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Guerre en Ukraine : quand les eurodéputés LFI votent une résolution pro-OTAN

Le 1er mars dernier, le parlement européen adoptait une résolution pour la livraison d'armes à l'Ukraine, le renforcement de l'OTAN en Europe de l'Est, et davantage de sanctions contre la Russie. Un texte cosigné par Manon Aubry et voté à l'unanimité par les euro-députés LFI.

Mahdi Adi

6 avril 2022

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Crédits photo : GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP

A l’issue d’un discours prononcé par le président ukrainien Volodymyr Zelenski cinq jours après le début de l’agression menée par le régime de Vladimir Poutine, les parlementaires européens ont voté une résolution demandant entre autre « la fourniture d’armes défensives à l’Ukraine », « le renforcement de la présence avancée rehaussée l’OTAN dans les États membres de l’Union européenne géographiquement les plus proches de l’agresseur russe » ainsi que « des sanctions sévères supplémentaires » contre la Russie. Adopté à une très large majorité – 637 voix pour – le texte a bénéficié du soutien du président du Conseil européen Charles Michels et de la Commission européenne Ursula Von Leyen.

Une résolution pro-OTAN rejetée par une partie de la gauche à Bruxelles…

Toutefois treize euro-députés ont voté contre cette résolution, rapporte Euronews. Parmi eux, sept élus membres du groupe de la Gauche au Parlement Européen (GUE, dont fait également partie La France Insoumise) : Mick Wallace, Sandra Pereira, João Pimenta Lopes, Martin Schirdewan, Miguel Urban Crespo, Clare Daly et Özlem Demirel.

Cette dernière, membre du parti de gauche allemand Die Linke, a par exemple dénoncé cette résolution comme s’inscrivant dans le cadre d’une politique plus large menée par les instances dirigeantes de Bruxelles pour instrumentaliser et « abuser de la souffrance des ukrainiens » afin de justifier la transformation de l’UE « en une union militaire tangible et puissante ». Clare Daly, élue irlandaise du parti des Indépendants pour le Changement également membre du GUE, s’est également opposée au texte en expliquant que « envoyer davantage d’armes dans la situation ne fait que mettre de l’huile sur le feu ».

Au terme des débats et une fois la résolution adoptée, Jean-Luc Mélenchon a lui-même « regretté » que l’Union Européenne décide de « fournir des armements nécessaires à une guerre », pointant le risque de faire de la France un « des co-belligérants » et conduisant à ce qu’« un engrenage s’enclenche ». Il s’est également inquiété du durcissement des sanctions et de leur impact sur la population russe en rappelant : « Le peuple russe n’est pas notre ennemi, ne le confondons pas avec le régime nationaliste [de Vladimir Poutine] ».

Quelques jours plus tard, en meeting à Lyon le 6 mars, le candidat de l’Union Populaire à la présidentielle s’est prononcé pour « la sortie de l’OTAN, [une] organisation inutile qui provoque des tensions » et « la désescalade », en opposant « la diplomatie » à « la guerre totale ». Une position d’ailleurs à contre-courant au sein de la gauche institutionnelle, où Yannick Jadot et Anne Hidalgo font systématiquement des procès en « capitulation » face à « la dictature de Vladimir Poutine » à toutes les voix dissonantes et critiques du rôle de l’OTAN.

...Mais votée par les euro-députés La France Insoumise !

Ces discours n’ont toutefois pas empêché les six euro-députés La France Insoumise (Manon Aubry, Anne-Sophie Pelletier, Emmanuel Maurel, Leïla Chaibi, Manuel Bompard et Younous Omarjee) de voter unanimement pour cette résolution. La co-présidente française du groupe de la Gauche au Parlement Européen, Manon Aubry, a affirmé vouloir ainsi « envoyer un message politique clair dénonçant l’agression irresponsable de Poutine et pour soutenir le peuple ukrainien ». Interrogée par Euronews, elle a expliqué que six amendements ont « considérablement amélioré le texte », en particulier en ajoutant un appel à un cessez-le-feu immédiat ainsi qu’en demandant une plus grande implication de l’ONU et de l’OSCE pour l’accueil des réfugiés.

Pourtant, le cœur de la résolution reste le même. Le fait que l’Union Européenne envoie déjà « des milliers de missiles, de lance-roquettes, de munitions et d’obus » à Kiev, montre que la distinction qu’elle prétend faire entre « armes défensives » et offensives n’est qu’une manière de couvrir son rôle de « co-belligérant » par procuration. Ensuite la résolution entérine la militarisation à marche forcée des pays d’Europe de l’Est dirigée par l’OTAN, et justement dénoncée par Jean-Luc Mélenchon comme source « des tensions ». Enfin, les sanctions supplémentaires réclamées vont avant tout toucher la population russe qui ne doit pas être confondues avec ses dirigeants.

Jean-Luc Mélenchon et LFI cèdent à la pression et jouent le rôle de caution de gauche de l’OTAN

En votant pour cette résolution au Parlement européen, les euro-députés La France Insoumise se sont donc pliés à la pression, jouant ainsi le rôle de caution de gauche d’une union sacrée pro-OTAN sous l’égide des dirigeants de l’Union Européenne. 

Cela illustre que pour LFI la cohérence entre ses positions nationales et européennes est parfaitement secondaire : ce qui compte, c’est en réalité surtout de ne pas se fâcher avec les institutions européennes, là où pourtant une dénonciation de l’OTAN et de la guerre aurait pu avoir un certain écho. Une déclinaison « sur le terrain » de la « la diplomatie » prônée par LFI qui se couche donc à la première occasion au Parlement Européen. 

Ce positionnement à géométrie variable illustre la « realpolitik » de Jean-Luc Mélenchon. Elle s’est aussi illustrée à l’échelle de la politique nationale comme l’illustre la proposition de soutien politique à 10 députés « va-t-en-guerre » EELV pour les prochaines législatives.

A rebours de la stratégie « diplomatique », face à la guerre, nous pensons la seule issue progressiste pour le peuple ukrainien ne peut qu’émerger que s’il se dote d’une politique indépendante de l’OTAN qui, en tant qu’alliance impérialiste, n’a jamais permis à aucun peuple d’accéder à une indépendance véritable. Une politique indépendante] qui, combiné à un vaste mouvement de mobilisations populaires en Russie contre le régime de Poutine, et dans le monde pourrait ouvrir la voie à la seule issue progressiste pour le peuple ukrainien : un pas en avant vers l’autodétermination.


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