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Quand la Mairie sous-traite les évacuations aux associations

Lycée Quarré. 800 migrants expulsés à Paris

23 octobre, 6h du matin. Sur la Place des fêtes dans le 19ème arrondissement, ce vendredi semble être un vendredi comme les autres. Les vendeurs installent leurs stands de fruits et légumes pendant que les travailleurs montent dans les premiers métros. Pourtant, ce vendredi n’a rien d’ordinaire, puisqu’à quelques dizaines de mètres, ce sont plus de 800 migrants qui sont en train d’être expulsés du lycée Jean Quarré, lycée désaffecté dans lequel ils s’étaient installés depuis trois mois, dans des conditions vraiment précaires. Maria Chevtsova

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Un quartier assiégé par les forces de sécurité

Ce qui choque en arrivant sur place au petit matin, c’est le nombre de CRS déployés dans le quartier. Ils sont plusieurs centaines et ont pour ordre de ne laisser personne approcher du lycée. Lorsqu’on leur demande « on peut rejoindre le lycée par cette rue ? » les robocops répondent « négatif ! » : la journée n’est pas au dialogue, le décor est planté. Il faut donc trouver un bon prétexte pour arriver à rejoindre le petit groupe des soutiens arrivé dès 4h du matin, et composé des activistes qui ont suivi la lutte des migrants depuis plusieurs mois, des militants politiques ou associatifs, ou de simples habitants du quartier, solidaires. Au total, ce sera une centaine de personnes qui seront venues soutenir les migrants, scandant les slogans « Solidarité avec les réfugiés » pendant plusieurs heures.

La veille, alors que les bruits d’une évacuation imminente couraient au lycée et dans les réseaux militants, les migrants se sont réunis en AG. Collectivement, ils ont décidé, après des longues discussions, d’accepter de « monter dans les bus » à la condition que des solutions de relogement soient proposées pour l’intégralité des migrants. L’Ofpra, le lendemain matin, vendredi 23, est arrivée à 4h du matin avec près de 25 bus, et l’engagement de prendre en charge le relogement de 800 migrants, le temps qu’ils déposent leur demande d’asile en Préfecture, c’est-à-dire avec la promesse qu’un logement leur serait assuré pendant un mois. Mais après ce mois, rien n’a été évoqué, sachant que les demandes d’asile prennent souvent plusieurs mois… La Mairie de Paris avait également assuré que les migrants seraient conduits dans des centres de relogement en région parisienne. Ce qui a vite été démenti car les premiers cars prenaient la direction de Nancy, à plusieurs centaines de kilomètres de la capitale !! Et comme la Mairie de Paris a refusé que des personnes faisant partie du comité de soutien aux migrants montent dans les bus, il a été difficile de savoir où les migrants étaient conduits. Heureusement que certains ont pu indiquer de leur destination par texto. Mais enfin, que cherche la Mairie de Paris ? A éparpiller les migrants sur l’ensemble du territoire pour qu’ils ne puissent pas revenir ? La Maire de Paris, Anne Hidalgo, pense-t-elle vraiment que ces hommes et ces femmes qui ont traversé des déserts et des mers au péril de leur vie, ne sauront pas retrouver la route de la capitaleune fois arrivés en province ? De quelle indécence font preuve ces politiciens ! Ceux-là même qui n’ont plus qu’une obsession : les élections régionales de décembre.


Relogement ou expulsion ?

Expulsion ? Non, ce n’est pas ce terme qu’ont décidé d’utiliser la Mairie de Paris, les associations présentes et les médias : ils préféreront parler de « relogement ». Mais ce n’est pas de « relogement » dont il a été question vendredi, mais bel et bien d’une grande expulsion que la Mairie de Paris a organisée en collaboration avec l’Ofpra. Sinon comment justifier un tel dispositif sécuritairecomprenant plusieurs centaines de policiers et CRS ? La Mairie de Paris a choisi, de son point de vue, l’option la moins dérangeante pour évacuer ce lycée occupé. Plutôt que d’envoyer ses chiens de garde, l’évacuer manu militari, ce qui aurait été assez difficile à assumer quelques semaines avant les élections régionales, elle a décidé de mobiliser des associations de terrain comme Emmaüs et France Terre d’Asile pour convaincre les migrants qu’il y aurait une prise en charge.

Reste beaucoup de doutes sur cette prise en charge. L’État n’a pas pris d’engagements écrits, juste de promesses orales. Ainsi il semblerait que les migrants du Lycée se verront offrir un hébergement pendant un mois afin que ceux qui le souhaitent pourront entreprendre, ou continuer, leur démarches d’asile. Quid de personnes qui ne voudront pas déposer une demande d’asile, ou pas en France ? Quid des personnes qui seront mises sous procédure Dublin (l’État en charge d’examiner leur demande d’asile c’est l’État européen où les empreintes digitales ont été prises) ? Quid des personnes qui sont ou seront déboutées de l’asile ? Quid des personnes qui, tout en vivant dans le Lycée, étaient absentes ce matin ? Pour toutes ces situations les appareils d’État n’ont évidemment rien voulu promettre. Et surtout, après l’expiration de ce mois de prise en charge, que va-t-il se passer pour ces personnes ? Nul ne le sait. En cas de mise à la rue les migrants se retrouveront ainsi complétement démunis, sans pouvoir compter sur un réseau de soutien.

Les premiers démentis du succès affiché devant les caméras par le préfet de la région Ile-de-France arrivent très tôt. Des migrants, en prenant connaissant d’être envoyés dans d’autres régions ont voulu descendre des bus. De plus, environ une centaine de personnes, pourtant présentes ce matin dans la cour du lycée, n’ont vu aucune offre d’hébergement. Elles se sont alors installées devant l’Hôtel de Ville, avec une centaine de soutien, pour interpeller la maire socialiste Mme Hidalgo. Tout de suite encerclées par des cordon des CRS, à l’heure où nous écrivons elles avaient obtenu qu’une délégation soit reçue par la Mairie.


La politique socialiste envers les migrants

Rien n’a changé dans la politique socialiste envers la crise des migrants et des réfugiés depuis cet été. Alors que fin juillet a été approuvée la nouvelle loi sur le droit d’asile, le scénario de cette expulsion reste du même type que les expulsions mises en place cet été dans le quartier de La Chapelle. De grands camps de migrants étaient laissés sans aucune aide de la part des autorités publiques pendant des mois, l’État déléguait ainsi à la bonne volonté des habitants du quartier et des soutiens la solidarité envers ces personnes en fuite de persécutions et misère. A partir du moment où les autorités considéraient que cet abandon commençait à devenir trop hors de leur contrôle et médiatiquement nuisible, voilà que des opérations de « prise en charge » étaient organisées à l’aide de l’intervention coordonnés avec l’OFPRA et des associations déléguées de service public, et avec l’appui de centaines de CRS qui quadrillaient militairement les quartiers.

Les résultats de ces opérations « humanitaires » nous les avons reportés pendant tout cet été : absence d’une réelle prise en charge, remise à la rue pour grand nombre de personnes, reconstitution d’autres campements dans des conditions encore plus précaires et déstabilisantes pour les personnes qui ont débouché aussi sur leur démantèlement violent et sur une chasse aux réfugiés dans les rues du quartier La Chapelle. C’est suite à ces expulsions et ces non prises en charge que le lycée Jean Quarré a enfin été occupé et maintenu pendant plusieurs mois avec un nombre toujours plus important de personnes qui venaient y chercher refuge. Avec cette nouvelle opération d’expulsion les autorités avaient l’ambition de mettre le point final à la crise parisienne des migrants et aux mobilisations pour leur droit d’installation qu’elle avait suscité. L’échec s’annonçait dès cet après-midi comme nous l’avons souligné.

Il n’y aura pas de solutions viables à la crise de migrants tant qu’on n’imposera pas la fin des interventions impérialistes (armées et économiques) à partir de celles au Moyen Orient et en Afrique. Ce ne sera pas le tour en Égypte et dans les pays du Golfe de Manuel Valls et du ministre de la défense Le Drian (accompagnés par quelques patrons à la recherche d’affaires lucratives), afin de vendre des armements lourds produits par la haute technologie militaire française, qui permettra de mettre un terme au chaos moyen-oriental. Bien au contraire.

Les mobilisations de solidarité avec les migrants du printemps et de l’été dernier ont été caractérisées par la très faible présence des organisations de la classe ouvrière, syndicales surtout, mais aussi politiques. Aujourd’hui, ces dernières se doivent de prendre explicitement position aux côtés des migrants. Dans la rue aussi bien que sur les lieux de travail et d’étude. Une première occasion ce sera le samedi 24 octobre, lors de la manifestation contre les frontières qui partira à 15h depuis Place des Fêtes.


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