×

300€ pour tous

Grève pour les salaires à Roissy : "Les salariés d’Air France aussi doivent se mobiliser !"

Une nouvelle grève pour les salaires est prévue le 1er juillet à l'aéroport Roissy - Charles de Gaulle, après celle du 9 juin qui a paralysé 25% des vols en réunissant pour la première fois des salariés de différentes boîtes, donneurs d'ordre et sous-traitants. Les salariés revendiquent 300 euros d'augmentation pour tous. Interview de Nicolas Negrel, membre du bureau national de Sud Aérien, secrétaire adjoint au CSE d’Air France Industrie, et technicien aéronautique à Roissy.

Mahdi Adi


et Alexis Taïeb

30 juin 2022

Facebook Twitter

Révolution Permanente : Peux-tu te présenter ?

Nicolas Negrel : J’ai 46 ans, je suis membre du bureau national de Sud Aérien et secrétaire adjoint au CSE d’Air France Industrie (plus communément appelé Direction Générale de l’Industrie, le secteur qui s’occupe de la maintenance des avions). Avec le syndicat, on a décidé de ne pas avoir de permanents pour conserver un pied sur le terrain, donc je continue de travailler en tant que technicien aéronautique. J’étais en grève le 9 juin et je serai en grève le 1er juillet.

R.P : Depuis plusieurs semaines, un mouvement de grève pour les salaires touchent de nombreuses entreprises à l’aéroport de Roissy Charles-de-Gaulle, donneurs d’ordre et sous-traitants, quel est ton regard sur ces mobilisations et sur la grève du 9 juin dernier ?

Nicolas Negrel : Ca faisait longtemps qu’on n’avait pas eu de mobilisation aussi forte sur l’aéroport. La grève du 9 juin s’inscrit dans la continuité des deux marches pour l’emploi qu’il y avait eu en 2021 à Roissy, puisqu’elle a réuni les salariés de toutes les entreprises. Il y avait des salariés de la sûreté, des pompiers, des boîtes de sous-traitantes, mais aussi des donneurs d’ordre comme ADP et Air France… Je pense que l’appel a été globalement bien suivi, que le mouvement commence à fédérer et que les salariés comprennent qu’ensemble on est plus fort pour demander de la reconnaissance pour leur travail en revalorisant les salaires de 300 euros minimum.

Maintenant, il faut encore rallier d’autres entreprises. Il ne faut pas oublier qu’il y a 800 entreprises sur la zone aéroportuaire de Roissy, c’est-à-dire presque 100.000 salariés, donc il y a encore de quoi faire car on n’était pas tous là.

Certains à Air France et peut-être également chez ADP, cataloguent aussi cette grève comme une grève de la sous-traitance, mais il faut qu’ils prennent conscience que ce que les salariés revendiquent, c’est une augmentation de 300 euros pour toutes et tous. Et Air France en fait partie, parce que les salaires ne sont pas forcément mirobolants, surtout quand on est jeune embauché. D’autant plus en ce moment, avec le gel des salaires, les réorganisations à tout va, l’augmentation du coût de la vie… En réalité tout le monde a besoin d’argent, donc il faut que les salariés d’Air France se mobilisent pour ces 300 euros.

La direction essaie de faire des pansements avec des primes pour compenser les non-augmentations. Et puis comme on est en sous-effectif à cause des départs en retraites non remplacés et du plan de « départs volontaires », elle promet également des heures supplémentaires majorées à 50%, donc beaucoup de collègues acceptent pour trouver l’argent qui leur manque à la fin du mois. Donc on doit non seulement demander des augmentations de salaires, mais aussi des embauches, des CDI pour les travailleurs précaires et des conditions de travail acceptables.

R.P : Pour la prochaine grève appelée sur l’aéroport de Roissy à partir du 1er juillet, un préavis de grève a aussi été déposé chez Air France. Comment tu vois la mobilisation pour cette journée à Roissy et la suite ?

Nicolas Negrel : Sur l’aéroport, j’espère que la grève du 1er juillet sera au moins aussi bien suivi que la journée du 9 juin. Maintenant concernant Air France spécifiquement, je ne ressens pas de ferveur pour la grève, mais dans beaucoup de secteurs ça commence à gronder. Donc on a toujours espoir que ça s’enflamme un peu partout et que ces petits foyers se développe pour terminer en gros mouvement collectif derrière cette revendication de 300 euros pour toutes et tous.

Il faut un peu de temps pour que les gens comprennent que cette demande est légitime, car certains peuvent penser que c’est irréalisable et qu’on ne peut pas se permettre de demander des augmentations de salaire à Air France. C’est compliqué en ce moment parce qu’avec le covid-19 il y a eu pas mal d’APLD (Accord Partiel de Longue Durée) chez nous. Les salaires ont été amputés à cause du chômage partiel, et peut-être que c’est une période difficile pour faire grève car les gens ‘ont pas forcément envie de perdre plus d’argent. Malheureusement il faut en perdre un petit peu pour pouvoir en gagner beaucoup.

Donc il faut se rassembler derrière la revendication de 300 euros pour tous, et expliquer aux salariés qu’au contraire, il y a des investissements en masse, donc il n’y a pas de raisons que ceux qui créent les richesses n’en profitent pas en augmentant leurs salaires. Les collègues doivent prendre conscience qu’il faut se battre ensemble pour obtenir des augmentations. On a le droit à cette augmentation, ne serait-ce qu’en rattrapage de tout ce qu’on a perdu ces dernières années. 300 euros c’est atteignable, ce n’est pas futile et ce n’est pas du rêve, c’est ce qui nous faut pour pouvoir vivre décemment en région parisienne.

R.P : Air France est une des principales entreprises donneur d’ordre à Roissy, alors qu’il existe près de 700 entreprises sur la zone aéroportuaire. Pourquoi selon-toi le patronat a-t-il autant recours à la sous-traitance et comment unifier les travailleurs de l’aéroport ?

Nicolas Negrel : D’abord ça lui permet de baisser sa « masse salariale », ce qu’ils appellent « le coût du travail ». C’est comme ça qu’ils font des économies, car pour eux les salaires sont une variable d’ajustement. Donc pour faire des économies, ils baissent les salaires et coupent dans les effectifs. C’est pour ça qu’ils font appel à la sous-traitance.

En sous-traitant certains service leur permet aussi d’avoir plus de liberté pour tirer les prix vers le bas, chaque année lorsqu’il faut reconduire les contrats. Ce sont les copains de la sous-traitance qui en pâtissent parce qu’ils se font racheter par des repreneurs, avec des contrats revus chaque fois à la baisse parce que Air France leur impose des tarifs toujours plus bas. C’est comme ça que les patrons font des économies, parce que les salariés de la sous-traitance étaient embauchés directement par Air France, ils seraient mieux payés.

R.P : Comment unifier les salariés qui sont divisés dans cette multitude d’entreprises de sous-traitance ?

L’idéal serait de travailler sur les conventions collectives, pour que tous les salariés de l’aérien aient la même convention collective qui permette d’avoir les mêmes avantages pour tous. Parce qu’aujourd’hui il y a des salariés qui n’ont pas les mêmes droits d’une entreprise à l’autre. Souvent dans les petites entreprises morcelées à cinquante ou cent salariés, c’est plus difficile de se battre que par exemple chez Air France où il y a 6785 salariés.

On a fait une Assemblée Générale dernièrement à la maison des syndicats à Roissy avec des délégués venus de différentes entreprises pour préparer la grève du 1er. C’est comme ça qu’on peut se rendre compte de ce qui se passe dans les autres boîtes et qu’on peut faire en sorte de défendre tous ensemble les mêmes intérêts. Les manifestations aussi permettent d’échanger avec les salariés des autres entreprises qui travaillent autour de nous, pour se rendre compte que tout le monde n’est pas traiter à la même enseigne, et qu’il faudrait tirer tout le monde vers le haut.

R.P : Ces grèves pour les salaires font écho à d’autres grèves qui existent actuellement et depuis plusieurs mois dans le pays, quelles perspectives vois-tu pour la suite ?

Nicolas Negrel : L’idéal serait la convergence des luttes : que tous les ouvriers et employés se rassemblent pour demander un salaire décent, avec des conditions de travail correctes, et des embauches car pour l’instant c’est catastrophique. Pour prendre un exemple, chez nous à la direction générale de l’industrie les effectifs ont baissé de 15%, les départs à la retraite ne sont pas remplacés… Donc on doit aller tous ensemble réclamer un salaire décent et ne pas être dans le rouge au 5 du mois.

Le 1er juillet on essaye de se rassembler autour de l’aérien, mais dans tous les secteurs le problème est le même, les salaires et les pensions de retraites sont trop bas donc il faut revoir tout ça à la hausse pour que les gens puissent vivre correctement de leur salaire. Je pense que ça commence à se réveiller, et j’espère que la manifestation de demain va faire tâche d’huile pour que ça parte dans tous les secteurs et qu’on soit rejoint par le maximum de salariés pour défendre nos salaires, l’emploi et les conditions de travail.


Facebook Twitter
Scandale : l'inspection du travail refuse le licenciement de Christian Porta, InVivo tente de passer en force

Scandale : l’inspection du travail refuse le licenciement de Christian Porta, InVivo tente de passer en force

SNCF : 300 personnes en soutien à Régis, menacé de licenciement pour avoir dénoncé des VSS

SNCF : 300 personnes en soutien à Régis, menacé de licenciement pour avoir dénoncé des VSS

Roissy : face à la pression patronale, les salariés d'un sous-traitant de Sixt en grève reconductible

Roissy : face à la pression patronale, les salariés d’un sous-traitant de Sixt en grève reconductible

Éducation : la grève du 22 avril ne peut rester isolée, il faut un plan pour élargir la lutte !

Éducation : la grève du 22 avril ne peut rester isolée, il faut un plan pour élargir la lutte !

Pour un 1er mai contre leurs guerres et l'austérité : rejoins les cortèges de Révolution Permanente !

Pour un 1er mai contre leurs guerres et l’austérité : rejoins les cortèges de Révolution Permanente !

« Ils veulent museler toute contestation ». La CGT Fleury Michon appelle à la grève contre la répression

« Ils veulent museler toute contestation ». La CGT Fleury Michon appelle à la grève contre la répression

5 jours de mise à pied : la SNCF réprime Marion, cheminote ayant dénoncé une agression sexuelle

5 jours de mise à pied : la SNCF réprime Marion, cheminote ayant dénoncé une agression sexuelle

« Tavares gagne 36,5 millions grâce aux ouvriers sous-payés » Vincent, délégué CGT Stellantis

« Tavares gagne 36,5 millions grâce aux ouvriers sous-payés » Vincent, délégué CGT Stellantis