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Gilets Jaunes

Il faudra plus que « BFMTV, la flicaille et du Lexomil » pour arrêter le mouvement des gilets jaunes !

C’est une citation du philosophe Frédéric Lordon, prononcée lors d’un rassemblement Nuit Debout à Paris en 2016 « On ne tient pas une société éternellement, avec BFM, de la Flicaille et du Lexomil … Il y a un moment où les têtes se redressent ». Cette citation, reste d’actualité en 2019 par rapport au traitement médiatique, au one man show sécuritaire du gouvernement, en vue de l’Acte XIX, et à la réponse des gilets jaunes présents dans la rue ce samedi, et toujours déterminés.

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Crédits photo : Gurvan Kristanadjaja @GurvanKris

Parler de la casse pour esquiver la fin du Grand Débat

Le gouvernement continue à entretenir l’illusion que le « Grand Débat » n’est pas encore totalement fini, à travers des subterfuges variés comme les conférences citoyennes. Mais, pour les Gilets Jaunes et l’ensemble des Français, le Grand Débat, lancé à la mi-janvier pour se conclure le 16 mars dernier, est bel et bien fini. Cependant les médias se font le relai de l’idée qu’il n’y aurait plus de crise sociale, que le Grand Débat n’était qu’un espace de discussions, sans nécessité de répondre concrètement à la crise, et expliquant que les choses allaient prendre du temps pour se régler quoi qu’il arrive. C’est en tout cas ce message qu’essaye de transmettre le gouvernement aujourd’hui à travers ses relais médiatiques.

Dans le débat organisé par BFM TV ce mercredi 21 mars, autour de la crise sociale, le discours du représentant de La République En Marche, Stanislas Guerini, montre encore une fois à quel point ce gouvernement pratique l’enfumage en permanence. Stanislas Guerini a osé, à l’aide d’une fiche de paie, expliquer que les salariés gagnent mieux leurs vies, les retraités également et que les entreprises embauchent plus… Circuler donc, il n’y a rien à voir. Il est allé jusqu’à expliquer que les « Vrais » Gilets Jaunes, étaient déjà, depuis décembre, « satisfaits » des mesures d’urgence du gouvernement. La République En Marche, continue donc à inventer des récits qui sont contés sur les plateaux télé, pendant qu’en parallèle elle commence à préparer le terrain des réformes contre le système de retraite. Pourtant un sondage Elabe montre que la préoccupation du pouvoir d’achat est de plus en plus forte depuis un mois, Bernard Sananez directeur de l’institut expliquant que « cela montre bien que les mesures de décembre sont invisibles ».

En réalité, le mouvement des gilets jaunes est ancré profondément depuis maintenant 4 mois, et ni la répression, ni les Grands Débat, ni les « 10 minutes 10 milliards » imaginaires, ne l’ont fait s’arrêter. Si les manifestants sont moins nombreux qu’au tout début de la mobilisation de novembre, la masse des gilets jaunes, déterminée à aller jusqu’au bout, reste constante. La crise va être dure à freiner, notamment avec la hausse des prix de l’énergie à la fin du mois, la baisse du nombre d’embauches en 2018, malgré les milliards en CICE et la suppression de l’ISF, la politique du ruissellement de Macron, ne fonctionne pas. Pis encore, le prix de l’essence a augmenté revenant quasiment au prix du mois d’octobre, sous couvert de la crise en Algérie et au Venezuela, pour justifier la hausse du prix du baril. Qu’est-ce qui a donc changé pour les gilets jaunes, depuis quatre mois ? Rien !

Un sondage pour Atlantico, montre que 39% des Français considèrent qu’il faut une révolution pour changer le système. C’était également un slogan qui avait surpris lors de l’Acte 18, lorsque des milliers de gilets jaunes entonnés dans une avenue des Champs Elysées « Révolution, Révolution ». C’est aussi 28% des Français qui disent comprendre la violence des gilets jaunes et même si le soutien au mouvement perd 8 points après l’instrumentalisation des vitrines cassées du Fouquet’s, ils sont encore 53% de Français à soutenir le mouvement après quatre mois. De plus en plus de Gilets Jaunes revendiquent le fait d’attaquer les symboles du pouvoir et de la bourgeoisie, relativisant les images de vitrine cassées à coté de celle de vies brisées et de SDF morts dans la rue en 2018 par centaines. Stéphane Sirot, un sociologue expliquait « Macron ne va pas démissionner, il ne va pas mettre en place le RIC, ou rétablir l’ISF. On ne voit pas comment le mouvement va pouvoir s’arrêter sans réponse concrète à la crise sociale »

Une semaine terrible pour le gouvernement

Alors que la guerre est ouverte entre le gouvernement et le Sénat autour de l’affaire Benalla, la semaine a été difficile pour le gouvernement qui a dû faire face aux attaques à droite sur son laxisme, et à gauche avec l’annonce de Benjamin Griveaux d’avoir recours à l’armée pour le maintien de l’ordre. A cela s’ajoute une polémique autour de la réforme des retraites, lancée par Agnès Buzin la ministre de la santé. En termes de communication, on est dans un niveau d’amateurisme sans précédent.

Nous avons assisté à un rétropédalage sur le sujet du recours à l’armée, obligeant le Président Macron, à intervenir sur le sujet, depuis Bruxelles, lui qui pourtant avait expliqué qu’il ne répondrait jamais sur les sujets sociaux depuis l’étranger. Il aura dérogé à la règle tant la pression est forte, autour de cette polémique autoritaire dans le pays et même au sein de la majorité dans l’aile dissidente des députés LREM qui avait déjà boycotté à plus d’une cinquantaine le vote de la loi « anti-casseur ». Macron a rappelé « qu’il n’était pas question d’appeler l’armée, que les opérations restent les mêmes de surveillance des sites sensibles pour la lutte contre le terrorisme ». Une volonté d’afficher de la fermeté, pour l’électorat de droite après l’acte 18 et en même temps la nécessité de ménager son aile gauche. Le macronisme continue à gérer la crise sociale et politique ouverte depuis 6 mois maintenant, en faisant le grand écart. Pourtant s’il y a bien quelque chose qui ne passe pas dans l’opinion publique, c’est bien l’appel à l’armée pour résoudre la crise sociale. Un Bad-Buzz dont le gouvernement aura du mal à se défaire.

Macron ayant repoussé son allocution à la mi-avril, a prévenu avant de faire la synthèse du Grand Débat qu’« il y’aura beaucoup de déçus ». Que faire donc, pour arrêter ce mouvement des gilets jaunes, qui a poussé le gouvernement durant l’Acte 18, dans une crise politique majeure du quinquennat ? Poussant le gouvernement a sacrifier coup sur coup Alain Gibelin, le chef de l’ordre public de la préfecture de police de Paris, ainsi que Michel Delpuech préfet de police de Paris. Deux éléments importants du Ministère de l’intérieur, qui pourtant avaient réussi à passer le test durant l’été des auditions sur l’affaire Benalla, et des scènes insurrectionnelles du 1er décembre sur Paris. En off, un proche de l’Elysée, explique qu’à la prochaine mauvaise gestion de l’ordre, Castaner serait le prochain fusible de Macron. Le tout sur fond de bataille politique à droite pour se disputer l’hégémonie sécuritaire. Jamais les Républicains, n’ont été aussi présents après une manifestation des gilets jaunes, qu’après cette Acte 18. Une offensive en règle pour récupérer les points perdus face à Macron, qui a utilisé le Grand Débat comme un vrai moyen de faire campagne contre la droite pour les européennes. Les Républicains, ayant une doctrine plus autoritaire que Macron, ont participé à la montée du tournant autoritaire qu’est en train d’opérer le gouvernement, à la suite de l’Acte 18. Rappelons-nous que ce n’est pas étonnant que des personnes comme Luc Ferry, dès le mois de Décembre appelait déjà à « tirer à balles réelles » sur les manifestants.

Le One Man Show sécuritaire

C’est dans cette ambiance de surenchère d’autorité, que le gouvernement a déployé tout l’arsenal répressif, incarné cette fois-ci par Edouard Philippe, celui qui aujourd’hui assure une stabilité électorale à droite pour Macron, pour contrer l’offensive des Républicains. Ce samedi, fini les plateaux télés composés de sociologues, d’historiens, de spécialistes des mouvements sociaux, d’éditorialistes. Les médias étaient sous « contrôle » militaire, avec des colonels, des syndicats policiers, des gradés de la gendarmerie, des images en boucle du nouveau Préfet Didier Lallement, descendant fièrement, une avenue des Champs-Elysées complètement déserte et bunkerisée, discutant avec des commandants de police : « L’ordre s’impose, n’oubliez pas notre doctrine, la force reste à la loi ».

Voilà donc l’angle médiatique qui a été pris dès 9h du matin, « autorité, autorité, autorité », cela ressemblait presque à une journée de couverture du défilé militaire du 14 juillet. Pourtant ce one man show, mettant en avant le nouveau Préfet de Police, dans le rôle du Sherif de Paris, n’était que de la poudre de perlimpinpin pour reprendre une expression chère au Président.

Le déploiement de forces extraordinaires, la mise en place de nouvelle brigade, comme la BRAV, « brigade de répression des attaques violentes », l’utilisation de drones, ou encore ces images du journaliste de Libération montrant le dispositif impressionnant sur l’avenue des Champs Elysées, montre le ridicule de la situation. Si le gouvernement instrumentalise le calme des manifestants ce samedi, en expliquant que cela est grâce à son dispositif de maintien de l’ordre, la réalité est toute autre. Car comme nous le savions, cette journée du 23 Mars allait être calme, le criminologue Alain Bauer sur le plateau de « C Dans l’air », explique même « De toute façon tout le monde savait qu’il n’y avait rien ce Samedi, suffit de lire les pages Facebook, les « yellow block » ( NDLR : expression donnée aux gilets jaunes utilisant les moyens de lutte du Black Bloc) ont dit que les prochaines manifestations chaudes seront pour la mi-avril ». Les gilets jaunes restent maitres des horloges, contrairement à ce que voudrait faire croire le gouvernement.

Malgré le tournant sécuritaire, les gilets jaunes ne lâchent rien

La criminalisation des manifestants dans les médias, voulant les rendre à tout prix complice de la casse, est un échec total, avec un Acte 19 en hausse par rapport à la semaine dernière. Cela montre s’il fallait encore, que les gilets jaunes sont déterminés plus que jamais à lutter, bravant les « interdits » et ignorant les sommations à rentrer chez eux. Ce qui semblait être une victoire pour le gouvernement, est en vérité une défaite de plus, car il ne faut pas être aveugle, pour voir que tout a été fait pour tétaniser et faire peur aux gilets jaunes, afin de vider numériquement le mouvement. La meilleure démonstration de cela est sûrement la pitoyable intervention de l’ex grande gueule de RMC et député LREM, Claire O’Petit, expliquant que les militaires après trois sommations passeront à l’attaque.

Il faudra cependant ne pas négliger le tournant sécuritaire dans la suite des événements, avec la hausse des interpellations et des contraventions pour présence dans une manifestation non déclarée. Cette semaine aura sans doute au moins servi au gouvernement à relégitimer les violences policières après avoir vécu deux semaines de dénonciation de la gestion du maintien de l’ordre. L’instrumentalisation des images du 16 mars, aura par exemple permis à Christophe Castaner, d’esquiver le fait que deux gilets jaunes ont été éborgnés dans l’indifférence médiatique, alors qu’on expliquait partout que la casse était du fait que le LBD n’avaient pas été utilisé ce jour-là, ce qui était totalement faux. Il faudra donc plus que BFM, de la flicaille et du Lexomil, pour arrêter les gilets jaunes.


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