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Greenwashing

Le « Plan Eau » de Macron ne lavera pas la répression de Sainte-Soline

Il fallait oser. En déplacement ce jeudi à Savines-le-lac, Macron a présenté son « Plan eau ». Une manœuvre pour incarner une écologie « responsable » après la répression sanglante de Sainte-Soline le week-end dernier.

James Draoust

31 mars 2023

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Après avoir disparu des radars de province depuis plus de 2 mois, Macron s’est rendu ce jeudi à Savines-le-lac pour présenter le plan du gouvernement face à la sécheresse. Une manœuvre grossière après la répression sanglante de Sainte-Soline et les mensonges d’État qui l’ont accompagnée.

Un comité d’accueil attendait l’hélicoptère présidentiel qui l’a amené sur place. En effet, plus de 200 manifestants étaient rassemblés à l’appel de la CGT des Hautes-Alpes, pour rappeler à Macron leur détermination à enterrer sa réforme. Face à ça, le président a encore pu compter sur son bras armé. La préfecture de police avait ainsi déposé un arrêté préfectoral autour du lac de Serre-Ponçon, où devait se tenir la conférence de presse. Les forces de répression ont d’abord interdit aux manifestants l’accès au lac, avant de réprimer un sit-in sur la route que devait emprunter la délégation présidentielle, et d’interpeller deux manifestants qui ont été placés en garde à vue.

Accompagné de Christophe Béchu, ministre de la transition écologique, qui avait déjà annoncé les grands axes du plan le mois dernier, Macron a détaillé différentes mesures. Une manière surtout de reprendre la main sur le sujet de l’eau après un hiver historiquement sec, mais surtout après la répression sanglante de la mobilisation de Sainte-Soline contre les méga-bassines. C’est ainsi que dans une salle isolée, Macron a tenté d’incarner un leader de l’écologie responsable face aux « factieux » et autres militants « d’ultra gauche » de Sainte-Soline, dont il a par ailleurs justifié la répression en les désignant de « milliers de gens venus faire la guerre ».

Un plan de l’écologie libérale qui laisse de côté la production et l’environnement

Parmi les 53 propositions du « Plan Eau », toutes plus floues les unes que les autres, l’objectif affiché est de réduire de 10% les prélèvements en eau douce d’ici 2030. Pour l’atteindre, comme à son habitude, le gouvernement fait reposer son plan sur des mesures de sobriété individuelle tout en voulant mettre en place une taxation progressive de l’eau.

En plus de se défausser de la responsabilité de la crise actuelle et à venir, le gouvernement compte aussi faire se serrer la ceinture aux plus précaires. En effet, le prix de l’eau sera progressif et calculé selon des paliers de consommation. Cependant, le prix du mètre cube d’eau a déjà augmenté dans plusieurs communes de 7 à 11% en 2023 à cause de l’inflation. La tarification progressive pourrait alors augmenter la facture des ménages en fonction du prix de base pour lequel il sera calculé. De plus, le journal Le Point fait aussi état du fait que ce système ne prendrait pas en compte la taille du foyer dans ces calculs : « La consommation est calculée par foyer, et qu’il est encore impossible pour les services de l’eau de différencier le calcul en fonction de sa taille. Une famille nombreuse, grosse consommatrice malgré elle, sera plus pénalisée qu’une personne habitant seule ou un couple sans enfant. »

En réalité, la combinaison de la sobriété et de la tarification progressive est un moyen supplémentaire de stigmatiser les familles plus précaires, sans toucher à l’utilisation agricole et industrielle de l’eau et surtout sans remettre en cause les modes de production qui sont à l’origine de l’épuisement des ressources naturelles. De la même manière, le gouvernement soutient la « politique de la rustine » en réparant les principales fuites de 170 communes, renommées « points noirs », sans parler de fuite industrielle ou d’irrigation agricole.

Par ailleurs, Macron et le gouvernement tentent aussi le pari technologique pour régler la crise en annonçant vouloir réutiliser 10% des eaux usées, développer un « Ecowatt de l’eau ». Le défenseur de la « start-up nation » a alors annoncé lancer « 1000 projets en cinq ans » pour recycler et réutiliser l’eau. Soit autant de cadeaux au patronat. Pour Thierry Uso, membre d’Eau Secours 34 dans un article de Reporterre, cette affirmation est plutôt farfelue :

« Environ deux tiers des projets ne sont pas viables économiquement. Il faut bien souvent des kilomètres de tuyaux pour apporter l’eau des stations vers les parcelles agricoles, avec de la pression, donc de l’énergie. Et puis, les eaux usées sont généralement trop salées par nos urines pour les cultures et demandent donc un traitement supplémentaire, qui peut être coûteux. »

Dans le même temps, le ministre de l’agriculture Marc Fesneau était au congrès de la FNSEA à Angers alors qu’il était initialement prévu dans la délégation de Serre-Ponçon. Une visite devant le principal lobby français de l’agro-industrie, qui vient appuyer les intérêts que défend le plan eau du gouvernement (au cas où ce n’était pas clair). Le ministre y a affiché haut et fort son soutien indéfectible aux méga-bassines, tout en rassurant les agriculteurs que le « Plan eau » ne les concernait pas. Pourtant, c’est bien un certain modèle agricole qui est le premier consommateur d’eau en France, avec près de 45% d’eau douce consommée et jusqu’à 80% entre juin et août.

La pollution de l’eau : grande absente du « Plan Eau »

 Pour finir, la pollution de l’eau potable ne fait pas partie des ambitions climatiques du gouvernement. Le plan ne fait pas mention des destructions environnementales causées par la pollution des nappes et des cours d’eau. En effet, on ne fait pas mention des ventes de pesticides de la France qui polluent les eaux du monde entier, des « polluants éternels » et encore moins du pesticide cancérigène du S-métolachlore, dont Marc Fesneau a affirmé les mérites au congrès de la FNSEA.

Vouloir se positionner en protecteur de l’eau moins d’une semaine après avoir orchestré la répression brutale de Sainte Soline était osé. Cette manœuvre grossière ne trompera personne, tant par le timing, la répression qui l’a accompagnée, et le contenu du « Plan eau », véritable concentré d’écologie macroniste au service du patronat. Par cette nouvelle opération, Macron nous réaffirme tout son mépris, et vient en premier lieu cracher sur les blessés de Sainte-Soline. Alors que les Soulèvements de la Terre, organisateur de la mobilisation de Sainte-Soline, est menacé de dissolution, il est nécessaire de faire front contre ce gouvernement qui n’a que la répression a la bouche et nous promet un avenir de sécheresse et de précarité.

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