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Pas d’élections anticipées

Italie. Le Parti Démocrate et le M5S trouvent un accord pour continuer l’austérité

Adversaires encore hier, les rapports entre le Mouvement 5 Étoiles et le Parti Démocrate ont changé. Ce mercredi, ils ont annoncé un accord de gouvernement, après la crise qui avait été ouverte par Matteo Salvini cet été. Giuseppe Conte, qui avait dirigé la coalition entre le Mouvement 5 Étoiles et la Ligue de Salvini, reste président du Conseil bien qu’il avait déposé sa démission la semaine dernière, et est chargé de former un nouveau gouvernement.

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En guise de conclusion des diverses consultations qu’a effectué le Président de la République italienne, Sergio Mattarella, après des tractations très tendues qui firent vaciller l’équilibre du pouvoir, l’Italie s’apprête à connaître une nouvelle coalition entre le Mouvement 5 Étoiles (M5S) et le Parti Démocrate (PD). Après moult coups de théâtre, c’est dans la matinée de mercredi, que Sergio Mattarella a officiellement chargé Giuseppe Conte, le premier ministre qui venait pourtant de démissionner, de former un nouveau gouvernement d’ici la semaine prochaine. Les discussions étaient verrouillées notamment sur Conte lui-même, et sa reconduction à la tête du gouvernement, que le M5S estimait non négociable. Il sera également chargé de définir la politique générale du gouvernement : pour le M5S, il s’agit d’une "garantie", selon les mots de Luigi Di Maio, critiquant son ex-allié Matteo Salvini pour avoir, en plein coeur de l’été, "coupé le courant" de la coalition qu’ils formaient depuis 14 mois. Un "gouvernement de nécessité", résume Antonio Polito, éditorialiste au Corriere della Sera, dont la fonction principale serait de faire barrage à Matteo Salvini et à des élections législatives anticipées.

De son côté, le Parti Démocrate a officiellement annoncé sa disponibilité à former un gouvernement avec le Mouvement 5 Étoiles, alors qu’ils étaient adversaires jusqu’au moment où ils ont pu faire un compromis pour être ensemble au pouvoir. Nicola Zingaretti, secrétaire du Parti Démocrate, a ainsi déclaré : "Nous avons exprimé au Président de la République notre soutien à la tentative de donner naissance à un gouvernement avec une nouvelle majorité politique. À la lumière des équilibres parlementaires nous avons accepté la proposition du M5S d’indiquer comme parti majoritaire le nom de Giuseppe Conte. Nous aimons l’Italie et nous pensons que cela vaut la peine de tenter cette expérience. Nous entendons mettre fin au règne de la haine, de la rancœur et de la peur. [...]". Si le Parti Démocrate accepte aussi facilement que Giuseppe Conte reconduise son mandat comme Premier ministre, c’est aussi parce que le M5S aurait autrement refusé la coalition, et que le PD bénéficiera sans aucun doute du poste de vice-président ainsi que de commissaire européen à Bruxelles.

La crise du gouvernement semble donc avoir trouvé une porte de sortie, avec notamment le Mouvement 5 Étoiles qui a retourné sa veste en passant en moins de 15 mois d’une alliance avec la Ligue à une autre avec le Parti Démocrate et autres groupes parlementaires qui ont confié leur soutien au nouveau gouvernement, à partir de la gauche institutionnelle de Liberi e Uguali [Nda : Libres et Égaux], qui par la voix de Federico Fornaro a promptement déclaré sa disponibilité à soutenir le nouveau gouvernement : "On a besoin d’un revirement dans les politiques économiques et sociales, d’une lutte acharnée contre l’évasion fiscale, les mafias, et sur les politiques d’immigration et le premier acte doit être une loi de bilan de revirement qui puisse ouvrir une confrontation étroite avec l’Europe pour obtenir l’espace et la flexibilité pour un plan d’investissement majeur, notamment dans le Sud."

Si le Parti Démocrate annonce un changement de couleur, et la volonté de mettre fin à l’acte premier de ce gouvernement jaune-vert (Ligue-M5S), Luigi Di Maio, de son coté, affirme que le futur gouvernement maintiendra ses engagements et "ce pourquoi 11 millions d’Italiens ont voté" en 2018, précisant qu’il ne "reniait rien" du travail accompli aux cotés de la Ligue ces quatorze derniers mois.

Un bouleversement inimaginable dans le système présidentiel français, bien plus bonapartiste que le régime parlementaire italien, où ces retournements sont rendus possibles par une majorité au Parlement qui peut donner et retirer les clefs du pouvoir à un gouvernement. Et s’il devient quasi automatique de constituer des coalitions pour créer une majorité, c’est bien parce que le système électoral est à dominante fractionnelle, ce qui, en soi, pousse à une certaine fluidité des alliances. Si en mars 2018, aucune des coalitions n’avait obtenu de majorité, seule la négociation parlementaire avait fait émerger une nouvelle majorité Ligue-M5S.

Après que Salvini ait ouvert la crise du gouvernement début août, le mariage bien précipité de ces deux (pas si nouvelles) forces politiques aura été pour eux le sauvetage d’urgence, bien que résigné, pour faire barrage à Salvini, et surtout aux élections législatives anticipées, auxquelles ils auraient été les grands perdants.
Une hésitation de la crise du gouvernement qui a fait dresser les cheveux de plus d’un, entre Berlusconi qui parle du "gouvernement le plus à gauche de l’Histoire de la République" ou encore Matteo Salvini qui est allé jusqu’à "bénir" une possible insurrection populaire contre le nouveau gouvernement "antidémocratique" : "Moi je suis responsable de la concorde et de la sécurité, pas des insurrections populaires. Bien sûr, si les italiens considèrent cet accord comme une connerie, libres à eux de la faire".

Mais il est évident que face à Salvini, d’importants représentants de l’impérialisme international ont pris parti pour ce gouvernement plus "raisonnable" et apte à imposer une nouvelle manœuvre financière de réduction de l’État-providence. L’un d’entre eux, Donald Trump, s’est personnellement adressé sur son profil Tweeter en faveur d’un gouvernement Conte bis.

"Ça commence à bien se passer pour le très respecté premier ministre de la République italienne, Giuseppe Conte. Représentation puissante de l’Italie au sein du G7. Il aime beaucoup son pays et travaille bien avec les Etats-Unis. Un homme très talentueux qui, espérons-le, restera Premier ministre !"

Même si la figure du président du Conseil, Giuseppe Conte, a mis tout le monde d’accord, cela n’a pas empêché les mauvaises humeurs et même différentes ruptures à chaud dans les deux partis de la nouvelle coalition. Dans le Parti Démocrate, avec l’ancien ministre démocrate Carlo Calenda qui a déjà annoncé sa sortie et son projet de fonder un nouveau parti qui reste fidèle aux valeurs "que le PD a trahi". Du côté du M5S, Luigi Di Maio est très affaibli, qui s’est fait de nombreux ennemis en serrant la main à la Ligue, il y a 14 mois. Selon les statuts du M5S, il ne pourra effectuer un troisième mandat, et les prochaines élections, si le gouvernement venait à tomber dans quelques mois, pourraient accélérer sa chute.

Construit en un temps record, et sur des bases très floues et avant tout défensives, la question qui fâche les classes dominantes se fait tout de même entendre : combien de temps ce gouvernement pourra-t-il durer, et dans quelle mesure peut-il être réellement un retour à la stabilité pour l’Italie ? La fragilité de cette nouvelle coalition est très claire, selon les propos de Giuseppe Bettoni, professeur de sciences politiques à l’Université de Tor Vergata à Rome : « Ce qui est paradoxal, c’est que ni Luigi Di Maio ni Nicola Zingaretti ne souhaitaient cet accord il y a encore une semaine ». Rempli d’incertitudes, l’Italie semble avoir pris l’habitude de coalitions singulières, et la dernière qui se dessine ne déroge pas à la règle. Il y a deux semaines encore, tout opposait les deux partis : les travaux pour le TGV Lyon-Turin, la politique sécuritaire, le rapport aux institutions européennes...

Une chose est sûre, cette instabilité est toujours aux frais des travailleurs, et qu’il s’agisse d’une coalition entre le M5S et le PD, qui ont assuré de ne pas rompre avec les plans d’austérité de l’Union européenne, ou Salvini si ce gouvernement éclatait et laissait place à des élections anticipées, les mauvaises nouvelles semblent être en continu pour notre classe. En ce sens, cela réactualise la nécessité de se battre, contre ces différentes composantes, qui peuvent parfois se teindre de rouge ou qui se revendiquent de la gauche, alors qu’elles sont les premières à tendre la main au gouvernement libyen pour maintenir les migrants dans des camps de rétention, applaudis par Salvini, et qui en conclusion, se mettront toujours d’accord au final, pour faire appliquer les mêmes plans d’austérité contre l’ensemble des travailleurs et travailleuses.

Crédit photo : AFP PHOTO / QUIRINALE PRESIDENTIAL PRESS OFFICE


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