple du marché carbone, qui offre aux financiers la possibilité de spéculer sur des « permis de polluer » ne profite qu’à ces derniers. Depuis son instauration, c’est un véritable échec tant sur le plan écologique que social .

Le constat est bien terne. Solutionnant le problème écologique par le marché et des dispositifs fiscaux, mais incapable de trouver « le juste prix » de la dégradation de l’environnement, le capitalisme vert se trouve dans une impasse. Les dispositifs « incitatifs » profitent aux investisseurs déjà fortunés et les dispositifs « dissuasifs » accentuent la misère sociale. En plus d’être insuffisantes au vu de l’urgence écologique, les mesures mises en œuvre au nom du développement durable, creusent encore plus les inégalités. Pourtant, à l’image de l’article de L’usine Nouvelle, la bourgeoisie se maintient dans un discours qui, d’un côté, culpabilise les consommateurs, de l’autre, déresponsabilise l’Etat et la bourgeoisie. Mais un seul chiffre tiré d’une étude de l’Oxfam contredit cette conception : 50 % de la population la plus pauvre est responsable de seulement 10% des émissions de CO2 dans le monde ; les plus riches de leur côté rejettent 2 000 à 3 000 fois plus de carbone que les plus pauvres chaque jour . On peut ajouter que 70% des émissions de gaz à effet de serre sont le fait de seulement 100 grandes entreprises (rapport de l’ONG Carbon Disclosure Project).

Ceux qui contrôlent la production (la bourgeoisie) sont donc ceux qui « régulent » ou non, le rapport à la nature et son exploitation. Mettre en cause « la faible volonté des Français d’agir pour le climat » est non seulement faux , mais affirmer que les entreprises sont exemplaires en la matière est plus que malhonnête.
Le système capitaliste ne pourra pas être réformé. Il n’existe que par et pour l’accroissement permanent du profit, au mépris de tout le reste. Seuls les grands patrons peuvent se payer le luxe d’une transition écologique, ce qu’il faut, c’est le renversement du capitalisme !


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