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De la grève des surveillances à la rétention des notes

Grève du baccalauréat : contre la réforme des lycées, les enseignants relèvent la tête

Malgré la pression morale exercée autour de l’examen de fin de terminale, les enseignants ont décidé de s’emparer des épreuves du baccalauréat pour contester les réformes Blanquer. C’est dire le niveau de ras-le-bol au sein des profs. Après deux jours de grève des surveillances, c’est la grève des rendus de notes des copies, initiée par les enseignants de philosophie, qui est à l’horizon.

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Image : 200 enseignants en Assemblée générale salle Croizat, Bourse du Travail de Paris, lundi 17 juin

Il y a encore quelques semaines, personne n’y croyait. Le SNES-FSU, premier syndicat parmi les enseignants du secondaire, avait lancé une timide consultation de ses adhérents pour mesurer s’il était envisageable de porter la grève durant les surveillances des épreuves du baccalauréat technologique et professionnel débutant la semaine du 17 juin.

Pourtant le mot d’ordre est porté. Les Assemblées Générales qui se sont réunies tout au long de l’année, souvent avec les collègues du 1er degré, ont poussé les organisations syndicales à se positionner. Le 29 mai, 11 fédérations dont le SNES, SUD, la CGT mais aussi le Snalc et la CFE-CGC, pourtant marqués à droite, signent avec les collectifs des « Stylos Rouges » et la « Chaine des Bahuts en lutte » un communiqué appelant à se mettre en grève le lundi 17 juin. Il est rapidement rejoint par l’association des professeurs de Sciences Economiques et Sociales (APSES) et soutenu par des syndicats lycéens (UNL et MNL).

20 à 30% de grévistes en moyenne lundi 27 juin

Contrairement à ce qu’assure Jean-Michel Blanquer, lundi 17 juin au matin, sur France Inter, les organisations font le bilan que « l’appel intersyndical à la grève des surveillances des épreuves […] a été bien suivi ». Pour le ministère, qui intègre dans ses statistiques l’ensemble des agents potentiellement mobilisables pour les surveillances du baccalauréat, le déni de réalité continue : « autour de 5% de grévistes » assure Jean-Michel Blanquer sur France Inter lundi matin quand les organisations syndicales relèvent, elles, près de 25 à 30% des enseignants convoqués qui se sont mis en grève.

Des entorses au règlement des surveillances et au droit de grève

Certes, l’impact a été limité, peu d’épreuves perturbées. « Les centres d’examens ont été obligés de faire des sur-convocations, des pressions, des appels à d’autres personnels. Les épreuves se sont déroulées parfois au prix de conditions inacceptables » explique l’intersyndicale. Comme au lycée Descartes d’Antony (92) où des assistants d’Education et des agents retraités ont été appelés pour remplacer les 44% d’enseignants grévistes. Les rectorats avaient aussi rogné sur les conditions de surveillances en décrétant « réglementaire » la présence d’un surveillant par salle contre deux habituellement. Dans pas mal de centre d’examen, des solutions de dernières minutes ont été mises en place : épreuves dans des gymnases ou des réfectoires, convocation des agents administratifs d’autres établissements, pas de surveillance de couloirs… Les entorses au règlement des surveillances mais aussi au droit de grève ont été légions. Comme c’est le cas des enseignants du lycée Suger de Saint-Denis qui, s’ils sont grévistes, reçoivent des convocations supplémentaires quotidiennes : une manière pour l’administration de faire « rattraper » les jours de grève.

La reconduction le mardi 18 par des Assemblées Générales locales massives

Image : Assemblée Générale à la Bourse du Travail de Saint-Denis (93) réunit 120 enseignants d’une dizaine d’établissements du bassin mardi 18 juin au matin.

Hormis la région parisienne, et sur Paris même où les taux de grévistes ont oscillé entre 20 et 84% selon les établissements, la grève a été particulièrement suivie dans la région toulousaine. A Paris, lundi soir, l’Assemblée générale francilienne réunit plus de 200 enseignants, dont plusieurs délégations d’établissements mobilisés. A Toulouse, ils seront plus de 700 en Assemblée Générale à voter la reconduction de la grève pour le lendemain.

Sous la pression, l’intersyndicale reconduit en « appelant les personnels à continuer à se réunir en assemblées générales et à poursuivre la grève là où elle a été décidée collectivement ». Elle sera de nouveau suivie mardi dans plusieurs établissements et mercredi.

Vers une grève des notes jusqu’à l’obtention des revendications

Même si les grèves de surveillances se poursuivent, l’étape d’après, c’est la question des copies des épreuves. Les enseignants de philosophie de l’Académie de Créteil ont lancé l’initiative mardi 18 juin lors du jury de la discipline. Ils ont été suivis par les enseignants de Dijon et de Rouen qui promettent de « retenir les notes tant qu’aucune réponse n’aura été apportée à leurs revendications ». A Toulouse aussi, au lycée Saint-Joseph, centre d’examen, les professeurs de philosophie ont suivi leurs collègues.

Dans les modalités, les Assemblées Générales de correcteurs de philosophie ont décidé de « procéder à la rétention des notes de philosophie et ce pour une durée indéterminée ». Très concrètement, « ils corrigeront les copies qui leur ont été remises mais conserveront secrètes les notes au-delà de la date butoir du 2 juillet ». Ils appellent également à faire grève le 4 juillet, jour des jurys de délibération ce qui aurait pour effet d’empêcher la publication des résultats le vendredi 5 juillet.

Un nouveau souffle de la mobilisation enseignante…

Après un an de mobilisation dont les formes d’action sont allées des plus traditionnelles – grève et manifestation – aux plus innovantes – mouvement des 20/20, démission des professeurs principaux, les enseignants des lycées veulent passer à la vitesse supérieure.

Face à la loi Blanquer et son article 1, la réforme de la Fonction Publique qui prévoit la suppression des commissions paritaires, les réformes des lycées mises en place à la hâte dont on voit poindre d’ores et déjà les logiques ségrégatives, les enseignants semblent jouer le tout pour le tout. Ils ont bien compris que leur professionnalisme était, quoiqu’il arrive dénigré, à la fois par les paroles du ministre qui continue de faire la sourde oreille, mais surtout par ces réformes qui leur enlève les moyens, parfois tout juste décents, de faire correctement leur travail. Ils se battent pour eux-mêmes mais aussi pour leurs élèves.

Autre élément s’ajoutant dans la balance, le brevet des collèges, moins stratégique que le baccalauréat qui pèse dans la balance « Parcoursup », pourrait lui aussi être perturbé. Les enseignants des collèges appellent à une grève des corrections le 27 juin, dans la même veine que ce qui a été mis en place dans certaines matières pour le baccalauréat professionnel.

Comme chez les hospitaliers, il y a une vraie conscience que les réformes Blanquer s’attaquent de front au service public d’enseignement pour en faire une éducation au rabais, renforçant outre-mesure les logiques de ségrégations socio-spatiales, et ouvrant les vannes au secteur privé. La journée de mardi devait, sur Paris, être une journée de convergence avec un appel à organiser un rassemblement devant l’hôpital Necker. La préfecture de police de Paris, bien consciente des enjeux symboliques qu’aurait eu une telle convergence a opposé un refus net.

Si l’impact de la grève des surveillances du baccalauréat, malgré la forte mobilisation, a été limité par les sur-convocations, les procédures non réglementaires mises en place dans les centres d’examen, la mobilisation a un véritable impact symbolique. Elle présage d’un renouveau militant chez les enseignants et d’une réelle détermination à s’opposer au système Macron-Blanquer.


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