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La transphobie tue

#JusticePourFouad : une lycéenne de 17 ans se suicide après des humiliations transphobes

Mardi 15 décembre, Fouad, jeune femme trans de 17 ans, a mis fin à ses jours. Quelques semaines plus tôt, elle avait été convoquée et humiliée par la direction de son lycée, qui voulait lui interdire de porter une jupe.

Inès Rossi

17 décembre 2020

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Crédit photo : Télé Bocal à l’Existrans 2019

Fouad avait 17 ans, elle étudiait dans un lycée lillois. Jeune femme trans, elle vivait en foyer. Début décembre, elle vient au lycée avec une jupe, ce qui lui vaut d’être convoquée par la CPE ; s’ensuit alors un échange lunaire où la CPE hausse le ton, humilie Fouad, et lui intime de rentrer chez elle à cause de sa tenue, pendant que la jeune étudiante, manifestement très affectée, tente de se défendre.

On peut entendre des extraits de cet entretien dans une vidéo publiée par un élève du même lycée sur snapchat, où il s’indigne du traitement qui lui est fait. Même si cet élève parle de Fouad au masculin, et donc la mégenre, il fait preuve de plus de compréhension et de soutien envers elle que la responsable qu’on entend dans la vidéo.

La CPE la renvoie chez elle et prétend vouloir lui interdire le port de la jupe pour ne pas heurter les autres élèves, qui, selon les informations dont nous disposons jusqu’à présent, ne se sont pourtant pas plaints de la tenue de Fouad auprès de la direction. « Mais alors c’est eux qu’il faut éduquer, c’est pas moi ! » répond-elle à juste titre.

Le lendemain de son renvoi, les lycéens se mobilisent et collent des affiches dans l’établissement pour dénoncer cette exclusion transphobe, sur lesquelles on peut lire « Nos tenues ne sont pas indécentes, vos regards le sont », ou encore « La transphobie tue ». Quelques jours plus tard, nouvelle journée d’action en soutien à Fouad, où ses camarades décident de venir en jupe au lycée en signe de solidarité. La direction finit par céder et l’autorise enfin à s’habiller comme elle le souhaite.

Les tensions avec la direction s’apaisent, et la jeune fille semble aller mieux, mais fait une première tentative de suicide une dizaine de jours après, puis une deuxième qui entraînera sa mort. Dans le communiqué du lycée adressé aux parents d’élèves pour les informer de ce drame, Fouad est genrée au masculin.

Jeudi 17 décembre, le hashtag #JusticePourFouad est lancé sur twitter, atteignant la deuxième tendance de France, avec plus de 10 000 tweets.

Il est évidemment impossible de dire que la mort de Fouad est une conséquence directe de l’humiliation qu’elle a subie de la part de la CPE, ni de dire que la transphobie était l’unique cause de son mal-être. Ce n’est pas seulement l’école qui est en cause, mais tout un système. Ce que l’on peut dire, c’est que la transphobie, sous toutes ses formes, même verbales, tue et abîme. Les personnes transgenres sont particulièrement surreprésentées dans les statistiques sur le mal-être. Selon une étude du Comité Idaho et du Think Tank République et Diversité publiée en 2014, 60% des personnes transgenres sont déjà tombées dans une dépression, et 20% d’entre elles ont déjà fait une tentative de suicide. Cette oppression des personnes trans est reproduite et alimentée depuis le sommet de l’État, comme l’illustre la non-autorisation de la PMA aux hommes trans les nombreuses difficultés qui jalonnent le parcours de transition.

Fouad est malheureusement l’une des trop nombreuses victimes de cette société incapable d’accompagner les individus avant, pendant et après leur transition, et de leur garantir une égalité de droit et une existence hors de toute oppression ou stigmatisation. Et l’école est un relais institutionnel de ces oppressions, quand elle refuse d’utiliser les prénoms d’usage de ses élèves par exemple, ou quand elle impose des codes vestimentaires transphobes.

Nombreuses sont les jeunes personnes trans précarisées, isolées ou rejetées par leurs familles en raison de leur transidentité, et humiliées et discriminées par les institutions. Ces situations ne sont d’ailleurs pas exclusives aux personnes trans, mais communes à un grand nombre de jeunes personnes LGBT. Pour ces jeunes, il est impératif, voire vital, que l’État mette des logements d’urgence décents à leur disposition, et investisse massivement dans les associations et structures aptes à les aider.

La transphobie tue. Justice pour Fouad, et pour toutes les autres victimes.


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