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Présidentielles 2017

Fillon. Un Thatcher à la française ? Portrait-robot d’un homme de mains au service du patronat

Après son arrivée largement en tête du premier tour de la primaire, François Fillon est largement pressenti pour devenir le candidat de la droite et le probable prochain président de la République. L’occasion de revenir sur le parcours politique peu connu de cet homme de l’ombre mais a qui su affûter ses couteaux au service du patronat tout au long de plus de 40 ans de carrière politique.

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1981-1993 : Un ancrage initial dans la notabilité rurale

 
La carrière politique de François Fillon commence tôt grâce à la force de ses réseaux familiaux. Né dans la Sarthe, François Fillon est issue d’une famille de notables. Alors qu’il souhaite devenir journaliste, il est pris sous son aile par le député de la Sarthe Joël Le Theule, qui est un ami de ses parents, et devient assistant parlementaire. A la mort de son mentor, celui-ci le remplace naturellement au poste de député de la Sarthe en 1981 et devient à 27 ans le benjamin de l’Assemblée Nationale. Deux ans plus tard, il conquiert la ville de Sablé-sur-Sarthe dont il fera son fief électoral.

Dans les années 1980 et au début des années 1990, celui-ci va chercher à progresser au sein des rangs du Rassemblement Pour la République (RPR). Cependant, sa ligne politique traditionnelle dans la droite veine du gaullisme va devenir un obstacle. Ses valeurs très réactionnaires sur les questions de la société et son opposition à la construction européenne ne correspondent pas à l’état d’esprit d’une bourgeoisie française, pour qui, sur fond de restauration néo-libérale, les nécessités du moment coïncidaient à l’ère du temps de la mondialisation ou encore à laisser quelques concessions partielles sur le terrain sociétal, sous la pression des luttes. En 1982, il refuse de dépénaliser l’homosexualité et vote contre le PACS en 1989. En 1992, il fait campagne pour le non sur le traité de Maastricht.

1993-2005 : Le porte-flingue au service du patronat français

 
Pourtant, si son ancrage gaulliste, jugé trop traditionnaliste par une droite qui se cherche une image « moderne », le dessert, et lui vaut par exemple de se voir refuser le poste du ministère de la Défense, le notable issu de la Sarthe va faire les preuves de sa détermination par l’intensité de ses attaques antisociales. En 1993 déjà, nommé ministre de l’Enseignement Supérieur de la Recherche, il dégaine une grosse attaque, en proposant « l’autonomie » des universités françaises. Une mesure à la fois trop avant-gardiste à l’époque mais aussi potentiellement explosive pour la bourgeoisie française et qui sera retoquée par le Conseil Constitutionnel.

Mais sa réputation d’homme de main du patronat va surtout se forger en 1995, où il réussit à faire passer la libéralisation du marché des télécoms et l’ouverture de capital de l’entreprise publique France Télécoms. Une attaque très dure qui va poser les bases d’une victoire importante pour le patronat français et qui sera à l’origine de la tristement célèbre vague de suicide chez les travailleurs de France Telecom dans les années 2000.

A partir de cette date, il va devenir le porte-flingue indispensable du patronat français et jusqu’en 2005, il sera de tous les gouvernements de droite. En 2003, il est appelé à devenir Ministre des Affaires sociales, du Travail et de la Solidarité pour assouplir la loi sur les 35 heures, revenir partiellement sur la loi de modernisation sociale de 2002 et réformer les retraites. Il va alors démontrer tout son savoir-faire et faire passer ces attaques malgré la mobilisation massive qui s’oppose en réaction, en s’appuyant aussi bien sur ses liens avec la bureaucratie syndicale que sur une méthode de répression dure. D’un côté, s’il rentre au gouvernement sur recommandation notamment de Nicole Notat, ancienne dirigeante traitre de la CFDT devenue PDG depuis, il sait aussi montrer les dents. En avril, face aux blocages de lycées de plus en plus nombreux, il envoie les CRS dans les établissements scolaires et déclare : « À chaque blocage de lycée, il y aura déblocage ».

Cependant, celui-ci va se voir malgré tout éconduit par Jacques Chirac à cause de la haine qu’il suscite chez les lycéens et les enseignants, notamment après sa réforme avortée du baccalauréat. Mais c’est aussi son style qui est remis en cause. Homme de l’ombre, davantage du « savoir-faire » que du « faire-savoir » selon ses propres mots, sa figure d’austérité et de rigueur l’empêche de devenir une figure publique de l’UMP. En conflit ouvert avec Jacques Chirac lors de son éviction, il déclare alors : « Quand on fera le bilan de Chirac, on ne se souviendra de rien. Sauf de mes réformes. […] Je vais m’investir à fond dans l’UMP, préparer les échéances futures pour Nicolas Sarkozy en 2007. En me virant du gouvernement, ils ont fait de moi un directeur de campagne avant l’heure. »

2007-2016 : La revanche du « collaborateur »

 
Et c’est ce qu’il va faire par la suite en devant l’un des principaux artisans de l’ombre de la victoire de Sarkozy, une réussite dont le président bling-bling lui sera reconnaissant et qui lui permettra d’obtenir le poste de premier ministre dans son gouvernement. Mais, une nouvelle fois, celui-ci se retrouvera hors des projecteurs, et considéré par Sarkozy au rang de simple « collaborateur ». Un nouvel affront qui sera la goutte de trop pour le député de la Sarthe, et va exacerber sa soif de reconnaissance. D’ailleurs, derrière son apparence de rigueur, celui-ci n’est pas en reste côté bling-bling. En 2010, il avoue par exemple sous la pression médiatique avoir été invité à Noël par le président égyptien Moubarak pour passer une semaine de vacances en famille aux frais de l’État égyptien.

Dès lors, François Fillon va chercher à prendre davantage de galons au sein du parti. Son parcours revanchard connait néanmoins plusieurs échecs, aux législatives de 2012, où il ne parvient pas à être candidat dans le 2ème arrondissement qu’il lorgnait puis aux municipales parisiennes de 2014. Il tente en parallèle de prendre les rênes de l’UMP, mais son rival Jean-François Copé l’en empêche sur fond d’accusations de tricherie. Finalement, il réussit à imposer la primaire de droite de décembre et finit largement en tête du premier tour.

Voir le patron « Sarkozy » obligé d’appeler à voter pour son ancien « collaborateur » au second tour de la primaire, c’est donc pour Fillon l’aboutissement d’une longue quête de gloire et de reconnaissance, pour celui qui a longtemps servi dans l’ombre avec discipline et efficacité le patronat français. Mais derrière les conflits d’orgueil, le score de Fillon traduit aussi le retour en force d’une droite plus traditionnelle, plus dure, qui avait connu un passage à vide durant les années 1990 et 2000. Sur fond de décomposition des mécanismes de la démocratie bourgeoise, une partie des classes dominantes commence à lorgner sur une solution plus thatchérienne, ouvertement réactionnaire et autoritaire, pour imposer ses contre-réformes. Une position incarnée à merveille par Fillon au cours de la campagne des primaires, et tout au long de son parcours politique. Pas sûr cependant que le CV d’un des meilleurs porte-flingues du patronat français suffise à faire oublier sa carrure de petit notable provincial. Car face à lui, il y aura ce dimanche l’un des cadors de l’impérialisme français, Alain Juppé, dont le réseau françafricain constitue à lui seul un sacré argument.


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