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Malgré les divisions syndicales

Grève massive des cheminots belges contre l’austérité

Les cheminots belges ont su répondre stop à l’austérité ce mercredi 6 janvier. Le soir en heure de pointe, moins d’un train sur dix était en circulation en Wallonie, et seuls deux trains sur trois ont pu prendre le rail dans la région de Flandre. Alors que la pression gouvernementale, patronale et médiatique s’intensifie, le mouvement de grève ne faiblit pas et se poursuit pour la deuxième journée ce jeudi. Damien Bernard

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C’est bien à une nouvelle provocation du gouvernement de droite de Charles Michel et du patron de la SNCB auxquels les cheminots ont dû répondre. Dans la continuité de ses politiques d’austérité contre lesquels se sont mobilisés près de cent mille personnes à Bruxelles, le mercredi 7 octobre, la SNCB est en passe d’être détricoté dans un processus de privatisation, qui n’a plus grand-chose de rampant.

Un processus de privatisation rampant

A l’instar des attaques contre les cheminots de la SNCF en France, où ce sont près de 7 emplois par jours qui sont supprimés depuis 2007 selon la CGT, le gouvernement belge, et sa ministre de la Mobilité Jacqueline Galant ne sont pas non plus en reste. Depuis des années, profitant de « la pyramide des âges », les départs en retraites ne sont que très partiellement compensés. Les effectifs ont ainsi fondu en 12 ans, passant de 43 000 travailleurs à 33 000 aujourd’hui.

Le démantèlement de la SNCB est un processus en cours depuis 2005. C’est un cas d’école à l’avant-garde en Europe. Il a notamment inspiré François Hollande et la direction de la SNCF pour mettre en place des préconditions visant à la concurrence du transport ferré de voyageurs à partir de 2019. Le 1er janvier, la SNCB avait en effet été éclatée en trois groupes, avec la séparation de l’infrastructure, confiée à l’entreprise publique « Infrabel », et de l’exploitation du réseau, laissée entre les mains de la SNCB, se préparant ainsi à l’ouverture à la concurrence du transport de voyageurs intérieur.

Préfigurant ce qui se passe désormais en France, c’est l’explosion la dette et le « maintien » des statuts des cheminots qui ont servi de prétexte à l’éclatement de la SNCB. L’éclatement de la SNCB en trois entités a été le point de départ de la casse du statut par la filialisation accélérée, concurrence intégrée au sein même de l’entreprise publique. C’est le développement des emplois non-statutaires, qui se sont nichés dans les filiales, qui ont remis en cause le statut unique du cheminot, jusque-là en vigueur.

Le 1er janvier 2014, le gouvernement belge démontre une nouvelle fois qu’il est bien à l’avant-garde du démantèlement du rail public. Une troisième entité est créée, HR Rail, gérant les Ressources Humaines et l’emploi de l’ensemble des cheminots de la SNCB et d’Infrabel, une façon d’externaliser le recrutement, et d’approfondir la casse du statut unique.

Plus de 20% des effectifs seront supprimés d’ici à 2019

La brutalité des attaques du gouvernement de coalition de droite, qui compte parmi les soutiens actifs du patronat belge, wallon et flamand est sans précédent. D’ici 2019, près de 35% des travailleurs partiront à la retraite, un chiffre confirmé ce mercredi matin par la ministre Jacqueline Galant, qui a refusé cependant de donner un chiffre sur les remplacements, une façon d’éluder la violence des attaques.

Mais en décembre dernier, alors qu’un peu moins de 10 000 travailleurs devraient partir à la retraite, la direction avançait une estimation d’environ 1200 agents recrutés par an pour les fonctions opérationnelles essentielles. Si on fait le compte, ce sont donc bien 7000 emplois, d’ici à 2019, qui seront supprimés, des chiffres confirmés par les syndicats. Ces suppressions de postes sont en comparaison presque trois fois inférieur à ce qu’avance aujourd’hui la direction de la SNCF en France qui table de 11.000 à 13.000 suppression de poste d’ici à 2020, sur un total de 149.000 employés, soit 9% des postes. Mais, en termes de pourcentage, ce sont 20% des postes qui seraient supprimés à la SNCB d’ici 2019.

Outre les suppressions de postes, les mesures d’austérité s’abattent aussi bien sur les cheminots que sur les usagers, au détriment de la qualité du service public et de la sécurité. Les augmentations de la productivité, l’attaque des statuts, et les attaques contre le droit de grève avec notamment la mise en place du service minimum, sont sans précédent et rappellent les privatisations entreprises du chemin de fer public par le gouvernement de Thatcher en Angleterre, un service public que John Major a liquidé définitivement en 1996.

Trafic paralysé en Wallonie et perturbé en Flandre

A l’appel national à la grève de 48h des syndicats CGSP-Cheminots et CSC-Transcom, les travailleurs ont répondu par une combativité et une détermination sans faille, et cela en écho aux cent mille manifestants à Bruxelles descendus dans la rue contre l’austérité. Le trafic ferroviaire a été paralysé en Wallonie et très fortement perturbé à l’international, sur les réseaux Thalys, Eurostar, ICE, TGV et Eurocity. A l’heure de pointe du matin, seul 15% du trafic était assuré en Wallonie. Le mouvement était encore mieux suivi à l’heure de pointe du soir avec entre 8% (selon la SNCB) et 13% (selon Infrabel) de trafic assuré dans le sud du pays.

En Flandre, le trafic était assuré à 68% le matin et 64% le soir, selon les chiffres d’Infrabel, société gestionnaire de l’infrastructure ferroviaire belge. Seule la ligne Bruxelles-Anvers a été fortement touchée avec un train sur cinq en circulation le matin et un sur trois le soir. Cette mobilisation moindre s’explique notamment par le fait que les ailes flamandes de la FGTB et de la CSC ont annoncé en début de cette semaine qu’elles levaient le préavis de grève relatif à la grève sur le secteur ferroviaire au mois de janvier.

Alors que l’appel avait été lancé nationalement par la FGTB et la CSC - à contrario de la grève tournante région par région des lundi 19 et mardi 20 octobre 2015, facteur de dispersion - l’unité syndicale entre les différentes régions n’a pas été au rendez-vous. Ne prenant pas au mot Marc Goblet, le secrétaire général de la FGTB, qui « appelle tout le monde à se ressaisir » et à « rétablir l’unité syndicale, qui est notre force », les dirigeants syndicaux des différentes centrales de la FGTB et de la CSC ont décidé de se désolidariser des mouvements nationaux, faisant apparaitre au grand jour les divergences qui couvaient depuis des années, le nord étant plutôt enclin à ouvrir les voies de négociation avant de faire grève, contrairement au sud.

Unifier les luttes contre l’offensive sans précédent du gouvernement

Lors de cette première journée, des initiatives des militants combatifs ont permis de s’adresser aux usagers à travers la mise en place de stands où se rencontraient usagers et syndicalistes, afin d’expliquer les raisons de la mobilisation. A destination des étudiants, ce sont près de 40 logements étudiants dit « kots », habituellement réservés aux Erasmus, qui ont été mis à disposition des étudiants, professeurs et doctorant, durant la période d’examen. Ce sont des intellectuels solidaires du rail en lutte, membres de l’Université de Gand, de l’Université d’Anvers et de la VUB, qui ont adressé une pétition à signer en solidarité avec la lutte des cheminots.

Les travailleurs ont ainsi démontré toute leur combativité, et leur créativité en s’adressant aux usagers et aux étudiants pour obtenir leur solidarité, et ce malgré la division des directions syndicales. En Flandre, malgré le retrait de l’appel à la grève, le trafic a été très perturbé. Le suivi et l’impact de la grève, ainsi que les réactions du gouvernement et de la direction de la SNCB, montrent l’importance stratégique de ce mouvement de grève qui ne pourra se développer qu’en unifiant les luttes. Cette mobilisation des cheminots, et des usagers, peut être le point d’appui pour construire une mobilisation générale d’opposition aux politiques « austéritaires » du gouvernement de Charles Michel. Pour commencer à établir un vrai rapport de force, cela passera par la grève et dans la rue, avec un vrai plan de bataille contre l’austérité auquel le gouvernement voudrait nous condamner.


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