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Indépendance et Démocratie

Grève générale en Catalogne : 2,5 millions de personnes dans les rues

Lundi, 9 dirigeants indépendantistes catalans ont été condamnés à des peines allant de 9 à 13 ans de prison. Depuis, cette offensive contre les droits démocratiques a mis des centaines de milliers de personnes dans les rues. Ce vendredi, autour notamment d'un appel à la grève générale, la mobilisation atteint un pic.

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Un mouvement qui vient de loin

Le 1er octobre 2017, un référendum sur l’indépendance catalane avait été organisé dans la région. Cette initiative de référendum, que le gouvernement espagnol aurait voulu interdire, avait été fortement réprimée, ainsi que le mouvement social qui en avait découlé. Malgré tout, le gouvernement catalan avait proclamé l’indépendance. En réaction, le gouvernement de l’État espagnol avait activé l’article 155 de la Constitution espagnole, mesure exceptionnelle afin de contrôler totalement la Catalogne.

Ce lundi, neuf dirigeants indépendantistes catalans ont été condamnés pour « sédition » par la Cour suprême. Ils ont reçu des peines allant de neuf à treize ans de prison pour leur rôle dans ce processus de 2017.

Les rues de Catalogne ont immédiatement réagi, avec des manifestations dans plusieurs villes catalanes dès lundi. Le même jour, les manifestants ont été 10 000 à envahir l’aéroport de Barcelone, faisant annuler 110 vols. Les indépendantistes ont continué à manifester mardi, mercredi et jeudi, avec de nombreuses actions coup de poing. Des routes et des voies ferrées ont été bloquées voire sabotées et des manifestations à l’appel des différentes organisations indépendantistes – l’association ANC (Assemblée Nationale Catalane), de l’Òmnium et des CDR (Comités de Défense de la République : cadres d’auto-organisation à l’échelle de quartiers ou des municipalités) – ont rassemblé des dizaines de milliers de personnes dans différentes villes.

On a pu observer une certaine radicalisation du mouvement indépendantiste, qui en 2017 se faisait appeler « la révolution des sourires », tandis que désormais, certains manifestants parlent de « faire de la Catalogne le nouveau Hong Kong ». Chaque nuit depuis mardi, des barricades sont montées dans le centre ville de Barcelone – mais aussi à Lérida – et de nombreux incendies ont lieu.

Les indépendantistes font face à une répression d’ampleur, qui a déjà fait plusieurs dizaines de blessés et plusieurs dizaines d’arrestations depuis lundi. De nombreux slogans s’opposent ainsi aux violences policières : « los Mossos no son la nostra policia » [« les Mossos [police catalane] ne sont pas notre police »], « Buch dimisió » [« Buch – ministre de l’Intérieur catalan – démission », etc.

Vendredi 18 octobre : un saut dans la mobilisation

Ce vendredi, les syndicats combatifs IAC (Alternative Syndicale de Catalogne) et Intersindical-CSC ont appelé à une grève générale et à une manifestation autour du mot d’ordre « Pour les droits et libertés, Grève Générale ». Cette initiative très progressiste était malheureusement minoritaire du côté syndical puisque les trois plus grosses centrales syndicales – CCOO, UGT et CGT – ne l’ont pas rejointe. Cela n’a pas empêché les travailleurs catalans de répondre à l’appel. Par exemple, les dockers étaient nombreux ce vendredi dans les rues.

Le constructeur automobile Seat a mis à l’arrêt son usine près de Barcelone. Carmen Calvo, numéro deux du gouvernement espagnol (citée par Le Monde), a déclaré que « Les dommages économiques que cela entraîne pour la Catalogne sont déjà importants ». De plus, 57 vols ont été annulés, tandis que plusieurs routes ont été coupées.

Cela est dû notamment aux grandes « Marches pour la Liberté » parties de plusieurs villes de la région pour converger à pied vers Barcelone. Ces marches ont réuni plusieurs dizaines de milliers de personnes. La jeunesse est également bien présente ce vendredi, avec de nombreux étudiants qui se sont mobilisés en bloquant leurs universités dans les différentes villes de la région.

La manifestation du centre ville de Barcelone est par conséquent très massive. En tout, ce sont 2 500 000 personnes qui ont envahi les rues des différentes villes catalanes. Les images témoignent de l’ampleur de la mobilisation.

Déjà en fin d’après-midi, la colère des indépendantistes éclatait dans les rues de la ville : barricades enflammées et feux de poubelles sont nombreux et la police continue de réprimer les manifestants. La police tire au LBD, utilise des gaz lacrymogènes et charge les manifestants qui se réfugient derrière les barricades.

La répression ne se fait pas que dans les rues, mais aussi via la censure. Ainsi, la plateforme « Tsunami Démocratique », qui rassemblait 335 000 abonnés sur Telegram – en faisant l’une des plus importantes chaînes Telegram pour des motifs politiques et sociaux au monde – et qui avait notamment organisé le blocage de l’aéroport de lundi, a été fermée par les autorités. Il s’agit là d’un pas en avant en matière de violation de la liberté d’expression et d’association, signe d’un État de plus en plus autoritaire.

Amnistie immédiate des prisonniers politiques ! Tous dans la rue pour une grève générale !

La condamnation par la Cour suprême des dirigeants indépendantistes a marqué un tournant dans l’offensive judiciaire et policière contre le mouvement indépendantiste catalan. S’y ajoutent la fermeture de « Tsunami Démocratique » et les violences policières contre les manifestants depuis lundi. Il s’agit là de graves atteintes aux libertés démocratiques. Le régime espagnol cherche à liquider les aspirations démocratiques des Catalans et envoie un message à tous celles et ceux dans l’État espagnol qui voudraient exprimer leur opposition au gouvernement. On peut à juste titre s’interroger, face à ces attaques liberticides d’ampleur, sur ce qui est réservé à tous ceux qui voudront à l’avenir exprimer leur colère.

Cette semaine de mobilisation et cette journée du 18 octobre marquent un tournant dans la mobilisation indépendantiste, tant en termes de nombre qu’en termes de radicalité et de méthodes d’action, la grève venant s’ajouter aux échéances de rue et ralentir l’économie. Le 18 octobre marque une journée historique de grève et mobilisation en Catalogne. Cependant, comme l’écrivaient nos camarades de la Corriente Revolucionaria de los Trabajadores (CRT) (organisation sœur du Courant Communiste Révolutionnaire de la Fraction Trotskiste – Quatrième Internationale dont les militants animent Révolution Permanente), il faudra élaborer un plan de lutte qui se poursuit au-delà de cette semaine.

Un grand mouvement démocratique doit prendre place dans tout l’État espagnol afin d’exiger l’amnistie des prisonniers politiques. Il est indispensable d’élargir la base du mouvement indépendantiste et de mettre les travailleurs au centre de la lutte – en passant notamment par une grève générale, qui devra être appelée par l’ensemble des syndicats. Pour cela, il est nécessaire de lier la lutte démocratique à la lutte pour un programme social qui apporte des solutions aux problèmes du chômage, de la précarité, des pensions ou encore des services publics.


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