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L’exécutif sous pression : Véran reporte sa loi liberticide sur l’ « urgence sanitaire » après un tollé

Cette semaine, le gouvernement avait tenté de passer en vitesse et par décret un projet de loi sur l’état d’urgence sanitaire aux dispositions liberticides. Face au tollé général provoqué par le texte Olivier Véran a dû annoncer un recul hier soir.

Paul Morao

23 décembre 2020

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Crédit photo : AFP

Un projet de loi reporté sous pression de la colère

Depuis lundi, le projet de loi « instituant un régime pérenne de gestion des urgences sanitaires » a suscité un tollé général. Liberticide, le texte institue notamment un nouveau dispositif d’exception, « l’état de crise sanitaire ». « Le Premier ministre peut, le cas échéant dans le cadre des mesures prévues aux 1° à 5°, subordonner les déplacements des personnes, leur accès aux moyens de transports ou à certains lieux, ainsi que l’exercice de certaines activités à la présentation des résultats d’un test de dépistage établissant que la personne n’est pas affectée ou contaminée, au suivi d’un traitement préventif, y compris à l’administration d’un vaccin, ou d’un traitement curatif. » dispose notamment l’article 1er du texte. Une mesure qui a particulièrement fait réagir.

Une mesure qui a particulièrement faite réagir sur les réseaux sociaux, de nombreux internautes, déjà en colère contre la gestion catastrophique du gouvernement, pointant une obligation de vaccination déguisée. De son côté, l’opposition de droite et d’extrême-droite a profité de la séquence pour tenter de se mettre en avant hypocritement en dénonçant la loi. Marine Le Pen n’a ainsi pas hésité à qualifier le projet de loi de « profondément délétère et liberticide ». Un comble de la part de celle qui avait en 2017 refusé de voter la loi antiterroriste intégrant des dispositions de l’état d’urgence dans le droit commun au motif que le projet n’allait pas assez loin, et qui soutenait récemment la très liberticide loi Sécurité Globale. Des dénonciations hypocrites qui font écho à celles des Républicains, qui se sont également présentés en garant des libertés, eux qui n’ont de cesse de les attaquer.

Face au tollé, Olivier Véran a pris la parole mardi soir sur TF1. « Ce n’est pas le moment de faire cela » a expliqué le Ministre de la Santé en annonçant le report du texte, ajoutant même que le projet n’avait « rien à voir avec la crise sanitaire actuelle ». Sous pression de la colère, qu’il avait tenté d’éviter en cherchant à passer le texte liberticide discrètement et rapidement, en procédure accélérée, le gouvernement a ainsi dû reculer sur son projet liberticide.

Loi sur l’état d’urgence sanitaire : un texte liberticide

En dehors de la disposition concernant la vaccination, le texte de loi « instituant un régime pérenne de gestion des urgences sanitaires » est effectivement un projet liberticide. Imposé à l’origine en procédure accélérée, limitant l’examen du projet de loi à une lecture au Sénat et une lecture à l’Assemblée, le projet de loi vise à instaurer un régime de gestion des « urgences sanitaires » reposant sur deux dispositifs, « l’état de crise sanitaire » et « l’état d’urgence sanitaire », et à en fixer les modalités et les contours. « L’épidémie de covid‑19 a imposé l’élaboration en extrême urgence, en mars dernier, d’un cadre législatif permettant de faire face à la crise qu’elle a provoquée. (…) L’ambition du présent projet de loi est de substituer à ces dispositions, conçues dans des circonstances particulièrement contraintes et pour faire spécifiquement face à l’épidémie de Covid‑19, un dispositif pérenne dotant les pouvoirs publics des moyens adaptés pour répondre à l’ensemble des situations sanitaires exceptionnelles » note en ce sens l’exposé des motifs.

Dans le texte de loi, plusieurs mesures liberticides. D’abord, le texte intègre dans la loi de nouveaux dispositifs d’exception. Si « l’état d’urgence sanitaire » pouvait déjà être déclaré « en cas de catastrophe sanitaire mettant en péril, par sa nature et sa gravité, la santé de la population », le gouvernement « innove » en se dotant d’un autre niveau, l’« état de crise sanitaire ». Instauré par décret, ce cadre permet au gouvernement d’imposer des mesures de restrictions des libertés importantes « en cas de menace ou de situation sanitaire grave aux fins de prévenir ou de limiter les conséquences de cette menace ou de cette situation ». Un cadre très large et très général pour des dispositions ouvrant la voie à des dispositions liberticides, comme les « mesures individuelles qui, afin de prévenir la propagation d’une infection ou d’une contamination, ont pour objet le placement et le maintien en isolement des personnes affectées ou contaminées » ou les « mesures de réquisition de toute personne et de tous biens et services nécessaires ».

Seule obligation pour le gouvernement, si l’« état de crise sanitaire » dure au moins six mois, le gouvernement devra présenter au Parlement un « rapport exposant les mesures prises et précisant les raisons du maintien de l’état de crise sanitaire ainsi que les orientations de son action pour y mettre fin. » Une disposition risible qui permettrait la pérennisation d’une gestion bonapartiste non seulement des crises, mais aussi de la « prévention » ou de la « limitation des conséquences » de celles-ci.

Le gouvernement sous pression de la dénonciation de sa gestion de crise et de son offensive liberticide et sécuritaire

Le recul du gouvernement sur son projet de loi, qui veut inscrire dans le droit les modalités liberticides de gestion de la crise sanitaire dont il a fait preuve depuis le début de l’épidémie, est l’expression de la pression qui s’oppose à lui ces derniers mois. Alors que le gouvernement n’a eu de cesse de gouverner par décret, en contournant les institutions parlementaires, et d’imposer des mesures liberticides, l’opposition à la loi sécurité globale a provoqué un premier recul très partiel du gouvernement.

Si ce nouveau recul n’est qu’un report du texte de la part d’un gouvernement qui n’a pas réussi à faire passer son projet discrètement, il démontre que le gouvernement est mis sous pression par la colère générée par sa gestion de la crise sanitaire, la défiance qu’elle a entraînée et la mobilisation contre son offensive sécuritaire et liberticide. En ce sens, il est plus qu’urgent de préparer une rentrée de mobilisation contre les politiques sécuritaires du gouvernement, à commencer par la loi sécurité globale et la loi séparatisme, mais également la gestion catastrophique dont il fait preuve.

Alors que certains s’inquiètent d’une troisième vague et que le gouvernement mise uniquement sur le vaccin, faisant fi de la nécessité d’un plan sanitaire global pour éviter que la reprise épidémique ne s’aggrave à la rentrée, c’est d’un programme sanitaire alternatif que le mouvement ouvrier et tous ceux qui dénoncent la politique du gouvernement devraient se doter.


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