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Fin de partie pour Mugabe ?

Game of Thrones au Zimbabwe. Ce qui se cache derrière le coup d’Etat

L’activité avait repris, comme si de rien n’était, à Harare, la capitale du Zimbabwe, mercredi matin. Mais il y a bel et bien eu coup de force de l’armée, dans la nuit du 14 au 15 novembre et Robert Mugabe, qui dirige le pays d’une main de fer depuis 1975, après la défaite du régime raciste rhodésien soutenu par la Grande-Bretagne, a été placé en résidence surveillée.

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Un président quasi centenaire, qui a passé 37 ans au pouvoir ; une corruption galopante à tous les niveaux de l’Etat, à commencer par l’épouse de Mugabe, Grace, connue pour son train de vie fastueux ; une situation économique catastrophique, sur fond de question agraire toujours non-résolue depuis les années 1980 ; un ZANU-PF, le parti (unique) au pouvoir, fragmenté et divisé sur la transition à entamer et une armée qui entend faire le ménage : voilà l’ensemble des ingrédients qui ont présidé au coup de force de mardi soir, au Zimbabwe, l’un des pays les plus pauvres d’Afrique.

Selon un communiqué du ZANU-PF, le président et ses proches seraient actuellement en résidence surveillée. Mugabe aurait été remplacé par son ancien vice-président, Emmerson Mnangagwa, qui jusqu’à présent était opposé au clan Grace Mugabe, qui avait orchestré sa chute. C’est donc l’armée qui a sonné ce qui ressemble fort à une fin de partie pour Mugabe. Il ne s’agirait pas d’un « coup d’Etat », selon l’Etat-major, mais une façon de faire le ménage dans l’entourage de celui qui, dans les années 1970, a dirigé la lutte contre l’Etat raciste de Rhodésie, ancienne colonie britannique, avant de régner sur le pays en véritable despote.

Dans la nuit de mardi à mercredi, des véhicules blindés ont pris le contrôle de la radio-télévision nationale. C’est là que les mutins ont diffusé, à 4 heures du matin, un communiqué à l’adresse de la population, lui expliquant les changements en cours. Les principaux édifices publics de la capitale, Harare, sont passés sous le contrôle des militaires qui assuraient une présence sur les grandes artères de la capitale sans pour autant surjouer la carte du coup de force. Le gouvernement sud-africain, tuteur de Mugabe ces dernières années alors que celui-ci avait été mis au ban de la communauté internationale, a assuré que le président zimbabwéen se trouvait en « bonne santé », sans pour autant que ce communiqué de Jacob Zuma, lui-même en difficulté dans son pays, soit réellement vérifiable.

Derrière le coup d’Etat, il y a bien entendu les graves difficultés économiques auxquelles doit faire face la population et qui avaient conduit en 2016 au mouvement #ZimShutDown2016, d’énormes manifestations. Dans ce cadre, la succession ouverte, pour remplacer Mugabe, a exacerbé les divisions au sein du ZANU-PF entre Grace Mugabe, l’épouse du président, et Mnangagwa. En sortant des casernes, les militaires ont fini par prendre position pour ce dernier, très certainement sur ordre du gouvernement de Pretoria.

Le futur politique de Mugabe semble, aujourd’hui, fortement compromis. Plusieurs chancelleries occidentales, dont la Grande-Bretagne, puissance coloniale et soutien, par la suite, du régime raciste des colons rhodésiens, ont exigé que Mugabe fasse définitivement un pas de côté. Ce qui est sûr, en revanche, c’est que la crise en cours est en train de se résoudre dans le dos des travailleurs, des paysans et de la jeunesse du Zimbabwe. Ce sont pourtant eux qui paient au prix fort, depuis des années, les promesses non-tenues du régime en matière de réforme agraire, les conséquences de plus de 12 ans de sanctions économiques de la part de l’Union Européenne et des Etats-Unis et, plus globalement, de la crise économique. Et ce n’est pas l’ancien vice-président de Mugabe, au discours pro-occidental et pro-marché, ni même ses alliés en treillis qui vont changer réellement la donne pour la population.


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