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Répression patronale

« Je dirai que tu as fait un abandon de poste » : Transdev licencie une salariée pour s’être mise en arrêt

En août dernier, Fosia Bensidhoum, chauffeuse de bus, a été licenciée par Transdev, pour avoir voulu exercer son droit de retrait et s'être mis en arrêt maladie après avoir été mise en danger durant son service. Elle revient aujourd'hui sur cette situation scandaleuse dans un entretien pour Révolution Permanente.

Noah Rapa

11 octobre 2022

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Révolution Permanente : le 28 août dernier, tu as été licenciée par Transdev avec le motif : « abandon de poste, avec détournement de matériel ». Peux-tu nous expliquer ce qu’il s’est réellement passé ?

Fosia Bensidhoum : Oui, le 16 juillet, un mois avant mon licenciement, j’ai commencé ma journée à 8 heures, et, avant de commencer mon service à Cergy Préfecture, j’ai vu qu’il y avait beaucoup plus de monde que d’habitude qui patientait à l’arrêt de bus pour aller à Roissy. Cela était dû à des travaux sur la ligne du RER B et à l’absence d’une collègue, et certains des usagers étaient là depuis 2 heures… Tout de suite, au dépôt, j’en ai fait part à mon régulateur pour lui exprimer ma crainte vis-à-vis des clients qui étaient en colère, mais il a décidé de me laisser partir seule vers le bus.

Dès que les portes se sont ouvertes, les clients se sont rué à l’intérieur en se bousculant, criant, etc. Sachant que, selon le règlement, je risquais d’être licencié si j’emmenais plus que 55 personnes, j’ai décidé de fermer les portes. Alors, certains clients ont commencé à m’insulter de monstre, à me dire que j’étais inhumaine. Sous la pression, j’ai voulu effectuer mon droit de retrait, mais mon régulateur m’a mis la pression et m’a obligé a effectué le trajet. Arrivé à Roissy, le régulateur me dit tout simplement : « si jamais tu rentres chez toi, je dirai que tu as fait un abandon de poste, et qu’il ne s’est rien passé ».

J’ai donc dû effectuer mon service toute la journée dans des conditions terribles, alors que j’étais en état de choc. Transdev aurait dû me mettre au repos, c’était dangereux, et la direction aurait dû mettre en service un deuxième bus ! À la fin de la journée, je suis allée porter plainte, puis je suis allée à l’hôpital où l’on m’a donné sept jours d’ITT. Voilà ce qu’il s’est passé.

Révolution Permanente : Quelle a été la décision de la direction ? Comment toi, tes collègues ou les syndicats avaient réagi par rapport à tout ça ?

Fosia Bensidhoum : Pour remettre en contexte ma situation, il faut savoir que j’étais en arrêt-maladie pendant 3 ans, justement à cause des conditions de travail, et j’ai repris le travail en janvier 2022. Le directeur qui a pris poste pendant mon arrêt-maladie ne supportait pas du tout que des gens puissent être absents pour des raisons de santé, il attendait que je fasse « un faux pas » pour me licencier.

Il faut savoir en plus que je suis travailleuse handicapée, et que, normalement, je devais être déclarée inapte au travail, en lien avec la médecine du travail et mon médecin traitant, parce que mon état de santé est très mauvais. Au moment où je vous parle, j’ai des paralysies au niveau des doigts, qui peuvent être liées à ce qui s’est passé ces dernières semaines.

Ainsi, une semaine après les faits, j’étais en arrêt de travail et mon directeur m’a envoyé un courrier en vue d’une sanction disciplinaire. J’étais abasourdie. Je ne m’y suis pas rendu étant toujours très diminuée. Ensuite, il m’a envoyé 3 courriers de sanctions disciplinaires, pour au final m’envoyer une lettre de licenciement le 28 août, avec pour motif : « Abandon de poste, avec détournement de matériel ». Toute ma vie, je m’en souviendrais, j’étais encore dans un nouvel état de choc. Mon œil a même commencé à gonfler à cause du stress.

Mes collègues étaient très choqués de ce licenciement, certains n’y croyaient pas. Mais avec les syndicats de mon dépôt, c’était très mitigé. Ils ont fait une réunion avec le directeur, où ce dernier a dit qu’il ne fallait absolument pas me défendre, et les syndicats se sont pliés à ses directives. En plus, comme il y a un appel d’offres, les syndicats ne veulent surtout pas faire de vagues, par peur de perdre leur place. C’est pour ça que j’ai contacté la CGT de Roissy CDG, ce sont eux qui m’ont réellement aidé.

Révolution Permanente : Aujourd’hui, que ce soit chez les conducteurs de bus ou de trains, il y a un gros manque d’effectif et les sociétés ont de grosse difficulté pour recruter, ce qui entraîne des dysfonctionnements, des retards, etc... Selon toi, ce sous-effectif est-il lié aux méthodes managériales très dures ?

Fosia Bensidhoum : Oui, c’est sûr, en ce moment, il manque beaucoup de conducteurs. Déjà, ce métier est devenu un métier à risque. D’autre part, j’ai remarqué chez Transdev que l’objectif de la direction est clairement de faire le « ménage » dans les effectifs. Ils liquident les anciens avec des salaires un peu plus hauts, et embauchent des petits nouveaux à bas salaire. Mais dès qu’ils arrivent, ils font deux mois, puis s’en vont. Il y a un gros turn-over et aucune stabilité n’est offerte aux salariés.

De plus, il n’y a qu’à regarder notre organisation du travail pour ne plus avoir envie de travailler chez nous. Par exemple, après ma première année d’arrêt-maladie, alors que je pouvais à peine bouger mon épaule, j’ai reçu une lettre du directeur, fraîchement arrivé, qui, a priori, voulait prendre de mes nouvelles et se renseigner sur mon état de santé. Je m’y suis rendu, et l’objet de cette rencontre était tout autre. Il m’a clairement fait savoir qu’il ne voulait pas de salarié en arrêt-maladie. Il se fichait de savoir comment je me portais. Il envisageait même de me mettre en tant qu’agent de médiation, alors que j’avais une tumeur aux doigts... Voilà comment on nous traite !


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