[Quelques enseignements des années 1930]

Leçons d’audace pour un parti révolutionnaire en France

Daniela Cobet

Leçons d’audace pour un parti révolutionnaire en France

Daniela Cobet

Relire, à la lumière de la lutte des classes actuelle, des Gilets jaunes et de la grande grève de l’hiver dernier, l’audace de Trotsky, pour construire un grand parti révolutionnaire dont nous avons tant besoin. Quelques réflexions de Daniela Cobet, reprises de son intervention dans le documentaire #Trotsky2020, qui vient de sortir.

Poussé à l’exil par la bureaucratie stalinienne, Trotsky trouve refuge en France pendant une partie de la première moitié des années 1930. Le contexte était celui de la grande dépression et de tous les phénomènes politiques qu’elle a déclenchés : chômage de masse, radicalisation de franges importantes du mouvement ouvrier, désespoir dans les rangs de la petite bourgeoisie, montée des groupes fascistes.

Dans une telle situation, le noyau trotskyste, qui était certes composé par des militants d’une très grande valeur, était néanmoins beaucoup trop faible pour pouvoir aspirer à jouer un rôle déterminant dans la situation. Persécuté par les staliniens, qui constituaient aux côtés de la social-démocratie les deux grandes organisations ouvrière de masse à l’époque, l’accumulation militante de ce noyau de trotskystes s’était faite dans un relatif isolement par rapport aux masses ouvrières. Et l’accélération des événements ne leur laissait pas le temps de pouvoir rattraper ce retard sans recourir à des tactiques audacieuses.

« Il ne suffit pas pour un révolutionnaire d’avoir des ’idées justes’. C’est la tâche du parti révolutionnaire que d’opérer la jonction entre les ’idées justes’ et le mouvement ouvrier de masse. C’est la seule façon dont une idée peut devenir force agissante ». C’est avec cette phrase que Trotsky ouvrait l’un de ses textes les plus emblématiques de la période.

Trouver une voie vers les masses ouvrières, fusionner avec elles de façon à donner lieu à des organisations révolutionnaires capables de peser sur les événements et de ne pas rester « sur la touche », pour reprendre son expression, voilà l’obsession de Trotsky au cours de ces années. En effet, il était persuadé, contre toute vision spontanéiste, que les révolutionnaires avaient un rôle déterminant à jouer, à la fois dans le passage d’une situation qui devenait de plus en plus pré-révolutionnaire à la révolution, mais également par rapport à la victoire de la révolution elle-même.

Pendant cette période, il va donc proposer aux militants révolutionnaires en France toute une série de tactiques à la fois audacieuses et variées, pour chercher à incarner au mieux la nécessité stratégique d’un parti révolutionnaire. Cela allait de la politique du Front Unique entre les grandes organisations du mouvement ouvrier pour combattre, côte-à-côte, la montée fasciste et éviter de reproduire la catastrophe qui venait d’avoir lieu en Allemagne, à l’entrée des militants trotskystes dans le parti socialiste de l’époque, la SFIO, pour chercher à confluer avec ses militants ouvriers qui étaient en train de se radicaliser et éviter de se faire marginaliser une fois que le front unique serait devenu une réalité.

La situation, aujourd’hui, est bien entendu très différente de celle des années 1930. Il n’existe aucune organisation de masse de l’ampleur de celles qui existaient à l’époque. Néanmoins, face aux secousses que la crise actuelle ne manquera de produire, l’obsession de Trotsky consistant à faire fusionner le marxisme révolutionnaire avec le mouvement ouvrier de masse et à de pas se résigner à un positionnement marginal reste d’une très grande actualité.

Cela est d’autant plus vrai que dans un pays comme la France, le mouvement ouvrier et le mouvement de masses n’a pas attendu la crise actuelle pour montrer de premiers signes de recomposition. C’est ce que l’on a pu voir avec le mouvement des Gilets jaunes et avec la grande grève contre la réforme des retraites de l’hiver dernier.

Cependant, dans un pays où l’extrême gauche d’origine trotskyste occupe, historiquement, un espace très important, arrivant même à dépasser la barre des 10 % lors de certaines élections, celle-ci n’a pas joué, au cours de ces événements, un rôle déterminant, et elle occupe aujourd’hui une place relativement marginale. Pour ce qui est du Nouveau Parti Anticapitaliste, il est de plus menacé d’une dissolution. En dépit de tous les défauts que peut avoir ce parti, cela, aujourd’hui, ne pourrait que profiter à la gauche réformiste de Jean-Luc Mélenchon.

Lutter contre la dissolution du NPA pour faire de lui un outil de la recomposition d’une extrême gauche qui renoue avec l’audace tactique de Trotsky, pour construire, en France, un puissant parti révolutionnaire qui soit composé de militants issus de différentes traditions, mais aussi des meilleurs éléments de l’avant-garde ouvrière qui a pu émerger dans les dernières luttes, le tout autour d’un programme et d’une stratégie révolutionnaires, voilà le meilleur hommage que l’on pourra rendre au grand révolutionnaire russe à 80 ans de son assassinat.

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