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Etats-Unis

Le syndicalisme par en bas : quelques leçons de la victoire à Amazon

Les travailleurs d’Amazon de Staten Island ont vaincu une des entreprises parmi les plus riches et antisyndicales du monde. Leur victoire marque le rejet de la stratégie perdante des bureaucraties syndicales et montre le pouvoir de l’auto-organisation à la base.

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Cet article est la traduction d’un article de Left Voice.

Crédits photo : Luigi Morris

« Nous voulons remercier Jeff Bezos d’être allé dans l’espace, parce que pendant qu’il était là-haut, nous faisions signer des travailleurs »

La création du syndicat d’Amazon à Staten Island, New York, peut être comparée à l’histoire du combat entre David et Goliath : un groupe de travailleurs s’est affronté à la deuxième personne la plus riche du monde et a gagné.

Depuis des années, Amazon, deuxième employeur des États-Unis et troisième entreprise mondiale, réalise des profits monstrueux sur le dos de ses plus de 1,5 million d’employés, dont beaucoup travaillent dans des conditions dangereuses, dans des ateliers clandestins ou dans des entrepôts où ils sont traités comme des machines humaines. En 2021, Amazon a engrangé un bénéfice stupéfiant de 33,6 milliards de dollars, mais a continué à payer ses employés d’entrepôt moins que le seuil du minimum vital.

La même année, l’entreprise a dépensé plus de 4,3 millions de dollars pour engager des avocats antisyndicaux afin de tuer dans l’œuf toutes les tentatives d’organisation dans les entrepôts du pays, notamment à Bessemer, en Alabama, et à Staten Island. Pour cause, la constitution d’organisations syndicales à Amazon pourrait signifier la fin des heures supplémentaires forcées et un salaire plus élevé, et donc un pouvoir de nuisance considérable quant aux profits réalisés sur le dos des travailleurs surexploités.

Malgré ces efforts, l’Union Syndicale des travailleurs d’Amazon s’est maintenue. Et grâce à une campagne d’organisation à la base avec quelques avocats bénévoles et un budget de fonctionnement d’un peu plus de 100 000 dollars collectés principalement auprès des travailleurs, le premier syndicat de l’histoire d’Amazon aux Etats-Unis a vu le jour. Cela ne s’est pas fait sans remise en cause par les organisateurs de l’UAL des méthodes traditionnelles de l’organisation syndicale par en haut. De ce point de vue, la campagne dirigée par les travailleurs d’Amazon a non seulement permis de vaincre Bezos, mais a également donné une leçon aux syndicats bureaucratiques, ossifiés et bien financés.

Comment cela est-il arrivé ?

Pour comprendre la genèse de la victoire, il faut remonter à fin mars 2020, quand en pleine pandémie de Coronavirus, Chris Smalls (aujourd’hui président de l’UAL) et Derrick Palmer décident de participer au débrayage de plus de 50 travailleurs de l’entrepôt d’Amazon JFK8 à Staten Island pour réclamer de meilleures protections face au Covid. L’entreprise décide alors non seulement de rejeter ces demandes minimales mais également de profiter de l’occasion pour licencier Smalls afin d’envoyer un message aux salariés, prétextant – parmi d’autres motifs – que ce dernier aurait « enfreint les pratiques de distanciation sociale et de quarantaine », alors qu’il n’avait jamais été testé positif au virus.

Au lieu d’abandonner, Smalls, Palmer et d’autres travailleurs décident de créer un syndicat pour continuer de se battre pour leurs droits.

Face à Smith, Palmer et les autres, comme le révèlent des notes de service rendues publiques en avril 2020, les dirigeants de l’entreprise, dont le PDG de l’entreprise Jeff Bezos, ont élaboré des stratégies pour faire échouer les efforts d’organisation des jeunes salariés, notamment en menant une campagne de dénigrement à l’encontre de Smalls. Dans une communication aux accents racistes, l’avocat général de l’entreprise le décrit par exemple comme "n’étant ni intelligent ni éloquent" avant d’affirmer qu’Amazon pourrait facilement gagner une bataille de relations publiques en soulignant le rôle de leader de Smalls. Mais la multinationale a clairement sous-estimé son adversaire et la capacité d’organisation de son personnel.

Smalls et les travailleurs de l’entrepôt commencent leur campagne comme tant d’autres au sein de la classe ouvrière : en installant une table et en discutant régulièrement avec leurs collègues, à l’intérieur et l’extérieur de l’entrepôt. Petit à petit, le travail de terrain réalisé prend. C’est que des faibles salaires aux conditions de travail insupportables, il y avait beaucoup de griefs autour desquels s’organiser. Bryma Sylla, ouvrier, raconte : « Tout ce qui les intéresse [la direction d’Amazon] c’est de savoir comment ils peuvent utiliser et contrôler votre temps pendant que vous travaillez pour eux. Nos conditions de travail ne sont pas humaines, travailler à Amazon, c’est revenir à l’époque des plantations ». En 2021, Motherboard publiait dans ses colonnes, un reportage édifiant sur une travailleuse d’Amazon qui dort dans sa voiture et se douche à Planet Fitness parce qu’elle ne peut pas se payer un loyer à New York. Un témoignage parmi d’autres.

C’est dans la colère latente générée par les conditions de travail des salariés d’Amazon, que le syndicat naissant puise pour grossir. La table se transforme en tente, et les organisateurs commencent à apporter du café, de la nourriture et d’autres rafraichissements pour leurs collègues travailleurs, avant de se confronter à de premier défis. À Amazon, la diversité est la règle : les travailleurs viennent de toute la région de New York et sont pour beaucoup issus de l’immigration ; certains ne parlent pas anglais, et le principal enjeu a d’abord été d’unir cette main d’œuvre hétérogène autour d’un enjeu commun. Comme l’explique Angelica Maldonado à Jacobin, le fait d’apporter de la nourriture africaine sur les tables a attiré de nombreux travailleurs africains. Dans le même temps, Sylla, lui-même originaire du Libéria, multiplie les sessions WhatsApp destinées aux nombreux immigrants africains travaillant à Amazon afin de les impliquer davantage dans l’effort de syndicalisation. Petit à petit, les rangs de l’organisation syndicale naissante s’étoffent, des groupes d’études fleurissent et, à l’intérieur de l’entrepôt, de plus en en plus de travailleurs arborent un t-shirt syndical.

À rebours des stratégies syndicales traditionnelles, l’UAL s’ouvre au public dès le début. Ses premiers membres ont commencé par prendre la parole dans l’entrepôt et à poser des tables. Plutôt que d’attendre de convaincre chaque travailleur avant de demander un vote pour la constitution d’un syndicat (une tâche sisyphéenne alors que le taux de rotation est énorme à Amazon et quand la direction cible intentionnellement les organisateurs), les organisateurs décident de soumettre un vote dès le nombre minimum de cartes syndicales requis. Après de nombreuses plaintes de la direction d’Amazon, ils réussissent enfin à obtenir suffisamment de signatures vérifiées pour que le NLRB (The National Labor Relations Board) n’ait d’autre choix que de convoquer une élection.

À chaque étape du processus, il aura fallu faire avec les efforts de la direction de la multinationale pour casser le travail des organisateurs syndicaux. À l’instar de ce qu’elle avait fait pour le site Amazon de Bessemer, la direction a bombardé les travailleurs de prospectus et de SMS antisyndicaux, et les a sommés de se rendre à des réunions obligatoires pour les convaincre de voter non à la constitution d’un syndicat. L’entreprise est même allée jusqu’à embaucher la célèbre agence de détectives Pinkerton - une organisation à l’origine du meurtre de travailleurs américains qui, depuis des générations, terrorise ceux qui essaient de s’organiser - pour espionner les efforts de syndicalisation au sein de l’entrepôt.

Mais les méthodes antisyndicales ont fini par se retourner contre la direction. Les travailleurs ont dénoncé les mensonges d’Amazon, ce qui leur a permis d’entrer en contact avec d’autres travailleurs et de contrer les pratiques autoritaires de la direction pour les diviser. En février l’arrestation de Smalls et de deux autres travailleurs, venus déposer de la nourriture pour les employés d’Amazon, choque largement, jusqu’aux travailleurs antisyndicaux. Pour Brett Daniels, un ouvrier de l’entrepôt JFK8, l’épisode finit par convaincre les récalcitrants. Il raconte qu’un responsable, qui avait jusqu’alors cherché à empêcher les travailleurs de récolter des signatures pendant le déjeuner, retourne sa veste et rejoint l’effort de syndicalisation après les arrestations. « Nous n’allons pas les laisser faire », aurait alors déclaré le directeur.

Indubitablement, le rôle joué par Smalls et Palmer a été essentiel dans le succès du syndicat. Mais celui-ci n’aurait pas pu advenir, sans la centaine de travailleurs-organisateurs de l’entrepôt qui ont risqué leur emploi pour prendre la parole lors de réunions, rencontrer d’autres travailleurs en tête à tête, discuter sur WhatsApp et élaborer des stratégies pour attirer davantage de travailleurs.

Une gifle au visage de la bureaucratie syndicale

Comme l’explique John Logan, professeur d’études sociales à l’université d’État de San Francisco :

« Amazon est l’entreprise la plus importante de l’économie mondiale et l’entreprise antisyndicale la plus redoutable en terme de richesse, de sophistication des efforts consentis pour écarter les syndicats. Avec l’UAL, il semble également que la sagesse conventionnelle en matière d’organisation ait été renversée. Ils ont réussi à gagner sans un grand syndicat ou des organisateurs expérimentés ».

En fait, la victoire syndicale à JFK8 est même une gifle adressée au visage des directions syndicales nationales. Depuis plusieurs années, les grands syndicats y compris le RWDSU et le SEIU, ont constamment échoué dans leurs efforts pour organiser de nouvelles couches de travailleurs précaires, malgré les millions de dollars dépensés afin d’y parvenir.

Pour s’en convaincre, il suffit par exemple, de commenter les tentatives infructueuses du RWDSU pour organiser les salariés de l’entrepôt Amazon de Bessemer, en Alabama. Plutôt que d’aider à construire une campagne dirigée par les travailleurs, la stratégie du RWDSU a toujours été de s’appuyer par en haut sur le Parti démocrate et sur des employés du syndicat comme substituts aux organisateurs de la base. Lorsque les militants de Left Voice se sont rendus à Bessemer pour rendre compte de la lutte pour la syndicalisation qui y était menée, ils ont assisté à un évènement avec Bernie Sanders, mais avec moins de 15 travailleurs présents. À l’extérieur de l’entrepôt, plusieurs soutiens brandissaient des pancartes en faveur de la construction d’un syndicat, mais il n’y avait pas un seul travailleur.

Cette méthode d’organisation n’est pas une erreur tactique. Dans l’époque actuelle de crise impérialiste, les syndicats et leurs directions sont devenus des outils du capitalisme. Les dirigeants syndicaux - dont les intérêts matériels sont fondamentalement différents de ceux des travailleurs qu’ils représentent - ont largement abandonné tout véritable militantisme. À la place, ils ont travaillé à faire des syndicats un appendice électoral du Parti démocrate dans l’espoir de gagner quelques miettes. Dans le même temps, ils se sont efforcés de maintenir les travailleurs dans la passivité en leur disant que le pouvoir et les acquis sociaux s’obtiennent dans les urnes, en votant pour leurs ennemis de classe, plutôt que dans la lutte. Cette soumission au Parti démocrate est l’une des raisons pour lesquelles les syndicats aux États-Unis ont été écrasés par l’offensive néolibérale bipartisane, et pourquoi les taux de syndicalisation, malgré un soutien croissant des syndicats dans l’opinion publique, ont continué à baisser pendant des décennies.

Cela ne signifie pas pour autant que les travailleurs n’ont pas besoin ou doivent rejeter les grands syndicats comme le RWDSU. Les travailleurs ont besoin de grandes organisations de travailleurs, y compris syndicales. Mais pour tirer le meilleur parti de ces organisations, les travailleurs de base doivent se battre pour arracher le contrôle aux bureaucraties et pour vaincre les directions syndicales afin de contrôler démocratiquement leurs syndicats, en les utilisant comme des outils de lutte de classe contre les patrons et l’État.

L’impasse du Parti démocrate

Malgré ses discours et son positionnement électoraliste en faveur des travailleurs, le Parti démocrate n’est pas un allié des travailleurs. S’il multiplie les promesses, comme la loi PRO ou la loi Employee Free Choice, il ne parvient jamais à tenir ses maigres promesses. Dans le cas de l’UAL, la machine électorale des démocrates a été utilisée contre le syndicat. Comme l’a rapporté CNBC, Amazon a embauché un sondeur démocrate influent pour combattre la campagne syndicale de Staten Island.

Même la frange progressiste du parti démocrate, comme Alexandria Occasio-Cortez qui a été élue par une nouvelle génération d’électeurs pro-syndicat, pro-travailleurs et politisée sur les questions d’oppression, n’a pas daigné se déplacer pour soutenir l’UAL. Comme l’explique Smalls, AOC avait pourtant annoncé sa venue pour rendre visite aux travailleurs de Staten Island avant d’annuler. Pire encore, elle n’a jamais utilisé sa position de personnalité publique pour appeler d’autres travailleurs ou figures politiques à apporter leur soutien.

Dans un échange Twitter avec l’un de ses détracteurs, AOC a fait valoir qu’elle avait d’autres impératifs et que l’entrepôt ne se trouvait pas dans son district. Plusieurs travailleurs, dont Smalls, lui ont alors répondu que non seulement elle s’était régulièrement déplacée en dehors de son district, mais qu’en plus nombre de ses électeurs travaillaient dans l’entrepôt JFK8. Il est évident qu’AOC, ne peut pas être partout à la fois, mais le fait qu’elle n’ait pas donné une seule fois la priorité à l’une des luttes ouvrières les plus importantes de ces dernières années, tout en trouvant le temps d’assister au Gala du Met dans une robe Tax the Rich à 10 000 dollars, montre bien qu’elle n’est rien d’autre qu’une nouvelle politicienne de carrière.

La vérité est qu’AOC et le Parti démocrate ne voulaient pas être associés à un groupe de travailleurs radicaux. Le manque de soutien à l’UAL contraste fortement sur ce terrain avec celui exprimé en direction de la lutte pour la syndicalisation à Bessemer. Une lutte dirigée par le RWSDU qui avait mis sur ses bannières pro-syndicalisation des photos de Stacey Abrams, la cheffe de la minorité démocrate à la Chambre des représentants de Géorgie de 2011 à 2017.

Depuis la victoire de l’UAL, sans surprise, une vague de soutien large s’est exprimée en soutien au syndicat, y compris de la part de Joe Biden. Mais ce soutien n’est rien d’autre que de la poudre aux yeux destinée à masquer les attaques de Biden contre les travailleurs à travers le pays. Le nouveau budget de Biden, par exemple, comprend davantage de fonds pour l’armée, la police et l’ICE (l’agence fédérale de police aux frontières des États-Unis) ainsi qu’une remise en question des maigres promesses sociales énoncées pendant sa campagne électorale. Le soutien des démocrates aux travailleurs d’Amazon doit être considéré pour ce qu’il est vraiment : une tentative de détourner le pouvoir des travailleurs pour le diriger vers l’impasse que constitue le Parti démocrate.

Une victoire symptomatique des luttes nouvelles de la classe ouvrière

Le succès de l’UAL ne doit pas être considéré comme une victoire isolée. Comme tout événement historique, il ne s’agit pas seulement de quelques individus courageux dotés d’une stratégie audacieuse. L’UAL a été formée dans le sillage d’une période de crise incroyable et de lutte des classes ouverte par la pandémie et les soulèvements de masse contre les violences policières en 2020. Ces évènements ont contribué à radicaliser toute une nouvelle génération de travailleurs. La pandémie et les soulèvements de BLM ont profondément marqué l’ensemble de la classe ouvrière, comme l’a souligné la vague de grèves et d’actions ouvrières en octobre dernier, lorsque les travailleurs de tout le pays ont exigé de meilleures conditions de travail et que des mineurs, des travailleurs de la santé, des charpentiers mais aussi des travailleurs de l’orchestre symphonique se sont mis conjointement en grève. Le mouvement avait sur ce terrain constitué une riposte importante des travailleurs « essentiels » qui, au risque de leur vie, ont fait tourner la société tout au long du verrouillage économique et social provoqué par la pandémie.

Cette vague de lutte n’est pas allée sans s’accompagner d’un changement subjectif. Les profits monstres réalisés par le grand patronat et les milliardaires américains, dont la fortune a augmenté de 70 % pendant la pandémie, ont choqué. D’autant plus que l’inflation croissante et les perturbations sur les chaînes d’approvisionnement générées par la Covid ont rendu la classe ouvrière de plus en plus consciente de l’inégalité inhérente au système capitaliste ainsi que de son pouvoir de le perturber.

Les jeunes travailleurs sont en première ligne de ces nouveaux conflits. Comme le note le Washington Post, « de nombreux leaders du mouvement sont âgés d’une vingtaine d’années. Ils se surnomment eux-mêmes la « Génération U », pour « Union » - syndicat en anglais. L’approbation des syndicats n’a jamais été aussi élevée depuis 1965, avec un taux d’approbation de 68% - qui passe à 77% chez les 18-34 ans - selon un récent sondage ». Ce sont ces jeunes - les « millenials » et les « zoomers » - qui cherchent à syndiquer leurs collègues partout dans le pays, à Starbucks, Condé Nast, Alphabet ou encore au New York Times, etc, ces derniers mois.

Cette génération a connu, en un temps très resserré, deux facteurs de politisation très importants : la pandémie, et un mouvement de masse contre les oppressions en direction de la population afro-américaine. Cette génération s’est également politisée aux côtés des personnes homosexuelles, racisées, et autres populations opprimées. Cela s’est déjà partiellement exprimé dans le mouvement syndical. Les travailleurs de Jezebel ont fait grève pour les droits des personnes transgenres, les enseignants de Minneapolis pour l’embauche et la titularisation d’enseignants BIPOC (Black and People of Color) et les salariés de Disney ont débrayé contre le projet de loi « Don’t Say Gay ».

Si certains ont quitté leur travail dans le cadre de la « Grande Démission », d’autres se sont mis en grève. Et force est de constater, que nous assistions à un phénomène de retour au syndicalisme à la base et à l’émergence de nouvelles figures politiques "lutte des classes", comme Smalls. C’est sur ce chemin que pourra être dépassée la voie mortifère du syndicalisme des dirigeants syndicaux.

Perspectives d’avenir

Dans l’immédiat, le syndicat devra se battre pour obtenir des revalorisations immédiates de salaire et de meilleures conditions de travail. L’UAL indique qu’elle prévoit de se battre pour un salaire minimum de 30 dollars, deux pauses de 30 minutes, davantage de congés payés et la fin des heures supplémentaires obligatoires.

Il ne fait aucun doute qu’Amazon va chercher à punir les travailleurs pour s’être syndiqués en se battant pour faire annuler le vote et en négociant les pires contrats possibles. La voie à suivre pour l’UAL est d’utiliser la même stratégie qui lui a permis d’obtenir la victoire pour se constituer en tant que syndicat.

À rebours de la stratégie des vieux appareils syndicaux, la victoire de l’UAL a montré que le succès ne s’obtient pas dans des négociations de coulisse ou en embauchant des avocats, mais par l’organisation des travailleurs à la base. L’obtention de meilleurs contrats ne se fera pas à la table des négociations mais par la force des travailleurs, et si nécessaire par la grève.

En outre, l’énorme élan de soutien à l’UAL peut également servir à nouer des liens avec des travailleurs d’autres entrepôts. Les travailleurs doivent se soutenir mutuellement dans la lutte collective. Si l’expérience de la lutte pour la syndicalisation à Staten Island a remis en question le vieux modèle syndical de la défaite, cela ne peut être qu’un début. Désormais, alors que les travailleurs se dirigent vers leur première négociation de contrat, ils doivent se battre pour des sessions de négociations ouvertes auxquelles tous les travailleurs pourront assister, et se réunir en assemblées pour discuter des suites de la lutte. Mais surtout, ils doivent être prêts à faire grève.

Un bastion pour la classe ouvrière

L’UAL est déjà contactée non seulement par plus d’une centaine d’autres établissements d’Amazon, mais aussi par des travailleurs de Starbucks et de Walmart, etc. Le syndicat naissant a le potentiel pour devenir un bastion de la classe ouvrière et jouer un rôle encore plus important dans l’approfondissement de la dynamique de syndicalisation. La question se pose également de savoir quel type de relation l’UAL va établir avec les autres syndicats. Va-t-elle être un outil pour briser l’immobilisme des syndicats traditionnels au service de la lutte des classes ? L’UAL pourra-t-elle exiger que tous les autres syndicats mettent leurs immenses ressources au service de la mobilisation dans la rue pour exiger de meilleurs contrats pour les travailleurs d’Amazon et pour la classe ouvrière dans son intégralité ?

Sur ce chemin, il sera essentiel que l’UAL maintienne son indépendance politique vis-à-vis des partis capitalistes. Il est clair que les démocrates sont du côté des briseurs de syndicats. Pourtant, presque toutes les organisations syndicales de travailleurs donnent de l’argent et mobilisent leurs membres pour militer en faveur du Parti démocrate. Jusqu’à présent, il est apparu clairement que le pouvoir des travailleurs d’Amazon réside dans leur capacité à s’organiser sur leur lieu de travail. Alors que de nombreux démocrates ont cherché à coopter le mouvement, les travailleurs doivent se rappeler que la jambe gauche du bipartisme américain est le « cimetière des mouvements sociaux ».

Pour autant, l’indépendance vis-à-vis des démocrates ne signifie pas s’abstenir de faire de la politique. Au contraire, cela incombe de s’organiser contre les attaques des démocrates et des républicains contre les travailleurs d’Amazon et leurs frères et sœurs de classe et de faire du syndicat un véritable outil au service des travailleurs d’Amazon et de leurs communautés, pour les droits des migrants, des travailleurs noirs, LGBTQI+ et plus encore.

Le potentiel de l’UAL

L’UAL est peut-être l’exemple le plus abouti ces dernières années d’un syndicalisme de base. Les dirigeants capitalistes ont de quoi être nerveux, puisque l’UAL a déjà été contactée par des travailleurs de plus de 100 sites d’Amazon désireux de former leurs propres syndicats.

Mais l’UAL pourrait avoir une influence plus grande encore. Si les travailleurs de plusieurs sites d’Amazon se syndiquent et obtiennent des augmentations de salaires, cela pourrait élever les normes de conditions de travail pour l’ensemble de la classe ouvrière américaine. Si dans plusieurs entrepôts d’Amazon, il y a non seulement syndicalisation mais également participation active à la lutte des classes, le potentiel est énorme. Les travailleurs du secteur de la logistique disposent d’un énorme levier sur la production capitaliste et peuvent faire perdre des millions de dollars aux grands patrons s’ils se mettent en grève.

Les organisateurs de l’UAL et les travailleurs de JFK8 ont ouvert une nouvelle brèche dans la longue et difficile bataille entre le travail et le capital aux États-Unis. C’est la tâche de tous les travailleurs de se saisir de cette opportunité pour gagner du terrain et construire un nouveau pouvoir et une nouvelle actualité de la lutte des travailleurs partout dans le monde.


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