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Catholicisme militant

Lieux de culte : Macron révise sa position après un coup de pression des évêques

Après le discours de Macron concernant l’allégement du confinement, les évêques ont fait entendre leur colère concernant la jauge de 30 personnes maximum autorisées pour les messes, faisant reculer immédiatement le gouvernement.

Erell Bleuen

25 novembre 2020

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Ce mardi 24 novembre, Macron annonçait de nouvelles mesures concernant un allégement du confinement à partir du 28 novembre : réouverture des commerces, augmentation du « rayon » des promenades autorisées étendu à 20 kilomètres pour 3 heures, mais également la permission des offices dans les lieux de cultes, avec une jauge maximale de 30 personnes. Lors de l’annonce du reconfinement, le gouvernement s’était alors engagé à ce que les lieux de culte restent ouverts, en laissant la possibilité aux personnes croyantes d’aller se recueillir, mais tout en interdisant les cérémonies religieuses sur fond d’argument sanitaire.

Face à la colère, le recul immédiat du gouvernement

Pour autant, la jauge de 30 personnes annoncée hier est largement dénoncée par le corps catholique, notamment les évêques, qui décrivent la décision comme « irrespectueuse et incohérente » comme l’évêque de Nanterre, Monseigneur Matthieu Rougé au micro d’Europe 1 ou encore l’archevêque de Paris, Monseigneur Michel Aupetit, au micro de Radio-Notre-Dame, pour qui cette mesure est : « une mesure totalement stupide qui contredit le bon sens. Trente personnes dans une petite église de village, on comprend, mais à Saint-Sulpice, c’est ridicule ! ».

C’est donc dès l’annonce du président de la République, que le président de la Conférence des Évêques de France (CEF) a pris son téléphone pour contester cette mesure directement auprès de Macron, obtenant un recul immédiat de sa part. Selon un communiqué sorti mercredi matin du CEF, « une jauge réaliste, tout en restant stricte, sera définie d’ici jeudi matin pour une mise en application en deux étapes : samedi 28 novembre puis après une réévaluation du 15 décembre ».

S’il est vrai qu’une jauge de 30 personnes présente des incohérences en termes sanitaires, au vu de la superficie des lieux de cultes catholiques et de leur capacités d’accueil, mais également au regard de l’ouverture de lieux comme les centres commerciaux qui concentrent un nombre largement supérieur de personnes et dont l’activité n’est en rien freinée, le recul instantané du gouvernement, qui fera donc de nouvelles annonces jeudi matin, témoigne du poids social et politique de l’Eglise catholique dans un pays tel que la France.

Laïcité : un deux poids deux mesures

Selon Yann Raison de Cleuziou, maître de conférences en sciences politiques à l’université de Bordeaux dans le journal Marianne, « seulement 1,8% de la population française [18 ans et plus, N.D.L.R.] pratique hebdomadairement la religion catholique ». Mais cette minorité pratiquante devient de plus en plus radicalisée et conservatrice. Et ce, à travers un décalage, décrit dans le même article de Marianne, entre les autorités catholiques qui cherchent à entretenir « des relations de confiance avec le gouvernement en espérant bénéficier de certains privilèges en contrepartie » en apparaissant comme « de bons partenaires de l’ordre républicain », et leur base « plus conservatrice », qui « transmettent le mieux la foi dans leur famille  » et dont « la jeunesse qui en est issue qui est remuante et décomplexée  ».

Et c’est notamment cette base qui se radicalise et qui s’approprie les méthodes militantes ou du moins développe des réflexes extra-parlementaires, ce depuis une dizaine d’années, comme les manifestations contre « le mariage pour tous », plus récemment pour l’ouverture de la PMA… à laquelle les autorités catholiques doivent s’adapter. Depuis l’annonce du reconfinement et les conséquences que celui-ci entraînait pour la pratique religieuse, on a vu dans toute la France, l’organisation de messes de rue et de manifestations réclamant le maintien des offices religieux. Toujours selon Yann Raison de Cleuziou, la contestation se distinguait sur deux plans : d’un côté celui du maintien des libertés fondamentales, dénonçant un certain autoritarisme de l’État, et de l’autre, une dénonciation de « l’incompétence du pouvoir politique à reconnaître la supériorité de Dieu par rapport à l’ordre politique ».

La communauté catholique en France est très diverse en termes sociaux et politiques, composée de membres de différentes classes sociales. Cependant, toujours selon Raison de Cleuziou, « tous les catholiques ne vivent pas la suspension des messes de la même manière. Certains s’en accommodent au nom de la solidarité nationale ; d’autres en souffrent parce que la pandémie rend le besoin de communion spirituelle plus vif ». Autrement dit, ce sont les ailes catholiques les plus conservatrices et radicalisées qui sont à la manœuvre.

Cette aile de la communauté catholique fait le plus souvent partie des secteurs importants de la bourgeoisie française. Ce n’est pas un hasard si « depuis 2013, tous les partis de droite ont bien vu qu’il y avait là une importante ressource militante et ont tenté de la séduire ». Ce secteur de la bourgeoisie française, bien que minoritaire numériquement, possède un pouvoir économique, social et politique considérable, ce qui rend sa pression sur les institutions étatiques et sur les gouvernements plus efficace. Plus encore, ce secteur bourgeois est surreprésenté aux sommets de ces mêmes institutions étatiques, dans les ministères, dans les conseils d’administration des entreprises. Même au sein de l’Education Nationale, où les différents gouvernements depuis des années déclarent mener une lutte « pour la laïcité », l’influence des milieux catholiques est immense à travers les écoles, collèges et lycées catholiques sous contrat.

Ainsi, lorsqu’on compare les différentes religions représentées en France et leur capacité d’influence sur l’État, le catholicisme remporte le concours au la main ! Comme l’explique très bien Raison de Cleuziou : « les juifs et les protestants, avec leurs expériences comme minorités, ne recherchent pas la visibilité car ce serait s’exposer à des stigmatisations. Les musulmans tentent de disparaître car leur religion est source d’attention et de pressions publiques. Ils sont aussi plus issus de milieux populaires qui, en général, ont plus de mal à utiliser l’espace publique par peur de stigmatisations, ce qui les pousse à l’autocensure ».

C’est en ce sens que nous devons lire ce petit « conflit » entre le gouvernement et les autorités catholiques poussées par les secteurs les plus radicalisés comme quelque chose qui dépasse la question de la messe. Il s’agit d’un exemple criant de l’hypocrisie de l’accaparement par les classes capitalistes du discours « laïque » qui ne leur est utile que pour stigmatiser et renforcer l’oppression des musulmans ; mais il faut l’analyser aussi comme un exemple supplémentaire de la radicalisation d’un certain catholicisme militant.


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Erell Bleuen

Twitter : @Erellux

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