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Interview de Yann Augras

« Le combat des GM&S, ce n’est pas que le combat de 277 salariés, c’est un combat qui doit être mené nationalement »

Au cours d’une réunion entre l’Etat, les constructeurs automobiles et la direction de l’usine GM&S de la Souterraine, les salariés ont appris que les promesses d’augmentation du chiffre d’affaire étaient pour 2018 et non 2017. Face à cette annonce qui pourrait supposer de nombreux licenciements, les salariés lancent un ultimatum.

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PSA et Renault font tout pour condamner l’usine

Après un jugement du tribunal de Poitiers qui laissait un mois de sursis aux salariés de l’usine pour trouver un repreneur et des promesses du ministre de l’économie, Bruno Le Maire, allant dans le sens d’une augmentation du chiffre d’affaire de l’usine, c’est une douche froide qu’ont reçu les GM&S en cette fin de semaine. En effet, alors que PSA, Renault, l’Etat, l’administrateur judiciaire et la direction provisoire du site étaient réunis à Bercy, les représentants du personnel ont appris que les promesses d’augmentation des commandes des constructeurs ne concernaient pas l’année 2017 mais l’année 2018. En substance, cela veut dire que l’usine ne pourrait pas conserver tous les emplois, et ce, dès 2017 : pour Yann Augras, délégué CGT, le chiffre d’affaire actuel ne permettrait que de conserver « à peine une centaine de postes ».

D’autant plus que les (très faibles) promesses sont en plus incertaines : depuis une semaine, les salariés tentent de savoir à quoi va correspondre l’augmentation de 5M€ du chiffre d’affaire (CA) promis par Renault… sans aucune réponse. Pareil chez PSA, qui n’a annoncé qu’une augmentation de 600 000 euros. Alors que les constructeurs n’ont plus consulté l’usine depuis 2010 pour de nouvelles affectations, l’usine a peu d’avenir : « les salariés ont bien compris que les constructeurs continuent à se foutre de leur gueule et qu’ils veulent la mort de l’entreprise  » dénonce Yann Augras.

Les promesses de Bruno Le Maire : « un coup de com’ pour temporiser » selon la CGT

Au cœur de la stratégie de l’Etat pour désamorcer le conflit, l’annonce d’une augmentation du CA, qui se faisait alors déjà sous la condition d’une flexibilisation de l’emploi. En effet, à quelques semaines des législatives, il s’agissait pour l’exécutif de temporiser sur un conflit potentiellement explosif, comme l’ont bien compris les salariés : « on sait très bien que les législatives Macron va avoir du mal à les gagner, et que le coup de com’ de Bruno Le Maire c’était simplement pour aider Macron [...] cela fait six mois qu’on bataille, on avait obtenu peu de choses, et Bruno Le Maire est à peine nommé depuis trois jours, il claque les doigts et dit ‘‘j’ai sauvé la Souterraine’’ ? On y croit pas : les mecs qu’a le ministre en face de lui ce sont des tueurs de boites !  ». Face à ce gouvernement qui cherche à berner les salariés en lutte, Yann Augras a rappelé la nécessité de se battre, avec les moyens des ouvriers. C’est d’ailleurs pour cela que l’Assemblée générale qui décide des suites de la mobilisation a acté d’une journée de mobilisation courant semaine prochaine si rien n’avance. Comme le dit leur communiqué, « la semaine prochaine on va taper ! ».

« Le combat des GM&S, ce n’est pas que le combat de 277 salariés, c’est un combat qui doit être mené nationalement »

Mardi 16 mai, plus de 2500 soutiens venus de toute la France s’étaient réunis à la Souterraine contre la fermeture de l’usine. Pour les salariés, ce mouvement de solidarité est centrale pour leur victoire, mais aussi contre les licenciements en général : « le combat des GM&S, ce n’est pas que le combat de 277 salariés de la Souterraine, c’est un combat qui doit être mené nationalement ! Ce qui nous arrive aujourd’hui, ca arrivera à d’autres demain et cela va faire boule de neige. Si on ne se réveille pas, qu’on soit du public ou du privé, les prochaines années seront de plus en plus précaire quel que soit notre travail  » explique Yann. Au cœur des préoccupation des salariés, la convergence avec le public : samedi 13 mai, ils avaient manifesté avec les cheminots de la ville contre la fermeture progressive de la gare ; ils sont aussi allé soutenir les salariés de France 3 Limoges eux aussi en lutte contre la concentration de leurs service hors de l’ex-capitale du Limousin. Yann nous confie : «  c’est en unissant nos forces, en partageant nos problèmes, qu’on soit du privé ou du public, que tu sois dans le textile, babysitter ou autre, il n’y a que comme cela qu’on arrivera à défendre nos acquis. Les uns sans les autres on n’y arrivera pas. On a voulu opposer le privé et le public, mais les deux n’en s’en sortiront que si l’on se bat ensemble  ».

Face à la nouvelle loi-travail, « la bataille va se mener dans la rue, en bloquant l’économie »

Derrière leur combat pour le sauvetage de l’usine, Yann Augras, le délégué CGT de l’usine, voit aussi un autre combat, plus global, contre la politique du nouveau gouvernement. Alors que la loi Travail d’Hollande a déjà largement précarisé des pans entiers du monde salarial, la « loi Travail XXL » que prépare Macron va être le motif d’un nouveau combat :
« Ce ne sont pas les élections qui feront les choses : cela fait 25 ans qu’on est dans la merde, depuis le temps qu’on essaye de voter pour des politiques qui sont toutes les mêmes, on va être dégoutés de tous les bords. La réelle bataille elle va se mener dans la rue. Une fois que tu as bloqué l’économie de grandes villes comme Paris, Marseille ou Lyon. Là, le patronat se met autour de la table. Mais il faudra accepter de se mettre en grève, de perdre un peu d’argent pour de gros acquis [...] ce n’est jamais qu’une poignée de gens qui dirigent le pays ; une poignée de donneurs d’ordre. Nous on est des millions et si on veut on peut faire changer les choses. Regardez 1936 ; regardez 1968 : c’est comme ça qu’on gagnera ».


      
  
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Arthur Nicola

Journaliste pour Révolution Permanente.
Suivi des grèves, des luttes contre les licenciements et les plans sociaux et des occupations d’usine.
Twitter : @ArthurNicola_

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