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Violence homophobe

Hanouna : lamentables justifications d’une énième séquence homophobe à la télévision

Dans l'émission Touche Pas à mon poste, bien connue pour son mauvais-goût et ses provocations, Cyril Hanouna a encore frappé, dans une séquence d'homophobie décomplexée qui a fait grand bruit.

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Cyril Hanouna est un multi-récidiviste de la violence et de la domination mises en spectacle. C’en est devenu son fonds de commerce. Malgré les scandales qui s’empilent et les dénonciations qui se multiplient, mêlant agression sexuelle, homophobie, transphobie, sexisme ordinaire, et humiliations quotidiennes de tous ceux qui travaillent dans son émission quotidienne (Touche Pas à Mon Poste), Hanouna continue à surfer sur son succès médiatique, adulé par ses fans sur les réseaux sociaux et synonyme de profits juteux pour le marché de la télévision et de ses sponsors. Mais depuis quelques jours, l’équipe de TPMP doit se dépêtrer d’une affaire scandaleuse dont les retombées sont trop menaçantes pour qu’elle ne les prenne pas au sérieux.

Une séquence qui fâche

Jeudi dernier, une nouvelle séquence a fait grand bruit sur les réseaux sociaux puis les médias ; séquence nauséabonde où l’animateur a piégé des jeunes à travers une appli de rencontre en singeant un personnage bisexuel efféminé – Jean-José – pour les mener à parler de sexualité entre hommes à une heure de grande audience. L’homophobie (et le sexisme) étaient donc au rendez-vous, avec le rabaissement archétypique (image redondante de notre culture) de l’homosexuel par sa féminité.

Le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel a reçu un record de 20 000 plaintes de la part de téléspectateurs. Sur les réseaux sociaux se sont multipliées les appels à la raison, ou les coups de colères et de larmes, comme des témoignages émouvants de spectateurs homosexuels ayant vécu des tragédies liées à l’homophobie, notamment sur les applis de rencontre où la menace de violences est bel et bien réelle. Un témoignage poignant a aussi été relayé par la presse, porté par un membre du Refuge, une association qui accueille, héberge et accompagne les jeunes victimes de violences LGBTphobes, relatant l’appel à l’aide bouleversé d’une des victimes du canular de Hanouna, effrayé par la perspective d’être reconnu par sa famille ou son entourage. Des activistes LGBTI ont aussi tagué ce lundi à l’aube, devant le CSA, des slogans tels que « Hanouna producteur d’homophobie » et « CSA complice », accusant, non seulement Hanouna, mais aussi le système qui l’encadre.

Malgré toutes ces conséquences directes, ce lundi soir, l’émission et son équipe se sont arc-boutées pour défendre leur égérie, usant des plus grosses ficelles pour légitimer les écarts de leur chroniqueur, qui peine à ne serait-ce qu’admettre son homophobie ou à présenter des excuses.

Lamentables justifications, redoutables manœuvres

Pour justifier l’injustifiable, il faut faire usage de nombreux artifices, et le terrain fut préparé bien en amont.

On parle d’abord d’autre affaires scandaleuses qui ont agité la télévision récemment, dénonçant une hystérie médiatique, une vindicte populaire déraisonnée (argument fil rouge) dans la prise en charge de questions d’oppressions, comme un cas de racisme dans un documentaire sur M6, on en vient à débattre de l’oppression même, avec suffisamment de sophismes et de phrases contradictoires pour brouiller les pistes. Puis, on finit par faire jouer le rôle de la colère d’un spectateur par un chroniqueur, colère qu’on trouve compréhensible mais qui ne doit pas se transformer en « haine », en « volonté de faire un procès, de détruire une vie ». Le décor est planté, pour tenter de gérer la polémique : des bourreaux compréhensifs à la culpabilité douteuse, des victimes pas vraiment audibles et des détracteurs colériques qu’il faut appeler à la raison.

Et puis, arrive le plat de résistance. On parle d’ « acharnement médiatique », de « jalousie » et de « haine » dont serait victime Hanouna de la part de chaînes et de chroniqueur-ses concurrents. TPMP, avec le brio sordide dont elle a l’habitude, renverse les rôles et présente Hanouna, la moitié du temps, comme une victime. L’autre moitié du temps, il s’agira de valoriser au maximum l’engagement de Hanouna envers la cause, les rapports d’affection qu’il entretient avec la communauté et son tissu associatif, (Le Refuge ayant pourtant émis le souhait de porter plainte contre lui), et de le mettre dans une posture d’angélisme et d’émoi face aux problématiques de la « communauté », le tout porté par le porte-parole de Stop Homophobie lui-même. Cyril Hanouna, sur le banc des accusés, se retrouve soudain transformé en salvateur de la communauté gay. Une prouesse de la télévision d’aujourd’hui.

Car il faudra, ultime ressort pervers de cette défense réglée comme une horloge, faire s’exprimer des homosexuels en soutien à Cyril Hanouna, une caution LGBT soigneusement ciblée et intéressée – le porte-parole de Stop Homophobie présent annonçant clairement sa volonté à rejoindre les chroniqueur-ses de TPMP. Si la dénonciation du génocide et des crimes atroces perpétrés envers les homosexuels en Tchétchénie par son gouvernement est profondément juste et nécessaire, si elle résonne avec gravité dans ce contexte, il est plus que nécessaire d’insister sur le fait que l’homophobie n’est pas seulement à l’œuvre dans des pays éloignés, mais aussi dans nos sociétés occidentales, où la discrimination, la violence physique et mentale envers les personnes LGBTI sont encore légion.

Bien sûr, dans cette fameuse défense de Hanouna, désormais victime, il faudra tout de même admettre son « erreur » de l’atteinte à la vie privée – risque réel pour le chroniqueur en vérité, car, crime pénal. Mais il faudra surtout bien veiller à couper sans scrupule, et dans le rire, le chroniqueur qui osera suggérer qu’un homosexuel puisse se suicider suite à un tel canular, à ce coming-out forcé, terrible réalité à laquelle on ne peut faire face publiquement, pour sauvegarder la blague, finalement juste « mauvaise » et « mal informée » des risques qu’elle portait « malgré elle ». On excusera la violence qu’elle aura pu produire et qu’elle fera reproduire par des milliers de spectateurs, et on fera bien de tempérer ceux qui veulent « détruire la vie d’une personne par la haine des réseaux sociaux et des médias » – tout en oubliant la haine que Hanouna et son émission diffusent à eux seuls à une heure de grande audience, et les vies qu’ils détruisent réellement.

Mépris de classe

La palme de l’argumentaire reviendra à une chroniqueuse évoquant, de la part d’une caste de « nouveaux bien-pensants » un « mépris de classe » envers Hanouna, et envers les « beaufs et les débiles » qu’il est censé faire rire, transformant avec adresse l’analyse marxiste de la société en une légitimation de l’oppression. Transformation particulièrement contradictoire puisque reproduisant un réel mépris de classe consistant à désigner les « beaufs » comme des êtres homophobes et sexistes par nature – occultant l’homophobie et le sexisme reproduits et coordonnés par les classes dominantes. 

Quant au mépris de classe dont serait victime Hanouna, alors qu’il avoue, quelques instants plus tôt, qu’on lui a déjà proposé 20 000 euros pour un tweet de sa part, force est de constater qu’il est loin d’appartenir à la classe méprisée – celle que l’on exploite et que l’on opprime – mais bel et bien à la classe orgueilleuse de ses propres privilèges et de sa propre domination.

Des origines de TPMP… À sa fin ?

Nous voulons rappeler ici que la violence mise en scène quotidiennement dans TPMP n’a rien d’anodin. Elle est représentative d’un système de domination dont la culture dominante légitime toute la violence de son pouvoir. À travers les minorités, les opprimé-es que Hanouna moque, singe, insulte, rabaisse, le chroniqueur dépeint et légitime les rapports de pouvoir qui structurent notre société, jusqu’au vice malsain de dépeindre cette violence comme appréciée des dominé-es eux-mêmes. Les multiples témoignages et affections feintes entre Hanouna et ses chroniqueur-ses alors même que ce dernier les humilie à longueur de temps en est une triste image.

Hanouna (et finalement, son équipe complice), bourreau semi-conscient, représente aussi une « poule aux œufs d’or » pour les chaînes de télévision qui l’emploient. C’est là le nœud de son pouvoir, et l’explication de la place centrale qu’il occupe dans un système qui ne le promeut et le célèbre que par sa capacité à engendrer des profits, manipulant devant des millions de téléspectateurs la carotte et le bâton, exprimant tout et son contraire, dans une impunité insoutenable – probablement fascinante pour une bonne partie de ses fans. Mais ces rapports marchands qui font apparaître Hanouna et de toute son émission réactionnaire comme indétrônables, peuvent devenir un talon d’Achille.

Car, si Hanouna a des réelles raisons de s’inquiéter, outre une possible sanction du CSA, c’est que, suite à la mauvaise image véhiculée par le scandale, de nombreux sponsors de TPMP ont décidé d’arrêter leurs campagnes de publicité en cours sur l’émission.


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