La lutte des AED

La colère gronde dans les Vies Scolaires

Igor Krasno

La colère gronde dans les Vies Scolaires

Igor Krasno

Le mardi 1er décembre, les équipes de vie scolaire (assistants d’éducation AED et conseillers principaux d’éducation CPE) de nombreux collèges et lycées partout en France ont participé à une journée nationale de grève. Malgré le silence assourdissant des médias sur l’événement, c’est une grève historique qui s’est ainsi déroulée début décembre.

Crédits photo : Thomas SAMSON / AFP

En effet, les initiatives qui permettent à ces travailleurs de l’éducation d’exprimer leur revendications spécifiques sont assez rares : la dernière mobilisation de ce secteur remonte à quelques années et n’avait pas manifesté une telle radicalité et un tel investissement.

Pourtant, ces salariés de l’éducation nationale participent très souvent aux mouvements qui ébranlent le secteur de l’éducation et aux mobilisations contre les réformes structurelles que le gouvernement tente de mettre en place depuis plusieurs années.

Déjà pendant les grèves contre la réforme des retraites, marquée par une mobilisation massive des travailleurs des transports, des soignants, des agents territoriaux et des enseignants, la mobilisation des AED avait rendu impossible l’ouverture de certains établissements scolaires. En effet, lorsqu’une mobilisation rassemble les AED, les enseignants et les agents, les administrations se retrouvent concrètement dans l’incapacité d’accueillir les élèves

Ce n’est donc pas un fait nouveau que les AED fassent partie de cette frange radicalisée de travailleurs qui veulent en découdre avec un système qui les précarise. Ce même système ne leur permet pas d’exercer dans de bonnes conditions un métier pourtant déterminant dans le fonctionnement des établissements scolaires.

En plus d’être, avec les AESH (Accompagnants des élèves en situation de handicap), les travailleurs de l’éducation les moins bien rémunérés du secteur, ils doivent s’acquitter de plus en plus de tâches sans qu’aucune revalorisation ne soit envisagée. Par ailleurs, ils occupent, dans le cadre de la crise sanitaire, une place qui les met particulièrement en danger du fait de la proximité qu’ils ont avec le public des établissements.

En s’inspirant de la radicalité des gilets jaunes, ces travailleurs, souvent jeunes, montrent que malgré la précarité de leur situation (contrats précaires, pas de sécurité de l’emploi), il est possible de créer un mouvement large qu’ils dirigent eux-mêmes. La dangerosité des conditions de travail et la désorganisation générées par la pandémie ont créé une occasion de revendiquer des augmentations de salaires et des embauches massives que les directions syndicales étaient prêtes à laisser passer. Mais les vies scolaires ont bien montré qu’ils n’allaient pas se laisser faire.

Igor Krasno pour RP Dimanche a rencontré trois AED qui ont participé à la mobilisation du 1er décembre. Damien ex-AED de la région de Bordeaux, Mélania AED dans un collège rural de Gironde et Esther AED en région parisienne.

IK : Pouvez-vous nous expliquer comment s’est organisée cette journée de grève : comment en est-on arrivé à cette journée nationale ?

Mélania : Je pense que pour tous les AED de France, le constat est le même. Nos conditions de travail se sont dégradées au fil des années faute de moyens, et notre simple tâche de surveillance est aujourd’hui loin dernière nous, tant nos missions sont diverses et variées. Pourtant, nous avons encaissé en silence. Nous avons ensuite subi les plans vigipirates et les protocoles sanitaires. Lors des mouvements de grève, ce sont les AED doivent qui doivent gérer les élèves quand les professeur font grève et ce, sans broncher.
Nous nous pensions seul.es, submergé.es, accablé.es, fatigué.es et acculé.es…

Mais des voix se sont élevées, fortes, nombreuses et persistantes. Le 10 novembre dernier, la mobilisation des vies scolaires a été importante dans de nombreux *EPLE, notamment dans le réseau d’éducation prioritaire. Dans l’académie Aix-Marseille, une nouvelle journée de grève a été appelée le 19 novembre dernier. Plusieurs collectifs d’AED ont alors vu le jour, s’ajoutant à ceux déjà en lutte. Certains AED ont participé aux mobilisations contre la réforme des retraites, puis contre la réforme du BAC.

Nous avons construit ensemble en nous appuyant sur les expériences personnelles de chacun. Il est clair que la colère et l’indignation sont communes et la motivation collective. Après tout, avec 80 % de collègues en temps partiel, cela nous laisse pas mal de temps pour communiquer et travailler à une coordination.

Esther : Cela fait bien longtemps que les AED se mobilisent aux côtés des autres travailleuses et travailleurs de l’éducation nationale, mais nous sommes presque toujours invisibilisé-e-s et nos revendications en propre sont peu entendues. L’année dernière déjà, pendant la grève des retraites, beaucoup d’AED étaient mobilisé-e-s, ce qui leur a permis de se rencontrer et de se constituer en collectifs locaux.

Depuis la rentrée, nous sommes en première ligne face au coronavirus, et en première ligne aussi pour appliquer le protocole sanitaire ridicule de Blanquer, c’est aussi ça qui a fait monter les colères. C’est ainsi que les collectifs locaux de l’année dernière ont recommencé à s’organiser, à la base pour construire cette grève. A l’origine, c’est parti des AED de Marseille qui ont fait une journée d’action assez impressionnante en allant devant de nombreux établissements. Suite à ça, ils ont posé une journée de grève à laquelle ils ont appelé nationalement, en faisant pression sur les syndicats pour qu’ils suivent. Dès lors, dans beaucoup d’autres villes, cette grève a été suivie et construite par la base. Finalement, cette grève a été beaucoup suivie, notamment en région parisienne et ce, justement grâce à tout le travail fournis par les AED eux-mêmes.

Damien : Il faut tout d’abord comprendre que les Vies Scolaires et les AED sont des personnels qui sont difficilement mobilisables dans la lutte pour leur droit de par la précarité de leur situation. Ils signent 1 CDD par an sur une durée maximale de 6 ans. Pourtant, tous s’accordent à dire que leur métier « non reconnu » et aux tâches multiples est indispensable. Leur expérience précieuse est gâchée avec cette règle absurde.

Ce mouvement massif a commencé début Novembre dans les académies de Marseille et Paris, alors que les équipes de vies scolaires subissaient de plein fouet la charge de travail dû à l’application du protocole sanitaire. L’appel à la grève du 10 Novembre a été fortement suivi dans ces Académies. Encouragés par ce succès, des collectifs sont alors nés un peu partout en France et ont commencé à échanger sur leur métier et à s’organiser nationalement. Et dès la nouvelle journée de grève du 19 Novembre, où les revendications se consolidaient déjà, beaucoup d’entre nous étions d’accord pour continuer et faire entrer la lutte des AED dans un rapport de force s’inscrivant dans la durée.

I.K. : Quels outils ont été utilisés pour permettre à la mobilisation d’adopter un caractère national et pas simplement local ?

Mélania : Pour le collectif AED&AP 33, la démarche, s’inspirant du Collectif AED du VAR, a été de mettre en place une campagne de phoning aux vies scolaires du département, à l’intention des AED de Gironde, à des fins de diffusion de l’information et de collecte de données, suivi d’un mailing d’appui. Enfin, nous nous sommes appuyés sur le réseau social facebook, très populaire, pour communiquer. A l’initiative des organisateurs et sur demande des membres, une AG s’est déroulée avec le soutien des syndicats. Le SNES-FSU et Educ’action (CGT) ont réussi à obtenir pour nous un rendez-vous avec la direction du rectorat à la suite de cette AG, à laquelle ils ont également participé. La FCPE a été contactée et a appuyé notre combat, un communiqué de presse a été envoyé au journal Sud-Ouest.

Esther : A Paris par exemple, un collectif d’AED a pris le temps de recenser les numéros des vies scolaires de Paris et région parisienne et de les appeler pour leur parler de la grève et les inviter à se joindre à nous.

Je pense que ce qui a permis de faire une mobilisation nationale c’est déjà la coordination, les différents collectifs d’AED des différentes villes se sont rapidement mis en contact, ce qui a permis de suivre un peu ce qu’il se passait ailleurs et de se coordonner autour d’une date. Je pense que c’est aussi le raz-le-bol général, tout comme le fait de voir passer les mobilisations lycéennes et les mobilisations dans l’éducation nationale mais également toutes celles qui ont lieu en ce moment. C’est aussi ça ce qui a donné la force aux AED de se dire que, nous aussi, on devait être entendus.

Damien : Si des plates-formes internet ont été créées comme sur « Discord » ou que des pages d’AED ou AESH qui existaient depuis des années ont été réanimées, l’essentiel du travail a néanmoins été fait au sein des collectifs. Avec une campagne de mailing et de phoning d’envergure inédite et très efficaces, les différentes Vies scolaires qui se sentent souvent isolées ou trop faibles pour agir, étaient en grève ce 1er Décembre. Cela a aussi donné un essor très important aux différentes pages internet. La communication est pour le moment notre principal outil. De plus, l’appel de l’intersyndicale a joué un rôle déterminant en couvrant chaque personnel AED, AP AESH exerçant leur droit de grève. Les collectifs l’ont largement utilisé pour mobiliser les vies scolaires les plus timides.

IK : Quel constats ont été fait lors des AG locales ?

Mélania : Les constats généraux qui ont été faits sont les suivants :

  •  La nécessité de revendiquer du commun et faire front collectivement en représentant bien tous les types d’EPLE : écoles, collèges, LGT, LP, lycées agricoles, lycées maritimes, **EREA, et tous les types de territoire : rural, urbain : centre-ville, périphérie et REP-REP+, Outre-Mer
  •  Le manque de reconnaissance. L’excuse du « contrat étudiant » ne tient plus, trop éloignée de la réalité du terrain. Moins de 30 % des AED embauchés sont étudiants, la moyenne d’âge est de 38 ans, la plupart sont surdiplômés et 80 % d’entre eux sont en temps partiel. Les collègues sont remerciés après 6 années de bons et loyaux services, alors qu’ils ont perfectionné leurs pratiques professionnelles des années durant, qu’ils se sentent enfin à l’aise dans l’exercice de leur fonction et aiment leur métier. Des départs que déplorent pourtant plusieurs directions et équipes pédagogiques.
  •  Le manque d’effectifs dans les équipes de vie scolaire, AED comme CPE, particulièrement ressenti quand des collègues sont absents. Mais aussi dans le corps enseignant et les personnels de santé : AESH, infirmier.es/médecins scolaires, PSYEN, AS... Ce qui entraîne forcément une polyvalence de notre part afin de pallier au manque. Nous faisons face à l’urgence, la violence, la détresse et la misère tous les jours, et sommes laissés seuls face aux responsabilités de surveillance et de sécurité des élèves. La simple tâche d’encadrement et d’accompagnement est parasitée par une multitude d’autres missions. Comme le périmètre d’action des CPE s’est élargi : administratif, management, éducation ; celui des AED aussi de fait. AED est devenu un métier à part entière.
  •  Le manque de moyens : des infrastructures (type d’architecture, vétusté des locaux, agencement des espaces) en passant par le manque d’outils numériques (réseau interne, ENT/Pronote, matériels informatiques) et de communication (NUMEN, adresses électroniques académiques, accès aux informations administratives et syndicales internes et externes à l’EPLE…), rien n’est fait pour nous simplifier la tâche. Ni pour nous informer.
  •  Le manque de formation. Difficile de tout gérer quand on vous force à sauter seul dans le grand bain sans avoir appris à nager. Rares sont les formations préalables, les collègues et CPE étant trop débordés. Les moyens d’accès au droit à la formation ne font pas l’objet d’une communication particulière.

    IK : Quelles étaient les revendications de cette mobilisation ?

    Mélania :

  •  Création d’un statut d’éducateur scolaire :
    . CDIsation-titularisation
    . Augmentation de la rémunération, baisse du temps de travail, droit d’accès aux primes et revalorisation de carrière et salaire via l’ancienneté.
    . Accès à la formation, au droit à la formation et à la VAE
    . Création d’une fiche métier avec détail des missions et des compétences
    . Recrutement académique pour une meilleure protection face à la direction
  •  Augmentation/réévaluation du nombre de personnels dans les établissements :
    . Instauration du principe de quotité
    . Création d’une équipe mobile de remplacement
    . Recrutement massif d’AED
    . Embauche massive d’autres personnels : CPE, AESH, Infirmier.es/médecins scolaires,
    psychologues, assistant.es social.es, conseiller.es d’orientation, enseignants…
    . Plus de moyens dans l’ensemble pour l’EN

    Esther : Le mot d’ordre central de cette mobilisation était : « NOUS NE SOMMES PLUS VOS PIONS ». De fait, comme il n’y a pas eu de vraie coordination, les revendications de la mobilisation étaient assez larges selon les personnes. Mais si nous étions si nombreux, c’était surtout pour demander des conditions de vie et de travail décentes, alors même que notre rôle est plus qu’essentiel au bon fonctionnement des établissements et que nous sommes en première ligne face au coronavirus

    Ainsi nous demandions avant tout des embauches et moyens pour pouvoir faire correctement notre travail, sans devenir des assistantes sociales, infirmières, ou encore dame de cantine.
    Nous demandons une hausse des salaires et la révision de nos contrats et statuts, qui à l’heure actuelle sont précaires. Nous demandons également d’avoir accès, au même titre que les professeur-re-s, à la prime REP et REP +.

    Nous étions également là pour dénoncer la répression qu’ont subie les lycéen-ne-s mobilisé-e-s contre le protocole sanitaire.

    Damien : Les revendications mises en lumière aujourd’hui, sont les mêmes depuis des années : la titularisation des AED ; la création d’un statut d’éducateur-trice scolaire, la baisse du temps de travail, une revalorisation des salaires après 17 années sans évolution, la révision des méthodes de calcul pour les dotations de postes d’AED, le renforcement des effectifs dans les établissements, une formation tout au long de la carrière, l’accès aux primes (Notamment REP et REP+).
    Ce qui est nouveau c’est que l’on voit bien aujourd’hui qu’elles sont majoritaires parmi celles et ceux qui sont AED.

    De l’extérieur, on peut être étonné du point jusqu’auquel cette initiative a été suivie, était-ce une surprise pour vous aussi ?

    Mélania : Oui et Non. Oui puisque l’administration cherche à nous isoler les uns des autres. Par exemple, beaucoup d’entre-nous n’ont pas accès à leur boîte mail académique, sur laquelle sont diffusées les infos syndicales mais aussi administratives. Certains doivent composer tous les jours avec des pressions hiérarchiques et la peur de l’avenir. Et non, puisqu’en passant des coups de fil, je me suis rendu compte que créer du lien, se mettre en contact comme cela, spontanément, c’était comme une thérapie. Pour moi d’abord, et pour mes collègues aussi. Nous avons parfois passé une demi-heure au téléphone à comparer nos conditions de travail et à enfin oser parler de ce que l’on ressent. C’est beau et ça fait du bien. Surtout durant cette période si particulière où le lien social est mis à mal. Plus vous appeliez loin de chez vous (24,86,23,09...) plus les collègues sont surpris de l’ampleur de la mobilisation et se sentent enfin entendus et soutenus.

    Esther : Pour ma part, je suis AED seulement depuis cette année, et donc je connaissais peu ce secteur. Pour avoir vu la préparation de cette date et les conditions de travail des AED depuis la rentrée, je ne peux pas être étonnée de voir comment cette initiative a été suivie parce que sincèrement il était temps que nous relevions la tête comme ces nombreux secteurs où la jeunesse travaille, comme par exemple à Biocoop ou à Chronodrive.

    Damien : Pour moi cela fait 6 ans avec quelques AED que nous luttons et communiquons sur ces revendications. Nous sommes ravis de voir tous ces collègues se joindre à nous. Alors c’est peut être une surprise de voir que ce n’est qu’à l’occasion de cette crise sanitaire et de ces conséquences sur le surcroît de travail que, si ce n’est l’ensemble, une majorité des précaires de l’EN prend conscience de ses conditions et revendique d’en changer. C’est plutôt une belle surprise.

    IK : Qu’est-ce qui a fait que certains de vos collègues n’ont pas participé à cette grève ? Qu’est-ce qui pourrait les convaincre à l’avenir ?

    Esther : Globalement, ce qui revenait le plus quand les vies scolaires étaient appelées pour parler de la grève c’est que tout le monde était d’accord et soutenait cette grève. Ce qui a bloqué, je pense, pour certain-e-s collègues, c’est la question du salaire. Pour la plupart, en tout cas à Paris, nous sommes des étudiant-e-s précaires pour qui chaque euro compte donc c’est vrai que même si ils nous soutenaient, ils nous disaient clairement qu’ils ne pouvaient pas se le permettre. La pression collective a également joué : c’est plus facile de se mettre en grève quand dans ton équipe tu as une personne syndiquée qui va te motiver ou si toute la vie scolaire de ton établissement fait grève.

    Pour convaincre les gens de faire grève massivement je pense que le principal enjeu repose sur la nécessité de construire une vraie grève par la base en se coordonnant et en s’organisant. Par exemple, sur la question des salaires, il est possible de mettre en place des caisses de grève qui peuvent aider à couvrir une partie du salaire perdu pour les plus précaires. C’est aussi la nécessité de construire un vrai rapport de force et une vraie coordination nationale pour donner de la force et de la crédibilité au mouvement, et cela passe aussi par la construction de vraies AG locales dans lesquelles les AED peuvent se retrouver, discuter et préparer la grève.

    Mélania : Déjà, il y a ce problème d’isolement, voulu par l’administration qui en profite pour faire accepter des conditions de travail toujours plus mauvaises. Cependant, il me semble aussi que la propagande et la censure médiatique battent leur plein. Beaucoup n’ont pas eu l’info, la couverture médiatique étant soit inexistante soit complètement hors-sujet. D’autres se demandent comment ils vont pouvoir finir le mois s’ils participent aux journées de grève. Il faut qu’ils sachent que nous avons tout un panel de solutions financières à leur proposer. Enfin, des collègues (et c’est aussi mon cas) subissent de plein fouet les retombées de cette mobilisation dans leur établissement. Il faut donc être solide car la perfidie du ministère et des directions est sans limite. Moi, j’ai de la chance d’avoir des collègues profs, aesh et aed, qui, tous les jours, me murmurent leur soutien à l’oreille. Voyez comme eux aussi ont peur, puisque leur prise de position n’est jamais publique.

    IK : Quelles sont les perspectives pour la suite de cette mobilisation ?

    Esther : Pour l’instant les perspectives sont encore floues. Quand certain-e-s parlent d’une grève reconductible à partir de janvier, d’autres pensent à faire un rassemblement après le travail donc c’est vrai que tant que nous n’avons pas construit une vraie coordination, c’est compliquer de prévoir, mais c’est en train de se constituer et donc il faut voir ce que l’on décidera mais je ne pense pas que ça s’arrêtera là ! Par ailleurs, jeudi 17 décembre, les collectifs Vie scolaire en Colère appellent l’ensemble des AED à rejoindre les grévistes de la RATP sur leurs piquets de grève

    Mélania : Nous travaillons d’arrache-pied à une coordination nationale des collectifs départementaux. Nous continuons à solliciter les syndicats. Nous nous rapprochons de la presse et des responsables politiques. Nous communiquons avec la FCPE et bientôt nous l’espérons, avec les syndicats étudiants et lycéens. Le gouvernement macroniste va bientôt recevoir un beau et gros cadeau de Noël de la part des AED et des personnels de l’Education Nationale !

    IK : D’après vous, qu’est-ce qui est nécessaire à la poursuite du mouvement ?

    Mélania : La COMMUNICATION : ça a toujours été le nerf de la guerre. Contrer la propagande macroniste n’est pas une mince affaire. Et puis, la solidarité et l’entraide au travers de convergences. Plus on est de fous, plus on rit. Ensemble, nous sommes forcément plus forts.

    Esther : Je pense que si c’est un embryon de coordination nationale qui a permis cette grève, il faudrait établir de vraies AG locales et une vraie coordination nationale qui propose un vrai plan de bataille. Cela permettrait de ne pas s’arrêter à cette journée de mobilisation, et de construire un vrai mouvement, en lien avec les autres secteurs. Je pense aussi que nous avons avant tout besoin de nous coordonner et de construire des vrais cadres démocratiques de mobilisation dans lesquels on peut s’organiser concrètement et articuler un plan de bataille. Je pense également, que c’est en faisant le lien avec les autres secteurs mobilisés, notamment les professeurs qui sont nos collègues que nous pourrons construire un vrai mouvement sérieux.

    IK : En tant qu’AED vous occupez une place centrale dans la vie de l’établissement, d’après vous de quoi a besoin l’école, est-elle en péril ?

    Mélania : Nous avons été élèves, puis étudiants avant d’être AED. Nous sommes au coeur de l’établissement et la plaque tournante de la communication entre tous les personnels et les usagers. Alors oui, nous avons de la suite dans les idées, puisque nous sommes tous les jours témoins des dysfonctionnements du service public d’éducation. L’AED est un personnel qui est au premier rang pour combattre les difficultés scolaires et familiales, le mal-être adolescent, la misère sociale, l’absentéisme, le harcèlement scolaire et numérique, le communautarisme, le racisme, l’homophobie, le sexisme et la violence… A l’image des AED, l’école est le dernier pilier d’un Etat qui se délite. L’institution scolaire comble les déficiences des services publics de santé, du social et de la protection. Quand l’administration maltraite ses employés, elle les rend maltraitants envers les usagers. Nos enfants valent mieux que ça et nos concitoyens aussi. Nous voulons être concertés et entendus. Ce ne sont pas à de vieux énarques croulants, en costards-cravates, assis au chaud dans leur bureau de parlementaire (quand ils sont présents à leur poste !), à se goinfrer de petits fours aux frais du contribuable et qui n’ont jamais travaillé ni jamais été sur le terrain, de nous dire à nous comment nous devons exercer notre métier. Ça n’a aucun sens. Ils ne vivent certainement pas dans la même réalité que les autres 66 millions de citoyens.
    Ces personnes sont toxiques pour notre pays et pour la démocratie. Puisqu’ils ne représentent personne à part eux-mêmes.

    Damien : Il y a, en ce qui concerne les AED, une aberration qui me touche particulièrement : alors que je me suis investi dans mon métier depuis 6 ans, je suis obligé maintenant de quitter ce métier ou de vendre mes services dans le privé puisque la règle dans les établissements publiques est que le CDD d’un an, qui est mon contrat, ne peut pas être renouvelé plus de cinq fois. Or, c’est toute mon expérience qui est perdue. C’est bien que des plus jeunes aient accès à un poste, mais je ne peux même pas leur en faire bénéficier.

    Quand l’Etat décide de faire des rééquilibrages budgétaires sur le dos du personnel du service public, il le fait avec sa vision à court terme (comme il l’a également fait pour la Santé). Une vision du « prend l’oseille et tire-toi ». Combien d’argent public a-t-il été dépensé dans la lutte contre le décrochage scolaire, le harcèlement, le racisme, la violence, l’apprentissage du civisme et de la laïcité... la prévention des addictions ou du suicide ? Les grands débats actuels sur le respect des règles et de l’autorité, la bienveillance, l’inclusion, devraient faire réfléchir l’Education Nationale sur l’usage qu’elle fait de ses assistants d’éducations. Beaucoup de ces personnels ne font pas plus de trois ans soit parce qu’ils sont étudiants, soit parce qu’ils se rendent vite compte qu’ils ne sont pas faits pour ce travail qu’ils pensaient être « juste un job » ; soit parce qu’on leur propose de la stabilité ailleurs. Ces derniers le font souvent à contre-cœur.

    A côté d’eux, il y a ceux qui font leurs 6 ans avec sérieux, s’investissent pour assurer les besoins essentiels des élèves qu’ils ont à leur charge, se forment, s’inscrivent pleinement dans la vie de leurs établissements. Ces personnes avec cette formation « sur le tas » savent souvent, si ce n’est résoudre, au moins repérer et gérer des cas que même les CPE auraient beaucoup de mal à prendre en charge seuls.

    Et ceux là sont éjectés comme des pions le sont d’un échiquier. Quel gâchis !

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