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100 milliards pour la Bundeswehr

L’Allemagne profite de la guerre pour lancer un réarmement historique : non à l’escalade militariste !

Un appel à l’union sacrée derrière un réarmement massif de l’armée allemande, c’est ce à quoi le chancelier allemand Olaf Scholz a appelé ce week-end devant le Parlement. Une dynamique militariste à laquelle il faut s'opposer !

Joël Malo

28 février 2022

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100 milliards d’euros de budget extraordinaire pour la Bundeswehr pour des investissements et le réarmement, 20 % du budget annuel : c’est ce qu’a annoncé Olaf Scholz (SPD), le chancelier allemand lors d’une séance extraordinaire du Bundestag, le 27 février, au quatrième jour du début de l’offensive russe en Ukraine. Ce rajout doit être financé sur le budget de 2022, en surplus du budget courant pour les dépenses militaires, qui s’élevait en 2021 à 58 milliards d’euros, le plus élevé de l’Union Européenne.

Ce budget a lui aussi vocation à être lourdement augmenté. L’appartenance à l’OTAN contraint théoriquement à porter son budget militaire à 2 % du PIB. Le budget allemand représentait en 2021 1,53 % du PIB. Désormais Scholz veut dépasser cet objectif !

Le gouvernement de coalition a appelé l’ensemble des fractions parlementaires à soutenir ce projet, au nom d’une union sacrée pour la défense du pays, de la liberté et de la démocratie. La course à l’armement réussit souvent ce tour de force de balayer les positions antérieures : ainsi le très pingre ministre des finances Christian Lindner (FDP, parti libéral) a lui-même appelé l’opposition à voter cette extension budgétaire, défendant l’endettement engagé et la ministre des affaires étrangères Annalena Baerbock (Verts) finit d’enterrer le peu qu’il restait d’un parti notamment issu des mouvements anti-militaristes dans les années 1970. La ministre de la Défense Christine Lambrecht (SPD) se réjouit des chantiers à engager pour davantage d’efficacité et une forme de débureaucratisation de l’armée allemande.

L’industrie de l’armement européenne est puissante et se frotte les mains à l’avance des profits qui pourront être faits face à ce sprint dans la course aux armements. Scholz l’a rappelé, ce réarmement massif se fera en collaboration étroite avec l’UE, et en premier lieu la France, et l’OTAN. Ces dernières années une remontée générale des budgets d’armement avait déjà lieu dans la plupart des pays d’Europe (voir en France, la Loi de Programmation Militaire adoptée en 2018, investissant 300 milliards d’euros dans la Défense sur 7 ans, et visant les 2 % du PIB pour l’armée d’ici 2025), après une période restrictive post-2008. Le recul du multilatéralisme pendant le mandat de Trump avait relancé le débat sur le réarmement en Allemagne, puissance exportatrice de premier ordre, mais largement dépendante de l’aide militaire américaine. Malgré cette dynamique, les dernières annonces et l’attitude guerrière de la bourgeoisie allemande et d’une partie de ses médias, constituent un véritable saut.

Ces annonces de Scholz se sont accompagnées des sanctions prises contre la Russie et de l’envoi d’armes en Ukraine. Samedi, le gouvernement allemand a d’abord annoncé l’envoi de 400 bazookas à l’Ukraine via les Pays-Bas, avant d’en rajouter : 1000 armes antichars et 500 missiles Stinger seront directement envoyés en Ukraine. Un changement de ton à mettre en perspective avec la situation en 2014 où Sigmar Gabriel (SPD) alors ministre de l’économie, trouvait honteux que l’Allemagne soit un des principaux marchands de canons de la planète.

« L’idée d’une plus grande implication allemande, même de façon indirecte, sur les champs de bataille internationaux provoque des remous à Berlin » écrivait Philippe Lemayrie dans le Monde Diplomatique, puis de poursuivre : « Réuni en session extraordinaire le 1er septembre 2014, à la demande de la chancelière, le Parlement avait donné son feu vert à l’équipement de dix mille combattants du Kurdistan irakien [brisant] un tabou en vigueur depuis la fin de la seconde guerre mondiale : pas de cession d’armements à un pays en conflit, a fortiori s’il n’est pas membre de l’OTAN et de l’Union européenne [ce qui permettait donc d’intervenir au Kosovo ou en Afghanistan...]. »

L’abandon de Nord Stream 2, et des quelques réticences qui retenaient la bourgeoisie allemande autour de l’exclusion de la Russie de SWIFT – en raison des contrecoups financiers et énergétiques qui pèsent sur l’économie allemande – illustrent le fait que l’Allemagne prend totalement sa place au sein du bloc impérialiste qui est déterminé à faire payer la population russe pour les actes de Poutine et des oligarques.

Face à cette situation, les militants de l’Organisation Révolutionnaire Internationale (RIO) qui éditent Klasse gegen Klasse, rappellent que « la spirale de l’armement profite à des groupes d’armement allemands comme Rheinmetall, qui envoient également des armes dans d’autres régions en guerre et contribuent à y alimenter les conflits armés. L’action du fabricant d’armes a augmenté de plus de 10 pour cent au cours des cinq derniers jours. »

Alors que ce week-end, 500.000 personnes se sont rassemblées à Berlin contre la guerre déclenchée par Poutine en Ukraine, l’OTAN et ses marchands de canons tentent de feinter l’aspiration à la paix en se faisant passer pour une organisation défensive qui se réarmerait pour la paix. « Ne tombons pas dans le piège de croire que les armes de l’OTAN sont des vecteurs de paix » rappellent en ce sens les militants de RIO.

L’ignoble agression de Poutine contre le peuple ukrainien ne doit pas faire perdre de vue qu’il s’agit de la partie la plus brutale d’une partition qui se joue à deux, et où les forces de l’OTAN n’ont cessé de s’étendre depuis les années 1990 et de travailler à transformer l’Europe (notamment) en poudrière. Ce réarmement massif n’est en rien en symbole de paix, et la course aux armements n’a jamais débouché sur autre chose que des profits pour les industriels et la désolation pour les populations. La paix ne peut être conquise que par une lutte résolue des peuples d’Europe, par la mobilisation du mouvement ouvrier, en Russie, en Ukraine, et dans les pays d’Europe de l’Ouest pour stopper cette relance du militarisme !


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