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Répression à la SNCF

Interview d’un syndicaliste sous procédure de radiation. « C’est de l’acharnement ce qui se passe à la SNCF »

Révolution permanente a interviewé Mathieu Relin, délégué du personnel SUD Rail à Mulhouse. Il est sous procédure de radiation depuis les grèves de juin dernier. L’objectif de la direction de la SNCF est clair : se débarrasser des militants qui contestent sa politique pour ensuite mieux pouvoir appliquer les réformes qui visent à casser les conditions de travail des cheminots et le service public ferroviaire. Il est donc plus nécessaire que jamais de lutter pour unifier les combats, pour la convergence de tous les secteurs victimes de la répression policière, judiciaire et disciplinaire. Le prochain rendez-vous sera sans doute le 11 janvier à Amiens pour la relaxe des 8 de Goodyear, mais il serait difficile d’en rester là. Propos recueillis par Laure Varlet

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Depuis juin dernier, tu es sous procédure de radiation à la SNCF pour des faits de grève. Tu peux nous raconter quelle est ta situation actuellement ?

Mathieu : Je suis actuellement sous procédure de licenciement à la SNCF. C’est une procédure qui est longue puisque je suis délégué du personnel SUD Rail. Cette procédure arrive suite à des événements qui ont eu lieu le 14 juin au retour de la manif à Paris lors de cette journée de grève nationale. On était plusieurs cheminots avec les drapeaux SUD Rail à bord du train, on a été pris à partie par des voyageurs, puis un contrôleur a décidé d’appeler la police pour un contrôle d’identité, et ça s’est soldé par une garde-à-vue de 19 heures. Quand on dit garde-à-vue on pourrait imaginer qu’il y a quelque chose de grave qui s’est passé, mais en vérité aujourd’hui dans notre pays, on nous met en garde-à-vue pour rien du tout. Moi j’ai été placé en garde-à-vue pour menace, mais le lendemain après la confrontation, ça a été classé sans suites.

Ça aurait dû en rester là, mais l’entreprise, qui m’a à l’œil depuis un moment, a voulu aller plus loin. Je suis conducteur à la SNCF depuis mes 18 ans, j’ai toujours milité et cela fait quatre ou cinq ans que je suis délégué du personnel. Je suis actif sur pas mal de sujets, et ils ont peut-être vu l’occasion de m’attaquer et donc ils sont allés chercher les témoignages des clients quinze jours après les faits. Peut-être qu’au début ils n’avaient l’intention de le faire, mais il y a eu une réunion de délégués du personnel où j’avais fait une déclaration par rapport aux attaques et aux changements sur notre réglementation du travail qui se préparent dans la boîte, et ils n’ont pas supporté que je sois aussi revendicatif. C’est à ce moment-là qu’ils sont allés chercher des courriers, ils sont montés à la charge, et c’est là qu’ils ont dit qu’ils voulaient me radier.

Comment se construit la mobilisation pour te défendre ?

M : Les choses commencent à bouger au niveau de la mobilisation. Il y a eu un article sur L’Alsace qui a fait beaucoup de bruit, il y a Révolution permanente qui a parlé de nous, et la pétition a plus 5 mille signatures. Et puis il y a eu la journée du 16 novembre, où avec le comité de soutien nous avons fait venir Mickael Wamen de la CGT Goodyear, et d’autres comme Gaël Quirante de SUD PTT 92, pour un meeting contre la répression. C’était une soirée assez riche, cela a permis de parler des cas de répression qu’on trouve un peu partout en France. L’objectif est de nous faire taire. Cette rencontre a été un succès et la direction en a pris note, je l’ai senti juste après. Le comité d’entreprise a ensuite rejeté mon licenciement. Il y a eu des questions, et les délégués ont majoritairement voté contre. Et donc là nous passons à l’étape suivante, c’est-à-dire que l’inspection du travail se retrouve avec le dossier. On a eu un premier rendez-vous le 23 novembre, où j’étais accompagné par mon défenseur de SUD Rail. Nous avons apporté toutes les pièces au dossier et puis l’inspection du travail doit maintenant mener l’enquête. J’espère qu’ils vont vraiment chercher à faire la lumière sur ce qui s’est passé, rétablir le fait que j’étais gréviste et que pour me licencier il faut vraiment qu’ils trouvent une faute lourde, chose qui n’a pas existé. Ils ne peuvent pas faire ça comme ça.

En attendant l’avis de l’inspection du travail, qui a le temps jusqu’au 5 janvier pour rendre son verdict, j’ai voulu reprendre le travail. Je suis considéré apte par le médecin et par le psychiatre, mais la boîte a décidé de m’envoyer à l’atelier et je suis en train de peindre des wagons, alors que ce n’est pas mon métier ! Mais je sais qu’ils n’ont pas le droit de faire ce qu’ils font, de m’éloigner de mes collègues, je suis délégué du personnel. Ensuite, s’il faut, on ira jusqu’au Ministère, et après au niveau du Ministère ils doivent rouvrir une enquête qui peut durer encore entre quatre et cinq mois, donc leur but est évident. Et en attendant, ils m’ont éloigné de mes collègues. Ils m’empêchent non seulement de conduire un train, c’est-à-dire de faire mon métier, mais également ils m’éloignent du collectif de travail. Ils mettent des excuses comme quoi il y aurait un risque psycho-social par rapport au collectif de travail car on pourrait m’agresser et me harceler, alors qu’en réalité j’ai un soutien total de la part de mes collègues ! Au début, ils avaient même dit qu’il ne fallait pas que je bosse avec d’autres personnes, qu’il fallait que je sois isolé, donc c’est de l’acharnement. Ils ne veulent pas que je raconte ma vérité aux cheminots, ils m’ont même interdit d’utiliser ma boîte mail de l’entreprise pour diffuser les informations concernant mon cas, mais les collègues ils voient tout ça, ils ne sont pas dupes.

Ton cas est un cas emblématique au sein de la SNCF, mais c’est la pointe avancée d’une politique de répression qui va au-delà de ton cas individuel. Quel est l’objectif de la direction en faisant tout ça ?

M : Oui, tout à fait. Il y a 400 cas de répression recensés au sein de la SNCF, 400 procédures disciplinaires ou pénales qui sont liées au mouvement du printemps dernier contre la loi Travail. Ce n’est donc pas un hasard qu’il y ait 400 cas de répression d’un coup, qui aboutissent en plus à des sanctions très lourdes comme ma radiation, ou 60 000 euros d’amende, ou des peines de prison avec sursis. Ou certains syndicalistes qui sont menacés de licenciement, ou qui ont un dernier avertissement, ce qui veut dire que pendant un an ils doivent faire attention à tout ce qu’ils disent parce que la boîte peut les licencier à n’importe quel moment. Mais si la boîte fait tout ça, si elle mène cette politique de répression lourde, c’est pour préparer le terrain des changements à venir. Dans nos réglementations à la SNCF, ils ont mis un peu de la loi El Khomri dedans, avec l’article 49 qui est une espèce d’inversion des normes version chemin de fer, qui leur permet de déroger aux règles de notre RH sous couvert de raisons économiques et de redescendre jusqu’à la convention de branche. À partir de là, tu te rends compte qu’il va y avoir des conflits. Et donc comment ils pourraient faire passer de telles attaques si ceux et celles qui sont à la pointe du combat, qui sont sur le terrain pour défendre les collègues, comme moi ou sans doute les 400 autres, sont là pour l’empêcher ? C’est ça leur objectif, car ce ne sont pas des militants de la CFDT qui sont victimes de la répression aujourd’hui. Si les plus durs se font casser les ailes, derrière ça va être plus facile pour la direction d’attaquer l’ensemble de cheminots.

Le 14 juin, on était des milliers dans la rue, tous ensemble, mais aujourd’hui on se fait emmerder chacun dans son coin. À un moment donné, il faut vraiment qu’on se rassemble, qu’on montre notre force en étant unis et solidaires. Le 19 et 20 octobre à Amiens, c’était un premier pas en ce sens, où on s’est tous rassemblés en cherchant à être ensemble, avec les nombreux témoignages et cas de répression qu’on a vu défiler sur scène. La convergence de luttes est fondamentale, au-delà des cheminots, il faut chercher à faire converger les différents secteurs. Le 11 janvier il y a une nouvelle journée de mobilisation à Amiens pour la relaxe des Goodyear, mais c’est aussi une journée de mobilisation où on peut tous se rassembler. Il faut qu’on soit nombreux à nouveau, c’est une manière de dire au gouvernement qu’on ne se laissera pas faire, qu’on ne laissera pas les militants aller en taule, qu’on ne laissera pas les violences policières et la répression impunies, que ce soit les jeunes dans les quartiers ou les syndicalistes dans les boîtes, il faut vraiment qu’on se réunisse, qu’on lutte ensemble.

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