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Greenwashing

Le PDG de Total visé par une plainte pour avoir favorisé ses intérêts dans l’école Polytechnique

Ce 22 avril Greenpeace France, Anticor et l’association d’anciens élèves de l’École polytechnique la Sphinx ont porté plainte contre le PDG de Total Patrick Pouyanné qu’ils accusent de prise illégale d’intérêts. Critiquée pour les liens sulfureux entretenus avec des régimes dictatoriaux comme au Myanmar ou au Tchad, la multinationale est de nouveau au cœur d’une polémique alors que son patron, élu au Conseil d’administration de l’école, tente de faire construire un centre de recherche au sein de Polytechnique.

Ariane Anemoyannis

29 avril 2021

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BELGA/AFP - NICOLAS MAETERLINCK

L’information a été communiquée par les associations respectives sur leurs pages. Le 22 avril dernier, Greenpeace France, Anticor et La Sphinx ont intenté une action en Justice contre le PDG de Total Patrick Pouyanné, qu’elles accusent d’avoir usé de son statut d’élu au Conseil d’administration de l’école afin de favoriser son groupe, devenue la première entreprise à avoir des locaux dans un établissement public de l’enseignement supérieur.
 
Le lien litigieux qui fonde la plainte des associations n’est pas difficile à relever. Le 25 juin 2020, le Conseil d’administration de l’école Polytechnique avait voté l’accord final instituant la possibilité pour le géant du pétrole de s’implanter directement au cœur du campus de l’établissement. Depuis ce jour, Total est ainsi habilité à construire un centre de recherche et développement de 12 000 m2 au sein même de l’école, afin d’y mêler plusieurs centaines d’employés du groupe et des étudiants et les faire travailler ensemble à certains projets de recherche.
 
Le PDG qui souhaite repeindre en vert sa multinationale n’a donc pas froid aux yeux quand il s’agit de laver l’image de la marque. Après avoir annoncé « une entreprise à zéro émission nette en Europe d’ici à 2050 » en mai dernier, il conduit le projet Galaxy visant à délocaliser ses activités de raffinage à l’étranger pour des questions de rentabilité. Des objectifs impliquant la fermeture de certaines raffineries et de la suppression d’emplois dans d’autres, comme à Grandpuits où les travailleurs ont fait 50 jours de grève pour se battre contre la suppression de 700 emplois. En parallèle, la multinationale poursuit ses bisbilles avec les plus grands régimes dictatoriaux au monde, comme au Myanmar ou au Tchad où Total souhaite conserver ses intérêts pétroliers sous la protection de la junte militaire.
 
Un groupe qui aimerait repeindre de vert le sang qu’elle a sur les mains, mais qui peine à convaincre la jeune génération qui tient en grippe les gros pollueurs et qui a soutenu les travailleurs de Grandpuits en grève contre le greenwashing. Pas étonnant donc, que le PDG élu au Conseil d’Administration d’une grande école d’ingénieurs ne se prive pas pour forcer la main des étudiants du campus de Polytechnique afin qu’ils travaillent de concert au sein du centre de recherche et de développement Total en quête de profits.
 
Edina Ifticène, chargée de campagne pétrole chez Greenpeace France, explique ainsi que Patrick Pouyanné souhaitait « s’accaparer les cerveaux des décideurs de demain, de ces étudiants de plus en plus réticents à travailler dans le secteur des fossiles et continuer à asseoir l’acceptabilité sociale de son entreprise ». En parallèle de la plainte pour prise illégale d’intérêts, les anciens étudiants de l’association La Sphinx contestent en Justice la décision du 25 juin dernier ayant validé le projet initial.
 
En effet, si le PDG risque cinq ans d’emprisonnement pour l’infraction supposément commise, c’est aussi la complicité politique du Conseil d’administration de l’école ainsi que le fonctionnement des conseils centraux des établissements du supérieur qu’il faut questionner. Alors que seuls trois étudiants sont élus au Conseil d’administration, les ministères de l’armée, de l’industrie, de la recherche, de l’économie et de l’enseignement supérieur ont chacun un représentant. À leurs côtés, Pouyanné n’est pas le seul PDG pourvu d’un mandat : Thales, Airbus, Blablacar ou encore KMD ont chacun leur représentant patronal au sein du conseil central de l’établissement.
 
Une composition qui exprime d’elle-même le rôle stratégique des universités et établissements du supérieur pour les grands groupes : recruter la main d’œuvre, influer sur la gestion de l’enseignement et mettre au service de leurs profits la recherche scientifique. Et si le PDG de Total s’est fait prendre la main dans le sac, la frontière est fine entre infraction pénale et ingérence souhaitée par la bourgeoisie des entreprises dans les universités.
 
Depuis la LRU en 2007 instituant la possibilité pour des personnalités extérieures à l’université issues des entreprises, des PDG s’assoient aux conseils centraux des établissements universitaires pour y défendre les intérêts du patronat et avoir un droit de regard direct sur la gestion de sa future main d’œuvre. Dans le même sens, les étudiants sont sous-représentés au sein de ces conseils par rapport à leur poids au sein de l’université, ce qui s’exprime encore une fois dans le fait qu’une association étudiante de l’école Polytechnique ait porté plainte contre l’élu Pouyanné et contesté la validité de la décision du 25 juin 2020.
 
L’école prestigieuse apparaît donc comme la pointe avancée de ce processus anti-démocratique. Et le scandale initié par la création d’un centre de recherche made in Total a le mérite de démasquer l’aspect purement réactionnaire et islamophobe de la rhétorique du gouvernement quand Vidal s’en prend à l’indépendance de la recherche pour mieux s’en prendre aux études sur le genre et la race, mais certainement à la recherche adaptée aux besoins du patronat.


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