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Discours médiatique

« Inconscient », « état de nature », « meute » : l’offensive des médias dominants contre les quartiers populaires

Depuis le début du confinement, médias dominants, droite et extrême-droite tirent à boulets rouges sur les habitants des quartiers populaires, présentés comme incapables de respecter les consignes de confinement. Ces populations servent de bouc-émissaires pour expliquer la mauvaise gestion de la crise du Covid-19 alors même qu’ils sont souvent en première ligne face au virus.

Wangrin

20 avril 2020

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Un discours mensonger et stigmatisant

Dans un article consacré au nord de Paris et publié aujourd’hui par Valeurs Actuelles le journaliste parle « des arrondissements peuplés d’irréductibles inconscients résistant toujours et encore aux lois de la République ». Tout est dit ici du discours nauséabond qui revient sans cesse sur les plateaux télés et dans la bouche des politiciens. Il s’agit au mieux de caractériser les habitants des quartiers comme des inconscients, au pire comme des sociopathes dont l’incapacité à « s’intégrer » à l’unité nationale face au Covid-19 expliquerait l’inconséquence.

L’hebdomadaire d’extrême-droite dirigé par un proche de Marion Maréchal le Pen a depuis le début du confinement multiplié les articles montrant les forces de l’ordre comme un rempart face à la supposée insubordination voir à la criminalité des habitants de ces quartiers. C’est alors l’occasion de dépeindre « ces gens » comme à la fois rebelles et idiots, incapables de saisir les enjeux de la crise sanitaire.

Cette phraséologie médiatique reprend allègrement le discours xénophobe et banalisé de l’extrême-droite.Les banlieues sont ainsi décrites comme de vastes zones de non-droit et tout est bon pour étayer cette représentation. Ainsi comme le relève le site Acrimed, Valeurs Actuelles, , s’est permis d’illustrer un article portant sur les « territoires perdus du confinement » par une photo des émeutes prise à Sarcelles en 2014.

Sur le site Atlantico les « éléments juvéniles », comprendre les jeunes habitants des quartiers populaires, sont décrits comme étant à « l’état de nature », victimes d’une « puérilité prolongée » et de colères explosives et sauvages », s’agrégeant en « meute pour une rixe ». L’animalisation des habitants et en particulier des jeunes est ainsi un procédé bien utile pour stigmatiser et délégitimer les habitants des quartiers et leurs expériences du confinement. Cette manière de les présenter avec des caractéristiques d’animaux ou de sauvages vise à créer un sentiment d’altérité et nourrit une mentalité d’assiégés dans le lectorat et l’électorat de ces milieux réactionnaires. Ce discours n’est bien sur pas nouveau et puise dans un référentiel colonial et néocolonial, opposant avec les bons citoyens qui respecteraient le confinement et des populations naturellement indisciplinées et irresponsables incapables de prendre en compte l’intérêt collectif.

Le relai conscient d’une idéologie marquée

Cette animalisation puise ses sources dans l’imaginaire colonial et relève aujourd’hui de la banalisation d’un discours xénophobe qui n’est pas l’apanage des médias réactionnaires mais est largement relayé dans la presse générale.
Les grands médias, financés par des groupes capitalistes importants, sont un point d’appui important dans la diffusion de l’idéologie dominante et la construction de l’image d’un ennemi intérieur qui justifie de s’en remettre au maintien de l’ordre tel qu’imposé par le gouvernement. Ainsi, alors que des dizaines d’images montrent des familles du 16ème arrondissement qui se dégourdissent les jambes librement dans les parcs le week-end, la majorité de la presse relaie « l’insubordination » des jeunes des quartiers. Sujets d’ailleurs uniquement traités sous l’angle sécuritaire, en faisant l’impasse sur des violences policières évidentes, voir en diffamant les victimes. Les sources sont ainsi scrupuleusement choisies et proviennent des autorités ou proche. Jamais on n’aura accès aux expériences des personnes visées par les politiques répressives, jamais on ne donnera la parole aux habitants.

Par exemple, dès le 20 mars le journaliste de là bas si j’y suis Taha Bouahfs dénonçait un article du Parisien intitulé : « Coronavirus dans les Yvelines : les bandes refusent les contrôles et agressent les policiers à Trappes » et qui n’était basé que sur des sources policières et l’interview d’un syndicaliste policier.

La réponse sécuritaire et la militarisation comme panacée

Un des marqueurs de ce journalisme de préfecture c’est donc une grille de lecture sécuritaire, qui prône sans cesse le recours à la répression policière pour faire « respecter le confinement ». Dans l’édition papier du parisien daté du 18 mars cette vision coercitive des mesures sanitaires va jusqu’à promouvoir le recours à l’opération sentinelle, donc aux militaires dans le cadre du confinement. Ce discours fait échos aux appels à l’intervention des forces armées pendant le mouvement des gilets jaunes. Ainsi, Eric Ciotti déclarait dans une interview accordée au Figaro et publié le 22 mars, « des mesures beaucoup plus coercitives s’imposent. Je demande le déploiement de l’armée dans ces quartiers (…) Les tensions montent partout dans les quartiers […]. Certains pourraient profiter de la situation pour se livrer à des pillages ou à des exactions », feint-t-il de s’inquiéter pour mieux justifier son idée que seule l’armée peut protéger les bons citoyens français des classes dangereuses.

Ce discours politico-médiatique abject est l’un des principaux soutiens des politiques répressive et stérile mises en place dans les quartiers populaires depuis des décennies.


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