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Crise au sommet

Italie. La coalition gouvernementale explose, Salvini veut des élections anticipées

Au cœur de contradictions économiques, sociales et politiques profondes, la coalition au pouvoir en Italie, entre la Ligue et le Mouvement 5 Etoiles (M5S), a explosé cette semaine, sous l’impulsion de Matteo Salvini qui réclame une dissolution du parlement et des législatives anticipées.

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Les tensions au sein de la coalition gouvernementale en Italie existent depuis le début du mandat. Les élections législatives de mars 2018 avaient vu le populiste Mouvement 5 Etoiles (M5S) jouir d’une base sociale importante dans les régions du Mezzogiorno, lui garantissant alors 32 % des suffrages. La Ligue de Matteo Salvini, d’autre part, s’appuyait initialement sur un secteur petit-bourgeois concentré au nord de l’Italie, et avait obtenu 17 % des voix aux mêmes élections, avant de développer une stratégie à échelle nationale. Cette émergence de l’extrême-droite avait alors débouché sur une alliance inédite autour de deux vice-premiers ministres : Luigi Di Maio, du M5S, et Matteo Salvini, leader de la Ligue.

Mais, empêtré dans les contradictions que lui imposaient les promesses sociales faites à sa base électorale le M5S est en perte de vitesse, pâtissant de son institutionnalisation croissante, tandis que Matteo Salvini appliquait son programme xénophobe et nationaliste, apparaissant comme le véritable chef du gouvernement, augurant déjà l’explosion de la coalition en cours. Une alliance dont les points de désaccords sont multiples, dans un contexte où le déficit italien se creuse entraînant un approfondissement des tensions avec Bruxelles, et qui a vu s’inverser les intentions de vote : le M5S est aujourd’hui crédité de 17 %, tandis que la Ligue est passée en tête des sondages, avec plus de 36 %, réussissant à étendre sa base sociale au-delà du Nord.

La LGV Lyon-Turin met le feu aux poudres

Des coordonnées donnant des ailes à Salvini, qui accélère l’application de son programme au détriment du M5S. C’est le chantier de la ligne de train à grande vitesse reliant Lyon à Turin, auquel le M5S s’est toujours opposé, qui a servi de prétexte à Salvini pour faire exploser la coalition.

« L’Italie ne peut plus tolérer les “non”, nous avons besoin de “oui”, nous devons débloquer les choses, construire, travailler. Ça suffit, nous devons aller à des élections » a ainsi déclaré le leader de la Ligue, réalisant ainsi la prédiction faite par Berlusconi en hiver dernier (« Vous verrez, le gouvernement tombera sur [la question de] la LGV »).

Cette sortie médiatique, visant à prendre de court ses anciens alliés, pourrait donc déboucher sur la dissolution du Parlement, actant l’explosion gouvernementale, lors d’une séance exceptionnelle tenue par le Sénat le 20 août. Cette mesure impliquerait l’organisation d’élections législatives anticipées au cours de la seconde moitié du mois d’octobre.

Comme le souligne Jérôme Gautheret dans un article paru dans Le Monde, Salvini compte aussi sur le fait que « le M5S paie aussi l’existence dans ses statuts, depuis les origines, d’une limitation à deux mandats, Ainsi donc, en cas de dissolution, tous les élus siégeant depuis 2013 seraient par définition éliminés. Cette épée de Damoclès pesant sur tous les parlementaires « historiques » du M5S explique la très faible pugnacité de ses élus, qui auront tout fait pour éviter l’éclatement d’une crise. En théorie, si un nouveau scrutin est convoqué pour cet automne, ni le président de la Chambre des députés, Roberto Fico, ni Luigi Di Maio lui-même ne pourront se représenter. »

Une déclaration de guerre en pleine trêve estivale, qui n’est pas sans risque pour Salvini puisque seul le chef de l’Etat, Sergio Mattarella, a le pouvoir de dissoudre le Parlement mais surtout, que les contradictions économiques sont croissantes dans le pays.

Derrière une apparente position de force, les faiblesses de la Ligue et de Salvini

Le leader d’extrême-droite tente manifestement le tout pour le tout, alors qu’il semble au sommet de sa puissance et que ses (anciens) alliés populistes connaissent une chute brutale. Mais pour autant, cette apparente position de force n’est pas sans masquer de profondes contradictions pour Matteo Salvini. A commencer par la situation économique de l’Italie, qui s’achemine vers une crise très importante et un conflit croissant avec l’Union européenne, étant le deuxième pays le plus endetté.

Comme nous l’écrivions en juin, « l’arme principale de discipline sur laquelle compte Bruxelles reste les marchés financiers. Compte tenu du haut niveau d’endettement de l’Italie, tout resserrement des marchés financiers heurterait de plein fouet les intérêts de la bourgeoisie italienne, ce qui ne tarderait pas à fragiliser Salvini. Dans ce contexte, le « mexican standoff » entre l’UE et l’Italie pourrait bien mener à une escalade, chacun espérant jouer sur le rapport de forces à son avantage. Pour l’UE, en pleine tourmente avec le Brexit, au moment où les partis du centre sortent particulièrement affaiblis et avec la montée des populistes de droite, afficher un visage de fermeté est décisif pour éviter l’escalade. »

Ainsi, apparaissant comme le responsable direct des probables élections anticipées et de l’explosion de la coalition, Salvini s’expose à assumer seul les négociations à venir avec Bruxelles et leurs conséquences sur la population, ce qui pourrait marquer la fin de son heure de gloire dans ce contexte d’instabilité croissante.


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