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Cheminots, usagers, même combat pour le service public – Partie 16

La vraie raison de la dette : la SNCF, vache à lait du gouvernement et du privé

Dans le cadre de notre campagne pour le service public, aujourd’hui Révolution Permanente se penche sur un sujet sensible qui a animé l’hiver et le printemps 2018 : la dette de la SNCF. Souvent rattachée par la presse bourgeoise aux cheminots et « leurs avantages », qu’en est-il pour le gouvernement et la direction de la SNCF ?

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Le prétexte majeur affiché par le gouvernement Macron pour privatiser la SNCF est sa dette colossale (50 milliards d’euros environ) – signe, d’après eux, d’une mauvaise gestion, du caractère obsolète de sa structure, nécessitant une réforme pour « assainir » une situation qui n’était plus viable. Outre le fait que la SNCF ait contracté cette dette à la demande des gouvernements successifs ; et que cette dette était totalement remboursable sans réforme comme démontré dans un précédent article, il conviendrait de se pencher également sur la gestion financière de l’entreprise – et notamment ses liens commerciaux avec le secteur privé.

Une dette qui arrangeait les différents gouvernements

Depuis la mise en place des critères de Maastricht, les gouvernements qui se sont succédé voulaient correspondre au plus près aux exigences de l’Europe en termes de déficit, sans toutefois y réussir totalement…

Comment briller devant les autres nations, si l’on ne peut pas financer de grands projets nationaux afin d’éviter de s’endetter plus, comme pour les lignes à grande vitesse (LGV) notamment ? La réponse a été simple : demander à la SNCF, entreprise nationale publique, de s’endetter à la place de l’état. Et ce jusqu’à ce que Macron utilise ce déficit abyssal contre l’existence même de l’entreprise.

Il est clair que 50 milliards de dette coûtent cher en paiement d’intérêts (un milliard par an environ), ce qui nuit au remboursement du capital – mais il y existe d’autres raisons.

Une rentabilité gagnée sur la santé des cheminots !

En 30 ans, la politique de réduction des coûts, et surtout de gains de productivité des cheminots et de suppressions de postes, a porté ses fruits et a rendu l’entreprise plus rentable – au moins sur certains secteurs. D’autres secteurs, comme le fret, ont quant à eux été totalement sabrés.

Aujourd’hui, depuis plusieurs années, la SNCF reverse annuellement des bénéfices à l’État et ce malgré l’argument des grèves qui soi-disant plomberaient ses finances. Et le gouvernement empoche l’argent, sans l’affecter au remboursement d’une dette qu’il a créée… Ce qui est évident, c’est que le mal-être des cheminots va grandissant au fur et à mesure de l’application de cette politique de rentabilité à tout prix !

Des prestataires qui se gavent

Alors, avec cette politique drastique, comment se fait-il que la dette ne soit pas plus vite remboursée ? Il apparaît clairement que les entreprises de sous-traitance n’ont pas trop à se plaindre de leurs contrats avec la SNCF…

Nous avons déjà dénoncé les contrats de gardiennage notamment, qui ne sont pas toujours respectés, mettant en danger usagers et cheminots, sans que des pénalités ne soient appliquées – notamment pour l’accompagnement des trains de nuit avec des ADS (agents de sécurité) qui ne sont pas présents, ou pas en nombre suffisant.

Il n’est pas rare également que des prestations de nettoyage soient payées sans être effectuées, ou payées 2 fois, sans qu’aucun contrôle ne régularise la situation… Bon, ce n’est pas une gestion saine, mais ce ne sont pas non plus ces sommes dérisoires qui vont rembourser les 50 milliards ; il y a bien pire.

Des bétonneurs qui n’hésitent jamais à s’entendre

Cela a été prouvé à maintes reprises et même constaté en justice : les bétonneurs français s’entendent comme larrons en foire, et les entreprises publiques sont souvent les dindons de la farce ! Un logiciel de trucage des devis, générant une augmentation aléatoire des postes de dépense pour l’entreprise devant perdre le marché, a même été trouvé par la justice. Une vision très pratique des choses pour établir des devis perdant sans dépenser un centime. C’est beau l’amitié…

La SNCF a fait officiellement les frais de ces pratiques illégales et a même fait condamner ses prestataires pour entente illicite en 2012. Les bétonneurs, dont Bouygues et consorts, ont été condamnés à payer 120 millions d’euros pour la ligne du TGV Nord ! Le bureau national de la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) avait signalé à la SNCF ses soupçons concernant cette ligne de TGV riches en ouvrages d’art mais dont le coût lui avait semblé nettement surestimé.

Peu de temps après, le même service de l’État signale à la SNCF que le tronçon enterré de la ligne de RER E Eole, entre Haussmann et Magenta, a certainement fait l’objet du même type de malversation et invite l’entreprise publique à ester en justice pour faire valoir ses droits. Pourtant, la SNCF n’en fera rien… pour la simple et bonne raison que la SNCF est toujours en contrat avec les mêmes entreprises pour le tronçon suivant du RER E, qui relie Haussmann à La Défense, en souterrain également, pour ensuite raccorder avec la ligne J et desservir jusqu’à Mantes-la-Jolie.

Comme le soulignait Le Canard Enchaîné, la SNCF ne souhaiterait donc pas se fâcher avec ses sous-traitants, même si cela lui coûte plusieurs centaines de millions d’euros… Là, nous ne parlons plus de « menue monnaie » mais de sommes très conséquentes qui ne passent pas inaperçues dans un budget, fut-il celui de la SNCF, ou même d’un État !

Une volonté politique ?

On sait très bien que ce type d’entreprise, les gros entrepreneurs de travaux publics couramment appelés « bétonneurs », sont proches du pouvoir et certainement encore plus proches d’un « président des lobbys » comme Macron, dont ils ont probablement abondamment financé la campagne.

Il est donc fort possible que cette docilité à se faire plumer soit une volonté du pouvoir, plus que de l’entreprise publique en elle-même. Il conviendrait de se poser la question du coût total de ces pratiques illégales pour la SNCF aujourd’hui que tout est sous-traité et externalisé, comme l’entretien de certaines rames jadis effectué en interne, ou la rénovation des voies jadis effectuée par des cheminots ?

Après tout, l’entente sur la construction des LGV n’est sans doute que l’arbre qui cache la forêt. Combien de centaines de millions d’euros ou même de milliards pour l’ensemble des travaux effectués sur le territoire pour la SNCF par des entreprises peu scrupuleuses, pour utiliser un euphémisme ?

Ce qu’il semble intéressant de retenir, c’est que le ferroviaire est subventionné à hauteur de 10 milliards par an seulement, par rapport au choix politique de privilégier la route avec 25 milliards par an (dont une partie va aux sociétés d’autoroute, pourtant nettement bénéficiaires).

Il faut aussi retenir que cet argent appartient au contribuable, qu’une partie va dans la poche de criminels qui s’entendent pour escroquer l’entreprise publique, et qu’ensuite, on utilise cette "mauvaise gestion" pour justifier la casse d’un service public très utile aux français - qui le regretteront certainement (et d’autant plus aujourd’hui avec le défi écologique), et même justifier la vente d’entreprises bénéficiaires comme ADP et FDJ…

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