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Statistiques en trompe l’œil

L’Insee, 0.3 % de baisse des salaires. Des statistiques qui ne disent pas tout

Damien Bernard Ce mercredi 16 septembre, l’Insee a publié une étude selon laquelle le salaire net moyen dans le secteur privé et public a baissé de 0,3% entre 2012 et 2013 si l’on tient compte de l’inflation. Ces chiffres fournis par l’Insee confirment, sur fond de chômage de masse, une pression patronale et gouvernementale toujours plus grande à la baisse sur nos salaires. Mais ces chiffres sont-ils représentatifs de la réalité des travailleurs ?

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Une baisse du salaire net deux années de suite. Une première depuis 10 ans

L’Insee a confirmé ce qui est une réalité bien concrète pour l’ensemble des travailleurs, un recul du salaire net des employés et cadres du secteur privé, mais aussi dans la fonction publique dont le gel du point d’indice dure depuis 2010. Selon l’Insee, cette diminution, observée, pour la première fois depuis dix ans, en 2012, s’est amplifiée en 2013, se chiffrant à 0,3%. Le salaire versé aux salariés, cadres et employés compris, excepté les fonctionnaires, a été de 2 202 euros nets mensuels. Soit 2 912 euros bruts.

L’institut explique alors que cette baisse serait liée à la dégradation continue du marché du travail mais aussi de la suppression par Francois Hollande du dispositif des heures supplémentaires défiscalisées, mesure phare du quinquennat de Sarkozy avec le « travailler plus pour gagner plus ». Cette suppression d’une des mesures phares de la loi TEPA aurait ainsi conduit, selon l’Insee, à une diminution du volume d’heures supplémentaires effectuées sur un an, et donc du salaire net.

Des statistiques qui ne disent pas tout

L’Insee est chargé de la production, de l’analyse et de la publication des statistiques officielles en France, cela de la collecte de données, du traitement de celles-ci, jusqu’à leur interprétation. Cette démarche « scientifique » est censée présenter la réalité de façon totalement « objective », dénuée d’intérêts politiques et économiques. Mais les études statistiques, en l’occurrence de cet institut, qui même s’il est formellement autonome et indépendant est en dernière instance sous le giron de l’État, doivent être analysées avec des pincettes. Le calendrier des annonces, la présentation et l’interprétation de ces statistiques jouent un rôle déterminant et introduisent des biais.

Ainsi en titrant l’étude « En 2013, le salaire net moyen baisse de 0,3 % en euros constants », l’Insee fait le choix de présenter 0,3% comme chiffre officiel de la baisse des salaires. Choix qui est discutable. En effet, comme indiqué dans le rapport, si l’on prenait en compte la même structure de l’emploi qu’en 2012, « répartition de la population salariée », selon « la catégorie socioprofessionnelle, le secteur d’activité, la condition d’emploi (temps complet ou temps partiel), l’âge et le sexe », le salaire net moyen aurait diminué de 0,8 %. Ce chiffre bien plus pertinent, mais de bien plus mauvais augure pour le gouvernement, caché dans le fin fond du rapport, ne sera aucunement repris par les médias dominants qui se garderont bien d’en faire la publicité.

Des chiffres qui cachent une augmentation bien plus brutale de notre exploitation

Ainsi ce qu’on retiendra de l’étude de l’Insee est que la baisse de salaires ne serait que de seulement 0,3%, pas si brutal ? Cette baisse serait corrélée principalement à un « contexte de dégradation du marché du travail qui se poursuit », mais aussi à la fin de l’exonération des heures supplémentaires. Du premier élément, on pourrait conclure que les courbes du taux de chômage et de la baisse des salaires seraient partiellement et mécaniquement corrélées, comme s’il était une fatalité pour le monde du travail d’accepter des baisses de salaires en période de chômage de masse. Du deuxième élément, on pourrait en conclure que la fin de l’exonération des heures supplémentaires aurait fait mécaniquement baisser les salaires, comme si les lois Sarkozy avaient permis une amélioration de nos conditions de vie en augmentant nos salaires gracieusement sans contreparties.

On voit ici les limites de l’analyse statistique et des fonctions de ces instituts formellement indépendants, en l’occurrence présenter une réalité qui n’est que très partiellement la nôtre. En focalisant sur la variable salaire, l’Insee occulte complètement l’ensemble d’autres déterminants qui font notre exploitation au quotidien, en l’occurrence la hausse du temps de travail, notamment celui induit par la défiscalisation des heures supplémentaires, la hausse des cadences et de la productivité qui concourent ensemble à l’augmentation du taux d’exploitation des classes laborieuses.

Bien loin des chiffres de l’Insee et alors que les rémunérations des grands patrons ne cessent d’augmenter, nos salaires et nos conditions de travail, notamment ceux des travailleurs les plus précaires, ne cessent de se dégrader ; dégradation qui s’est même accélérée sous la présidence de Hollande. Qu’il s’agisse des travailleurs du privé ou du public, les attaques contre notre classe s’accélèrent dans le sillage de l’approfondissement casse des acquis du mouvement ouvrier. C’est le cas notamment des travailleurs de SMART à qui la direction tente d’imposer le couteau sous la gorge un 39h payé 37h, des travailleurs de l’APHP qui iront manifester pour exiger le retrait définitif du Plan Hirsch, ou encore des professeurs de l’éducation nationale qui refusent la « casse » du collège voulue par le gouvernement.

Face aux plans du gouvernement et du patronat, qui tentent de nous faire payer leurs crises à coup de « dialogue social », à savoir l’accompagnement des contre-réformes par les syndicats, les revendications pour une augmentation généralisée des salaires indexée sur l’inflation, avec un minimum strictement assuré, le partage du temps de travail entre toutes et tous, et la réintégration de tous les précaires, sont les seules réponses que le mouvement ouvrier et ses organisations peuvent exiger.


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