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Mouvement ouvrier

La CGT esquisse un plan de bataille : faire pression sur Macron ou construire la grève reconductible ?

Ce jeudi, la CGT a appelé à deux nouvelles journées de mobilisation le 27 octobre et le 10 novembre. Mais s’agit-il de faire pression pour ouvrir des « négociations » avec Macron et le MEDEF afin d’obtenir des miettes salariales ou de construire la grève reconductible pour imposer l’indexation des salaires sur l’inflation ?

Damien Bernard

24 octobre 2022

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Crédits photo : O Phil des Contrastes / Manifestation du 18 octobre à Paris

La CGT annonce enfin un plan de bataille pour les salaires

Ce vendredi, la direction de la CGT a dévoilé son plan de bataille pour obtenir des « augmentations générales de salaires conséquentes » : après le 18 octobre, deux nouvelles journées de mobilisation nationale et interprofessionnelles, les 27 octobre et 10 novembre, sont ainsi appelées. Pour Céline Verzeletti, secrétaire confédérale de la CGT, la journée de mardi a montré qu’il « y a une dynamique » et la CGT « ne veut pas lâcher ». Pas question donc de faire une trêve pendant les vacances de la Toussaint, a commenté la dirigeante de la CGT : « quinze jours de pause c’est trop ! »

Un discours et une attitude qui tranchent avec ces derniers mois, où, malgré la vague de grèves pour les salaires, la CGT n’avait proposé que des journées de mobilisation isolées, comme le 27 janvier puis le 17 mars, avant d’annoncer une rentrée sociale très tardive le 29 septembre, sans réel appel à la grève. Étalées sur plusieurs mois, cet ensemble de dates n’avait pas permis de construire un mouvement d’ensemble pour faire face à la crise.

Finalement, après avoir quitté la table des concertations sur la réforme des retraites et appelé à la mobilisation le 18 octobre, la direction de la CGT propose pour la première fois depuis deux ans une esquisse de plan de bataille. Un tournant, réalisé sous pression de la grève des raffineurs mais aussi des batailles internes à la CGT à quelques mois du Congrès confédéral, dont on peut se réjouir mais qui pose la question du contenu de ce plan.

Un plan de bataille, c’est bien ! Mais est-il à la hauteur ?

De ce point de vue, malheureusement, la perspective proposée par la CGT ne répond pas à la nécessité de faire monter en puissance la mobilisation.

Ainsi, non seulement la date du 27 octobre se situe en plein milieu des vacances scolaires ce qui, de facto, exclue certains secteurs du monde du travail comme les enseignants ou encore les lycéens, particulièrement mobilisés le 18, mais la CGT a choisi d’appeler à cette date de façon unilatérale. Comme le pointe Rapports de force. : « la FSU, dont les troupes seront en vacances de la Toussaint, ne devrait pas participer [au 27 octobre]. Pas plus que Solidaires ou Force ouvrière avec qui la CGT avait mobilisé le 18 octobre, mais qui n’ont pas participé à l’élaboration de cette nouvelle date ».

Des éléments au vu desquels cette première date semble peu susceptible d’alimenter une « dynamique » qui ne peut se construire qu’en mobilisant autant, si ce n’est plus, que la journée du 18 octobre. De quoi faire de la journée du 10 novembre, qui pourrait être appelée par une intersyndicale, la clé du plan à venir.

Or, si celle-ci laisse un temps suffisant pour construire une mobilisation importante, cette journée, adossée à une date de mobilisation à la RATP, n’est pas conçue dans la perspective d’une grève reconductible. Il s’agit en effet d’un énième appel à une grève « carrée », qui refuse de poser la perspective de reconduction de la grève, comme en témoigne le choix du 10 novembre, veille d’un jour férié.

Dans ces conditions, le plan de bataille de la CGT ne permet pas de construire une grève reconductible large, seule capable de répondre aux potentialités de la situation ouverte par le mouvement des raffineurs et à l’urgence de la situation. Dans une situation transitoire, qui a permis de soulever l’enjeu de la généralisation de la grève, ce problème de fond correspond aux objectifs limités que se fixe la CGT.

Une stratégie de « pression » pour aller vers un « grenelle des salaires » ?

De fait, si la CGT a fait un « bougé » dans le discours, affirmant défendre « une indexation des salaires et pensions sur l’inflation », la « dynamique » de mobilisation qu’elle cherche à « entretenir » a d’abord pour objectif l’ouverture de négociations tripartites (syndicats, patronat, gouvernement) sur les salaires. Ces dernières semaines, les secrétaires confédéraux ont ainsi multiplié dans les médias les appels à un « grenelle des salaires ».

De cet objectif découle in fine une stratégie de « pression » pour des négociations sur les salaires, contradictoire avec une stratégie fondée sur la construction d’un rapport de forces maximal pour arracher, par la grève, des revendications offensives face à la crise. Or, non seulement seule ce dernier type de stratégie a historiquement permis d’obtenir des augmentations générales des salaires, mais des secteurs de travailleurs aspirent d’ores et déjà à conquérir des acquis plus importants, tels que l’indexation des salaires sur l’inflation. Évoquée par les raffineurs au cours de leur grève, cette mesure est actuellement approuvée par 87% de la population.

Dans ce cadre, tout en changeant de ton, la direction de la CGT est encore loin de montrer une disposition à combattre et de proposer un plan de bataille capable d’obtenir de telles revendications. De ce point de vue, le bilan mitigé du 18 octobre a montré que, s’il n’y a pas de « bouton rouge » pour déclencher la « grève générale » comme l’affirme souvent Martinez, la direction porte une importante responsabilité dans le moral des troupes. Sans direction résolue, prête à poser réellement la perspective d’une grève reconductible, des secteurs pourtant déterminés peuvent reculer par peur de partir façon minoritaire.

Construire une grève massive de 48h pour paralyser le pays

En ce sens, le rôle des directions du mouvement ouvrier est déterminant pour entraîner non seulement l’avant-garde mais l’ensemble des secteurs. A ce titre, il y a urgence de commencer à poser la perspective de la reconduction. Pour cela, plutôt qu’un calendrier saute-mouton et borné par les vacances ou les jours fériés, il faut s’appuyer sur les dynamiques les plus progressistes des mouvements de grève actuel, en soutenant ces mobilisations activement, et appeler à une grève de 48h qui cherche à paralyser le pays.

Deux journées consécutives de grève effective auraient l’avantage d’ouvrir un espace beaucoup plus important à la discussion entre collègues sur la question du rapport de forces, pour convaincre de la reconduction de la grève. Une telle perspective devrait être proposée avec suffisamment d’anticipation pour que, dans l’ensemble des secteurs qui le nécessitent, des alarmes sociales et des préavis de grève puissent être déposés, ce qui n’avait pas été possible le 18.

Cela aurait l’avantage de donner des perspectives mais aussi de tester les possibilités réelles qui existent pour construire une grève reconductible à vocation majoritaire. Ce serait la voie à suivre pour avancer vers une grève générale pour des augmentations immédiates de 400€ pour toutes et tous, pour l’indexation des salaires et contre les contre-réformes du gouvernement !


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