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1871

La commune de paris au lycée : des programmes orientés, des événements occultés

Quand on évoque le marxisme au lycée, on en vient vite à Staline, et le raccourci est rapidement trouvé : le Communisme, c’est 20 millions de morts. La nature humaine étant ce qu’elle est, mieux vaut préférer notre chère démocratie, bien qu’imparfaite, à un système voué dès le début à l’échec. Bien sûr, on évoque rarement les mesures sociales prises par Lénine, comme le droit à l’avortement gratuit ou la dépénalisation de l’homosexualité. La Commune de Paris fait aussi partie de ces épisodes de l’Histoire peu évoqués à l’école. On passe dessus rapidement en quatrième. Et encore, si on a le temps. Car on réduit le nombre d’heures pour surcharger les programmes. Logique.

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On garde de la Commune l’image d’un Paris révolutionnaire, engagé, militant… Malgré les excès de cette fougueuse populace, qui a exécuté une centaine d’otages. Et comme héritage, la laïcité, présentée comme une grande œuvre de la troisième République, ô combien représentative de nos valeurs !

Revenons sur cet épisode méconnu d’utopie qui dura 72 jours. 

En 1871, c’est la guerre contre Bismark. L’armée française est défaite rapidement, et Paris est assiégé, entrainant la chute du Second Empire. C’est dans ce contexte que la troisième République est proclamée. Mais rapidement, les conditions difficiles imposées par le siège et la famine entrainent une révolte populaire. Le 18 mars, une foule de 4000 personnes, dont de nombreuses femmes, s’emparent des canons rangés au sommet de la Butte Montmartre et gardés par l’armée. L’institutrice Louise Michel témoigne : « Tandis que le général Lecomte commende « Feu sur la foule ! », un sous-officier sortant des rangs crie « Crosse en l’air ! ». Les soldats obéissent. La révolution était faite ». 

Vivre sous la Commune de Paris

Dans les semaines qui suivent, la vie s’organise dans Paris aux mains des insurgés, tandis que le gouvernement de Thiers se réfugie à Versailles. La liberté de la presse est décrétée pour la première fois, les journaux sont nombreux et reflètent les divergences d’opinion face au nouveau gouvernement formé. Les ateliers abandonnés sont repris par les ouvriers qui s’organisent en coopératives. C’est le début de l’autogestion. On décrète la gratuité des actes administratifs comme les testaments ou les mariages (par consentement mutuel) ainsi que les services des avocats et notaires, désormais pris en charge par l’Etat. Tout le monde peut donc recourir à un avocat en cas de procès, et pas uniquement les plus aisés. Par ailleurs, on crée une inspection des prisons. Les logements vides sont réquisitionnés au profit des sans-abris et victimes des bombardements, tandis qu’une pension est versée aux blessés, veuves et orphelins. Face aux difficultés d’approvisionnement imposées par le siège de Paris, des cantines municipales sont ouvertes.

Pour remédier aux problèmes de l’administration de la Commune, des Clubs populaires s’ouvrent un peu partout, souvent dans les églises, qui sont ouvertes à cet effet la nuit, entre 17h et 5h. Ce sont des lieux de politisation où se tiennent des débats ouverts, la démocratie directe y est appliquée. Il s’agit d’y pratiquer « l’enseignement du peuple par le peuple ». Les femmes jouent aussi un rôle important et ouvrent leurs propres clubs, généralement autour de revendications sociales, comme la possibilité d’avoir un travail à domicile. Des concerts populaires sont organisés aux Tuileries pour recueillir des secours pour les veuves et les orphelins. Les artistes s’organisent en fédération, les ouvriers fréquentent les chorales et les cours de chant.

En ce qui concerne le travail et les droits démocratiques, on décrète la fin des privilèges des fonctionnaires. Ainsi, employés de la justice, de l’enseignement et de l’administration reçoivent le même salaire que les ouvriers, sont élus au suffrage universel et ne peuvent plus cumuler les fonctions. Le travail des boulangers la nuit est également suspendu, même si cette mesure fut contestée : les Parisiens voulaient leur pain frais le matin ! On vote également la suppression des amendes sur les salaires. Des élus sont placés à la tête de neuf commissions : justice, travail, finances, enseignement… Dans ce cadre, l’égalité de salaires entre instituteurs et institutrices est instaurée, dans une école désormais laïque, gratuite et obligatoire. Le projet est de mettre en place un enseignement intégral, de promouvoir la culture et l’apprentissage d’un métier la fois, afin de casser la séparation entre le travail manuel et intellectuel. Un peu comme si on supprimait aujourd’hui la distinction entre filière générale et filière professionnelle.

De nombreux étrangers rejoignent la cause de la Commune, ils y sont admis selon le mot d’ordre internationaliste de la « République universelle ». 

Une répression sanglante

Pour avoir osé défier le pouvoir en place et la classe dominante, le châtiment se révèle des plus sévères. Thiers tente sans succès d’enrôler des volontaires de province, puis parvient à constituer une armée avec la complicité de la Prusse. Celle-ci entre dans la capitale le 21 mai 1871, et effectue une « entreprise générale de balayage parisien », pour reprendre le cynisme du Figaro de l’époque. Les combats durent sept jours. Une fois les barricades forcées, personne n’est laissé vivant. Les Versaillais bombardent Paris depuis le Mont-Valérien, générant de nombreux incendies. C’est dans ce contexte que le décret des otages est appliqué. Il s’agissait d’une mesure défensive prise sous la Commune, face aux Versaillais : pour un Communard tué, trois otages exécutés. L’application de ce décret a été repoussé jusqu’au dernier moment. Le bilan sera d’une centaine de morts. De l’autre côté de la barricade, ce sont 30 000 personnes au total qui ont été massacrées par la République. Tout homme suspecté d’avoir soutenu d’une manière ou d’une autre le gouvernement de la Commune était immédiatement exécuté, sans procès, parfois à la mitrailleuse, que les parisiens appelaient « le moulin à café ». Les autorités ont ensuite procédé à une rafle qui a permis d’arrêter plus de 40 000 personnes innocentes. Face à cet afflux, les tailles des prisons qui existaient étaient dérisoires. Les survivants ont été jugés jusqu’à 6 ans après les faits, condamnés à mort, déportés en Nouvelle Calédonie, emprisonnés ou contraints aux travaux forcés. Parmi eux, plus de 500 enfants. Le Sacré-Coeur a ensuite été construit en haut de la Butte Montmartre, point de départ de l’insurrection, pour « expier les pêchés de la Commune ». 

Quelques vestiges aujourd’hui 

La lutte commémorative s’ouvre avec le retour des Communards déporté, qui forment la « Fraternelle des Anciens Combattants de la Commune ». La Place de la Commune de Paris, dans le 13ème, sera inaugurée pour les 130 ans de la première révolution prolétarienne. Ironie ou cynisme, le Square Louise-Michel a été inauguré en 2004… en face du Sacré-Coeur !
Le Mur des Fédérés, où ont été tués 147 Communards à la fin des combats, est devenu un lieu de recueillement pour toute la gauche. Si certaines mesures très progressistes ont été récupérées par la suite, la féroce répression du mouvement révolutionnaire qui en est la source est la preuve que seules les luttes peuvent faire évoluer les choses, et que seule une lutte victorieuse peut les faire changer durablement. 


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