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"Grand oral policier"

Surenchère réactionnaire entre LREM, LR, le RN et Zemmour au « grand oral » d’un syndicat policier

Trois candidats de droite et d’extrême droite, ainsi que Gérald Darmanin, chargé de représenter Emmanuel Macron, se sont succédés mercredi 2 février à la tribune du très droitier syndicat de police Alliance. Un « grand oral policier » réactionnaire aux allures de meeting sécuritaire qui a mis au garde à vous la droite et l’extrême-droite.

Nathan Deas

4 février 2022

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Crédits photo : AFP

« Mettre la pression » : quand les syndicats policiers d’extrême-droite tentent de peser sur l’élection présidentielle

La composition des participants, ainsi que la teneur politique de l’invitant ne laissaient que peu de doutes quant au contenu de ce « grand oral policier ». Fabien Vanhemelryck, le secrétaire général d’Alliance, s’est chargé de les dissiper immédiatement dès son discours d’ouverture, donnant le ton d’une journée qui se tiendra tout du long sous les auspices de la course réactionnaire « Nous sommes gangrénés et la situation est grave. Vous savez que notre territoire est ensauvagé. Plus personne n’entre en prison et nos collègues et concitoyens paient l’addition ».

Invités, les candidats de la gauche institutionnelle ont cette fois décliné. D’Hidalgo à Jadot et Roussel, ils avaient pourtant marché aux côtés des syndicats policiers d’extrême-droite pour exiger plus de moyens pour la répression à la manifestation de mai 2021, s’écrasant derrière leurs revendications, mais à quelques mois des présidentielles ils n’ont pas souhaité réitérer l’exercice, conscients sans doute du poids politique que représenterait une nouvelle apparition publique de ce type. Mélenchon n’a pour sa part pas été invité, une manière pour le syndicat d’assumer ses positions face à ceux qui, par moment, dénoncent les violences policières.

L’objectif de cet évènement, dans un cinéma du XVIIe arrondissement de Paris, était on ne peut plus clair. « C’est pour mettre la pression, confiait la veille à Mediapart Frédéric Lagache, délégué général d’Alliance. On veut des engagements clairs et précis. ».. Une façon assumée pour le syndicat policier d’affirmer vouloir peser sur les élections présidentielles à quelques semaines du premier tour.

Comme le note Sébastien Roché, sociologue, directeur de recherche au CNRS et professeur à Sciences-po Grenoble, pour France info l’exercice est de l’ordre de l’inédit, « il très inhabituel » que les candidats discutent de la sorte avec les syndicats policiers dans le contexte d’une échéance électorale. Et d’ajouter : « ils [les politiques] sont à la remorque des syndicats [de police] » très marqués « à droite et à l’extrême-droite » et sur lesquels « le discours des différents partis politiques s’est aligné ».

Jusqu’alors, à chaque élection présidentielle, Alliance transmettait un formulaire aux différents candidats. « On a décidé [cette fois] de rendre la situation publique afin que les candidats s’engagent politiquement devant les policiers » poursuit Frédéric Lagache toujours pour Médiapart. Un nouveau signal du poids pris par les syndicats policiers ces dernières années.

Une offensive de charmes sécuritaire et réactionnaire

Face à un public acquis et acteur de la tendance sécuritaire, qui cherchait à savoir lequel des candidats offriraient le plus de gages à la police lors du prochain quinquennat, chacun de nos auditionnés a fait œuvre d’une décomplexion particulièrement engagée. A Marine le Pen de se vouloir « la présidente de l’autorité retrouvée », quand Pécresse fantasme un « électrochoc d’autorité » et que Zemmour délire sur le « grand remplacement ». Dans ce tableau réactionnaire, Darmanin tant bien que mal pour conclure a tenté de se faire le porte étendard du bilan sécuritaire d’Emmanuel Macron.

Et tour à tour, dans la surenchère du président, tous cèdent aux revendications portées par Alliance et servent à leur public ce qu’il voulait entendre. A tel point qu’on finit par se demander qui les policiers pourront bien choisir pour les représenter à l’Elysée, tant les quatre semblent répondre parfaitement aux attentes.

Valérie Pécresse, ouvre le bal et affiche son « indéfectible » soutien aux policiers avant d’affirmer -indignée- « jamais je ne dirai qu’il y a des violences policières dans notre société ». Rapidement Marine le Pen et Eric Zemmour lui emboitent le pas ne manquant pas l’occasion de lancer un tacle appuyé en direction du chef de l’Etat qui mis à la défensive en décembre 2020 avait à reculons reconnu « qu’il pouvait y avoir des cas de violences policières » avant de se contredire quelques jours plus tard sous la pression du rapport de force né de la mobilisation antiraciste d’alors contre les violences policières.

La candidate de LR poursuit. Elle promet l’extension de la légitime défense, l’obligation de flouter les photos de policier, la majorité pénale à 16, une hausse de budget de 50% de la justice, le retour de la peine plancher et va jusqu’à proposer que certains policiers puissent devenir juges avant de conclure d’un ton guerrier sur le lien entre « immigration et terrorisme » et sur sa volonté de mettre en place des quotas d’immigration.

C’est le tour d’Eric Zemmour. « Vous êtes aux premières loges d’un combat de civilisation. Face à vous, ce ne sont pas que des délinquants, c’est une autre civilisation avec laquelle on ne peut pas co-exister pacifiquement » commence-t-il. Le polémiste n’est pas venu prendre d’engagements concrets, il est venu resasser son discours sur « grand remplacement ». Dans sa ligne de mire les quartiers populaires, « ces enclaves étrangères » et la lutte contre l’immigration « la mère de toutes les batailles ». Pêle-mêle, il évoque néanmoins la suppression du juge des libertés, la réduction de la place des avocats, la déchéance de nationalité et propose un assouplissement de la légitime défense en « défense excusable » ainsi qu’un principe de « présomption d’innocence » pour les policiers.

Dans cette partie de ping-pong, Marine le Pen a presque du mal à surenchérir. Alors elle défend à son tour « la présomption de légitime défense », une modernisation du matériel, le retour des peines planchers, le jugement en procédure accélérée de chaque outrage. A la différence de son comparse d’extrême-droite, elle met l’accent sur les conditions de travail et le quotidien de son auditoire. A chacun ses techniques pour séduire.

En conclusion, Darmanin applaudit. Mais, séquence électorale oblige, cherche à porter la contradiction en direction de l’opposition. « Du concret, il y en a eu depuis cinq ans » commence-t-il avant de faire la liste des cadeaux de son gouvernement à la police : achats d’armes, de grosses voitures, loi sécurité globale, loi séparatisme, les primes, etc. « Emmanuel Macron l’a fait, peut-être trop discrètement, mais l’a fait : 10 milliards d’augmentation, en cinq ans, du budget de la justice » souligne-t-il. Et entre deux envolées lyriques –« le gouvernement aime la police »- le voilà conclure : « Vous risquez votre vie donc vous aurez le droit de partir plus tôt. On demandera à d’autres personnes de travailler plus longtemps ».

Un avertissement pour l’après 2022 : préparer les futurs affrontements sociaux

Le ton général de la campagne présidentielle était d’ores et déjà largement polarisé sur la droite, avec les thèmes de la sécurité et de l’immigration incessamment remis sur la table. Mais ce mercredi le syndicat Alliance-Police a tout de même tapé un grand coup, démontrant qu’il il était en capacité de dicter de manière plus ou moins directe, la politique sécuritaire du pays alors que ce « grand oral » est apparu comme la tentative, après l’immersion ces dernières semaines de la question sociale dans la rue et l’espace public, de recentrer les débats autour des enjeux sécuritaires et identitaires.

Si le quinquennat Macron a été l’occasion d’un autoritarisme croissant, entérinant dans la loi des pratiques et possibilités répressives toujours plus importantes, mais surtout défendant bec et ongle l’ensemble du corps policier. La polarisation à l’encontre des immigrés est très claire et constitue la pointe avancée de la politique qui serait menée par l’ensemble des candidats des droites. Mais l’on sent également dans les interventions au « grand oral » organisé par le syndicat Alliance-Police, quelque chose de plus profond qui se joue.

Le glissement se fait sentir : il faut préparer la répression de demain à l’encontre des mobilisations sociales, et réarmer les forces gouvernementales qui s’en chargeront. Comme le note Médiapart à nouveau, « Ainsi, à la première revendication du syndicat, celle de limiter le droit fondamental de manifester en facilitant et en élargissant les interdictions administratives, tous ont répondu positivement ». Valérie Pécresse déclare donc :« Il faut aller vers une action administrative pour empêcher les ultra-violents de manifester ». Marine le Pen propose quant à elle en outre de la « dissolution des blacks blocks », « l’élargissement des « mesures individuelles de contrôles administratifs aux fichés S qui appartiennent à des mouvances violentes ». Zemmour, pour sa part fustige les manifestations de Gilets jaunes et le « laxisme » du gouvernement à l’encontre de la mobilisation. Darmanin, lui, rappelle que le gouvernement s’est confronté au Conseil Constitutionnel avec son article« anti-casseurs ». Mais que les policiers n’aient crainte, le gouvernement « y retravaille » a promis le ministre de l’intérieur.

Ce que ces annonces de campagne préfigurent chez les quatre auditionnés, c’est donc un nouveau renforcement de l’appareil policier et des violences policières qui vont avec dans les quartiers populaires, ainsi que celles qui s’abattent sur les mouvements sociaux et les piquets de grève du mouvement ouvrier. En arrière-plan, l’objectif est clair : renforcer le bras armé de l’Etat et mettre tous les moyens nécessaires pour mater les futurs phénomènes sociaux et toute possibilité de révolte.


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